Comment savoir si les enfants drépanocytaires se sentent mieux ?
Myrvik MP, Brandow AM, Drendel AL et al.
Clinically meaningful measurement of pain in children with
sickle cell disease
Pediatr Blood Cancer 2013 ; 60 (10) : 1689-95

Lors des crises sévères, les enfants drépanocytaires hospitalisés donnent toujours des scores de
douleur très élevés, persistant souvent malgré les traitements morphiniques. Les auteurs ont
analysé les 305 scores obtenus par EVA et par échelle numérique (EN) chez 38 patients (8-18 ans)
(mesure toutes les 30 min), et les réponses des enfants à des questions sur la sensation de
changement dans le niveau de douleur (un peu ou beaucoup aggravé, un peu ou beaucoup
mieux, ou sans changement), et le besoin d’antalgique, ce pendant 37 séjours aux urgences dont
18 ont continué en hospitalisation (DMS 3,1 jours). À l’arrivée la médiane des scores était à 7,5 sur
l’EVA et 8 sur l’EN, et à la sortie respectivement 4,9 et 6. D’après les enfants, une diminution de
0,97 à l’EVA et de 0,9 à l’EN était le score minimal cliniquement significatif pour une amélioration
de la douleur. Les enfants souhaitaient plus d’antalgiques (vs n’en demandant pas plus) pour une
EVA médiane à 8,3 vs 6,0 (p < 0,001), et pour une EN médiane à 9 vs 6 (p < 0,001). L’EVA médiane
pour laquelle les enfants se déclaraient satisfaits du traitement était à 6 (vs 8,6 non satisfaits) et 7
vs 10 pour l’EN.
Commentaire Pédiadol : Chez les enfants drépanocytaires, cette étude vient confirmer nos
impressions cliniques : la douleur reste élevée mais les patients ne réclament pas plus
d’antalgiques, une petite différence sur le score les « satisfait »… ce qui n’est pas le cas des enfants
en postopératoire où tous ces scores seuils sont plus bas (cf. Voepel Lewis 2011).

Anesthésie locale et douleurs drépanocytaires
Rasolofo J, Poncelet M, Rousseau V et al.
Efficacité des emplâtres de lidocaïne 5 % sur les
douleurs des crises vaso-occlusives chez l’enfant drépanocytaire
Arch Pediatr 2013 ; 20 (7) : 762-7

L’équipe d’hématologie de Lyon a découvert que l’application d’emplâtres de lidocaïne
(Versatis®, compresses adhésives de 14 × 10 cm2, hors AMM chez l’enfant) produit un effet
antalgique sur les douleurs de la crise drépanocytaire. Six cas cliniques sont relatés dans cet
article. Les compresses doivent être collées sur les zones les plus douloureuses ; elles entraînent
un soulagement net. Une étude est en cours.
Commentaire Pédiadol : Cette équipe innove avec ce traitement ! L’effet de l’anesthésie locale
cutanée est à tester, en limitant bien sûr les surfaces pour ne pas atteindre des doses toxiques.

Traitement des crises drépanocytaires en Italie
Poʹ C, Colombatti R, Cirigliano A et al.
The management of sickle cell pain in the emergency department : a
priority for health systems
Clin J Pain 2013 ; 29 (1) : 60-3

L’objectif de cette étude était d’évaluer la prise en charge de la douleur chez des enfants atteints
de drépanocytose lors de leur passage aux urgences et l’impact de la formation du personnel pour
améliorer cette prise en charge.
Méthodologie : Étude rétrospective sur dossiers informatiques. Ont été inclus les enfants atteints
de drépanocytose reçus au sein du service des urgences d’un centre hospitalier de la ville de
Padova, au Nord de l’Italie, entre janvier 2003 et décembre 2010. Au cours de l’année 2008,
3 formations pour les médecins, internes et infirmières ont été réalisées par les hématologistes du
centre hospitalier concernant la drépanocytose et des protocoles ont été mis en place aux
urgences.
Résultats : 28 patients drépanocytaires (moyenne d’âge 4,5 ans, extrêmes 15 jours – 18 ans) ont
consulté 185 fois aux urgences durant cette période, dans 52 % des cas pour douleur. Avant
l’arrivée aux urgences, la douleur durait depuis moins de 24 heures pour 42 %, entre 1 et 3 jours
pour 14 % et plus de 3 jours pour 24 % et était localisée à un seul site pour la moitié des enfants, le
plus souvent pour un quart au niveau du ventre, pour 23 % au niveau lombaire et pour 15 % au
niveau thoracique. Suite au triage à l’accueil des urgences, les enfants étaient considérés comme
une urgence importante dans la moitié des cas. Dans seulement un tiers des cas la douleur était
évaluée avec l’EVA retrouvant alors une douleur modérée à sévère (6 à 10) dans deux tiers des
cas. Un traitement antalgique a été délivré dans la moitié des cas dans un délai moyen de 75 min
(extrêmes 1-300 min). La décision d’hospitalisation était significativement associée à la présence
de fièvre mais pas à la durée de la douleur à l’arrivée aux urgences ni au nombre de site
douloureux.
L’évaluation de la prise en charge de la douleur entre les deux périodes avant et après les mesures
de formation du personnel montre :

