L’échelle DEGR a été développée dans les années 1985 en oncologie pédiatrique à l’Institut Gustave Roussy, par le Dr A. Gauvain-Piquard et son équipe, pour mesurer la douleur installée prolongée des enfants en atonie psycho-motrice.

Nous recommandons de la lire et relire assez régulièrement, même si on ne l’utilise pas, car la description sémiologique est particulièrement pertinente et aiguise nos facultés d’observation.

Âge d’utilisation : élaborée pour l’enfant de 2 à 6 ans. Utilisable de 9 mois à 10 ans.

Type de douleur évaluée  : douleur « prolongée » chez l’enfant. Cette échelle a été élaborée pour l’enfant atteint de cancer mais nous pouvons conseiller de l’utiliser dans toute situation de douleur prolongée avec prostration.

Items : 10 items de comportement et de plaintes : l’ordre des items est un peu aléatoire, entre 

  • les signes directs de douleur : positions antalgiques au repos et dans le mouvement, gestes de protection spontanés et à l’examen, comportement de contrôle de la mobilisation (items 1, 3, 5, 7, 9) 
  • l’expression volontaire de la douleur : plaintes et pleurs, localisation de la douleur (items 4 et 8)  
  • l’atonie psychomotrice : visage inexpressif, désintérêt pour le monde extérieur et immobilité (items 2, 6 et 10).

Cotation  : la cotation se réfère à l’état de l’enfant durant les 4 dernières heures. En cas de variation durant cette période, il faut tenir compte de l’intensité maximale des signes. La cotation se fait pour chaque item selon le modèle général suivant :

  • 0 : absence du signe
  • 1 : doute sur la présence du signe observé
  • 2 : signe présent mais discret
  • 3 : signe évident
  • 4 : massif

Score : de 0 à 40.

Seuil de prescription  : 10/40.

Avantages : c’est l’échelle qui permet de coter au mieux la douleur prolongée. Même lorsque l’on utilise d’autres échelles, il est important d’avoir en tête les 3 items de la DEGR qui cotent l’atonie : Manque d’expressivité, Désintérêt pour le monde extérieur, Lenteur et rareté des mouvements. C’est une échelle validée.
Cette échelle permet d’obtenir, en plus du score total, 3 sous-scores :

  • le score des signes directs de la douleur (SDD), avec en particulier les positions antalgiques : 1 + 3 + 5 + 7 + 9 ;
  • le score d’expression volontaire de la douleur (EVD), lié à l’expression vocale et verbale : 4 + 8  ;
  • le score d’atonie psychomotrice (APM), qui augmente lors de l’atonie : 2 + 6 + 10.

Inconvénients : échelle longue à remplir, c’est pourquoi peu d’équipes l’utilisent encore ! Une échelle raccourcie et simplifiée (HEDEN) a été élaborée et validée.

ITEM 1 : POSITION ANTALGIQUE AU REPOS

Spontanément l’enfant évite une position ou bien s’installe dans une posture particulière, malgré une certaine gêne, pour soulager la tension d’une zone douloureuse. A évaluer lorsque l’enfant est SANS ACTIVITE PHYSIQUE, allongé ou assis. A NE PAS CONFONDRE avec l’attitude antalgique dans le mouvement.

COTATION :
0 : Absence de position antalgique : l’enfant peut se mettre n’importe comment.
1 : L’enfant semble éviter certaines positions.
2 : L’enfant évite certaines positions mais n’en parait pas gêné.
3 : L’enfant CHOISIT une position antalgique évidente qui lui apporte un certain soulagement.
4 : L’enfant recherche sans succès une position antalgique et n’arrive pas à être bien installé.

ITEM 2: MANQUE D’EXPRESSIVITE

Concerne la capacité de l’enfant à ressentir et à exprimer sentiments et émotions par son visage, son regard et les inflexions de sa voix. A étudier quand l’enfant aurait des raisons de s’animer (jeux, repas, discussion).

COTATION
0 : L’enfant est vif, dynamique avec un visage animé.
1 : L’enfant parait un peu terne, éteint.
2 : Au moins un des signes suivants : traits du visage peu expressifs, regard morne, voix marmonnée et monotone, débit verbal lent.
3 : Plusieurs des signes ci-dessus sont nets.
4 : Visage figé comme agrandi. Regard vide. Parle avec effort.

ITEM 3 : PROTECTION SPONTANEE DES ZONES DOULOUREUSES
En permanence l’enfant est attentif à éviter un contact sur la zone douloureuse.
COTATION
0 : L’enfant ne montre aucun souci de se protéger.
1 : L’enfant évite les heurts violents.
2 : L’enfant protège son corps, en évitant et en écartant ce qui pourrait le toucher.
3 : L’enfant se préoccupe visiblement de limiter tout attouchement d’une région de son corps.
4 : Toute l’attention de l’enfant est requise pour protéger la zone atteinte.

ITEM 4 : PLAINTES SOMATIQUES
Cet item concerne la façon dont l’enfant a dit qu’il avait mal, spontanément ou à l’interrogatoire, pendant le temps d’observation.
COTATION :
0 : Pas de plainte : l’enfant n’a pas dit qu’il a mal.
1 : Plaintes « neutres » :- sans expression affective (dit en passant « j’ai mal »).- et sans effort pour le dire (ne se dérange pas exprès).
2 : Au moins un des signes suivants : – a suscité la question « qu’est-ce que tu as, tu as mal ? ». – voix geignarde pour dire qu’il a mal. – mimique expressive accompagnant la plainte.
3 : En plus de la COTATION 2, l’enfant : – a attiré l’attention pour dire qu’il a mal. – a demandé un médicament.
4 : C’est au milieu de gémissements, sanglots ou supplications que l’enfant dit qu’il a mal.