  • une augmentation significative du degré d’urgence importante attribué après évaluation à
    l’accueil des urgences de 40 à 72 %, de l’utilisation de l’EVA pour évaluer la douleur de 8
    à 50 % ;
  • une diminution (mais non significative) du délai d’administration des antalgiques (64 vs 87 min) et du délai entre la prise en charge médicale et l’administration des antalgiques
    (41 vs 66 min) ;
  • pas de réduction significative du temps d’attente pour la prise en charge médicale (25 vs
    28 min), ni d’augmentation significative du pourcentage de prescription d’antalgique (54
    vs 49 %). La morphine n’est prescrite quand dans 4 % des situations en 2003-2008 vs 12 %
    en 2009-2010. Un antalgique est prescrit à la sortie dans respectivement 66 et 68 % des cas.

Les méthodes non pharmacologiques de prise en charge de la douleur n’ont jamais été utilisées au
sein du service des urgences ni conseillées au retour à domicile.

Commentaire Pédiadol : Une inadaptation du traitement antalgique et les délais d’attente trop
longs sont malheureusement souvent retrouvés dans la prise en charge des enfants
drépanocytaires aux urgences même dans les grands centres, habitués à la prise en charge de ces
patients.

Sensibilisation à la
douleur aiguë des gestes dans la drépanocytose de l’enfant : modulation par les crises vaso-occlusives
douloureuses, lʹâge et lʹendothéline‐1

Schlenz AM, McClellan CB, Mark TRM et al.
Sensitization to acute procedural pain in pediatric sickle cell
disease : modulation by painful vaso-occlusive episodes, age, and endothelin1
J Pain 2012 ; 13 (7) : 656-65

Lʹimpact de la douleur ressentie tôt dans la vie est une question importante dans le cas de la
drépanocytose, maladie génétique caractérisée par des crises vaso-occlusives (CVO) qui peuvent
commencer dans la première année de la vie et persister à lʹâge adulte. Cette étude examinait les
effets de lʹâge et du passé douloureux (âge de début et fréquence des crises vaso‐occlusives
récentes) sur la douleur des gestes chez les enfants drépanocytaires. Lʹendothéline-1, un peptide
vasoactif libéré lors de ces crises et de lésions tissulaires aiguës, et son précurseur, la proendothéline,
ont été explorés en tant que marqueurs de la sensibilisation à la douleur et à la vasoocclusion.
61 enfants drépanocytaires (de 2 à 18 ans) ont subi des ponctions veineuses
lors de visites médicales de routine. La douleur du geste a été cotée par les enfants et les
soignants, et via une échelle comportementale (échelle dʹobservation m-OSBD). Le passé
douloureux a été évalué à lʹaide dʹun audit rétrospectif des dossiers. Trois résultats principaux ont
été trouvés :

  • le jeune âge était associé à une plus grande douleur des gestes dans tous les résultats ;
  • une forte fréquence de CVO était associée à une plus forte douleur des gestes sur
    lʹéchelle observationnelle (quel que soit lʹâge) ;
  • lʹâge modérait la relation entre les CVO et la douleur des gestes pour la douleur
    rapportée par les enfants et l’expression comportementale, pour les enfants à partir de
    5 ans.

Des associations ont également été observées entre les variables endothéline et la douleur
antérieure à la ponction veineuse.

Commentaire Pédiadol : Chez les enfants drépanocytaires, lʹâge et le passé douloureux doivent
être pris en compte lors de la prise en charge de la douleur des gestes : la douleur sensibilise à la
douleur.

Une explication pharmacocinétique aux fortes doses de morphine nécessaires chez les drépanocytaires ?