ITEM 5 : ATTITUDE ANTALGIQUE DANS LE MOUVEMENT
Spontanément, l’enfant évite la mobilisation, ou l’utilisation d’une partie de son corps. A rechercher au cours d’ENCHAINEMENTS DE MOUVEMENTS (ex : la marche) éventuellement sollicités. A NE PAS CONFONDRE avec la lenteur et rareté des mouvements.
COTATION :
0 : L’enfant ne présente aucune gêne à bouger tout son corps. Ses mouvements sont souples et aisés.
1 : L’enfant montre une gêne, un manque de naturel dans certains de ses mouvements.
2 : L’enfant prend des précautions pour certains gestes.
3 : L’enfant évite nettement de faire certains gestes. Il se mobilise avec prudence et attention.
4 : L’enfant doit être aidé, pour lui éviter des mouvements trop pénibles.

ITEM 6 : DESINTERET POUR LE MONDE EXTERIEUR

Concerne l’énergie disponible pour entrer en relation avec le monde environnant.

COTATION :
0 : L’enfant est plein d’énergie, s’intéresse à son environnement, peut fixer son attention et est capable de se distraire.
1 : L’enfant s’intéresse à son environnement, mais sans enthousiasme.
2 : L’enfant s’ennuie facilement, mais peut être stimulé.
3 : L’enfant se traîne, incapable de jouer. Il regarde passivement.
4 : L’enfant est apathique et indifférent à tout.

ITEM 7 : CONTROLE EXERCE PAR L’ENFANT QUAND ON LE MOBILISE (mobilisation passive).
L’enfant que l’on doit remuer pour une raison banale (bain, repas) surveille le geste, donne un conseil, arrête la main ou la tient).
COTATION :
0 : L’enfant se laisse mobiliser sans y accorder d’attention particulière.
1 : L’enfant a un regard attentif quand on le mobilise.
2 : En plus de la COTATION 1, l’enfant montre qu’il faut faire attention en le remuant.
3 : En plus de la COTATION 2, l’enfant retient de la main ou guide les gestes du soignant.
4 : L’enfant s’oppose à toute initiative du soignant ou obtient qu’aucun geste ne soit fait sans son accord.

ITEM 8 : LOCALISATION DE ZONES DOULOUREUSES PAR L’ENFANT
Spontanément ou à l’interrogatoire, l’enfant localise sa douleur.
COTATION :
0 : Pas de localisation : à aucun moment l’enfant ne désigne une partie de son corps comme gênante.
1 : L’enfant signale, UNIQUEMENT VERBALEMENT, une sensation pénible dans une région VAGUE sans autre précision.
2 : En plus de la COTATION 1, L’enfant montre avec un geste vague cette région.
3 : L’enfant désigne avec la main une région douloureuse précise.
4 : En plus de la COTATION 3, l’enfant décrit, d’une manière assurée et précise, le siège de sa douleur.

ITEM 9 : REACTIONS A L’EXAMEN DES ZONES DOULOUREUSES
L’examen de la zone douloureuse déclenche chez l’enfant un mouvement de défense, ou de retrait, et des réactions émotionnelles. Ne noter que les réactions provoquées par l’examen, et NON CELLES PRE-EXISTANTES A L’EXAMEN.
COTATION :
0 : Aucune réaction déclenchée par l’examen.
1 : L’enfant manifeste, juste au moment où on l’examine, une certaine réticence.
2 : Lors de l’examen, on note au moins un de ces signes : raideur de la zone examinée, crispation du visage, pleurs brusques, blocage respiratoire.
3 : En plus de la COTATION 2, l’enfant change de couleur, transpire, geint ou cherche à arrêter l’examen.
4 : L’examen de la région douloureuse est quasiment impossible, en raison des réactions de l’enfant.

ITEM 10 : LENTEUR ET RARETE DES MOUVEMENTS
Les mouvements de l’enfant sont lents, peu amples et un peu rigides, même à distance de la zone douloureuse. Le tronc et les grosses articulations sont particulièrement immobiles. A comparer avec l’activité gestuelle habituelle d’un enfant de cet âge.
COTATION :
0 : Les mouvements de l’enfant sont larges, vifs, rapides, variés, et lui apportent un certain plaisir.
1 : L’enfant est un peu lent, et bouge sans entrain.
2 : Un des signes suivants :- latence du geste.- mouvements restreints.- gestes lents.- initiatives motrices rares.
3 : Plusieurs des signes ci-dessus sont nets.
4 : L’enfant est comme figé, alors que rien ne l’empêche de bouger.


 

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Références

Gauvain-Piquard A., Rodary C., Lemerle J.
Une échelle d’évaluation de la douleur du jeune enfant.
Journées parisiennes de pédiatrie, 1991 : 95-100

Gauvain-Piquard A., Rodary C., Rezvani A., Serbouti S.
Development of the DEGR : a scale to assess pain in young children with cancer.
Eur J Pain, 1999, 3 : 165-76

MAJ mars 2022