Darbari DS, Neely M, van den Anker J, Rana S.
Increased clearance of morphine in sickle cell disease: implications for pain management
J Pain 2011 ; 12 (5) : 531-8

Les crises vaso-occlusives drépanocytaires sont à l’origine chez certains patients de douleurs épouvantables particulièrement résistantes aux antalgiques. Les publications font régulièrement état d’un relatif échec à soulager : malgré des doses élevées de morphine, entre 1 et 2 mg/kg/jour IV (en PCA bolus avec ou sans débit continu), les niveaux de douleur restent élevés plusieurs jours (cf. les publications de E. Jacob), posant la question d’une inefficacité de la morphine sur ces douleurs. Les auteurs ont donc voulu étudier la pharmacocinétique de la morphine.
Méthodologie : Chez 18 adultes drépanocytaires (à distance des crises), dosages répétés des taux sanguins de la morphine et de ses métabolites (3-G et 6G) sur 24 heures, après injection IV de 0,1 mg/kg.
Résultats : La clearance de la morphine est multipliée par un facteur de 3 à 10 par rapport aux chiffres habituels chez des patients non drépanocytaires, avec parallèlement un abaissement de l’aire sous la courbe et de la demi-vie : médiane 0,5 h (0,3-0,7) pour un chiffre habituel de 1,5 à 2 h, avec un volume de distribution conservé.
Le facteur causal principal est sans doute l’augmentation du débit sanguin hépatique et rénal (et de la filtration glomérulaire), en rapport avec l’augmentation du débit cardiaque à cause de l’anémie chronique.
Ces perturbations de la pharmacocinétique peuvent expliquer la nécessité de renouveler les doses plus souvent et en plus grande quantité.
Commentaire Pédiadol :
Cette étude (qui fait suite à des données précédentes identiques — Dampier 1995) donne une explication séduisante à la « résistance » de la douleur de la crise vaso-occlusive drépanocytaire aux fortes doses de morphine.

Utilisation de perfusion de kétamine à faible dose chez des enfants drépanocytaires : série de cas

Zempsky WT, Loiselle KA, Corsi JM, Hagstrom JN.
Use of low-dose ketamine infusion for pediatric patients with sickle cell disease-related pain : a case series
Clin J Pain 2010 ; 26 (2) : 163-7

Pour la première fois, l’utilisation de la kétamine IVC à petite dose chez des jeunes
drépanocytaires a été publiée : il s’agit de 5 cas cliniques de douleur de crise vaso-occlusive non
contrôlée. La kétamine était associée à la morphine IV dans 4 cas sur 5. L’adjonction de kétamine
a permis l’amélioration nette dans 3 cas.
Commentaire Pédiadol :
Nombre d’équipes associent la kétamine IVC à petite dose
(1 mg/kg/jour), quand la douleur de la crise n’est pas soulagée malgré de fortes doses de
morphine ; des études sont nécessaires pour en apprécier l’efficacité.

Qualité de vie
Brandow AM, Brousseau DC, Panepinto JA.
Postdischarge pain, functional limitations and impact on caregivers of children with sickle cell disease treated for painful events
Br J Haematol 2009 ; 144 (5) : 782-8

Une équipe américaine a enquêté par téléphone à J3 et J7 sur le nombre de jours de
douleur après la sortie du service des urgences ou d’hospitalisation pour crise vaso-occlusive
(CVO). Chez 58 enfants âgés de 2 à 18 ans, la douleur à la maison a duré encore
en moyenne 2,5 jours, 46,5 % des enfants ont eu 3 jours de douleur ou plus, 44,8 %
consommaient des antalgiques à J3 et 19 % à J7, 7 sont revenus en consultation et 4 ont été
réhospitalisés ; l’absence à l’école (chez les 35 enfants inscrits à l’école) a été de 2,17 jours en
moyenne, plus de la moitié a manqué 3 jours ou plus ; enfin les parents ont manqué en
moyenne 1,15 jour de travail, avec un quart manquant 2 jours ou plus. Les facteurs de
risque étaient un nombre de CVO ≥ 3 l’année précédente, et le jeune âge, sans différence
entre les enfants vus aux urgences uniquement ou sortant d’hospitalisation.

Brandow AM, Brousseau DC, Pajewski NM, Panepinto JA.
Vaso-occlusive painful events in sickle cell
disease: Impact on child well-being
Pediatr Blood Cancer 2009 Aug 3. Epub ahead of print

Une autre équipe a enrôlé 61 enfants drépanocytaires dans un suivi de la qualité de
vie après consultation aux urgences pour un événement douloureux : le questionnaire
PedsQL était rempli aux urgences puis à J7 par téléphone et le score comparé avec ceux des
enfants drépanocytaires suivis en consultation de routine. Bien entendu, la qualité de vie
était gravement altérée au moment de la consultation pour CVO (avec EVA moyenne à
8/10), et à J7 les scores augmentaient pour se rapprocher des scores des enfants vus en
intercritique en consultation. Pour les auteurs, cela valide cet outil de mesure dans cette
population.
Commentaire Pédiadol :
Ces études soulignent l’impact sévère de la maladie drépanocytaire
dans la vie de tous les jours de l’enfant, ce que nous oublions volontiers pour ne retenir que les
évènements constatés à l’hôpital !

Le mécontentement des enfants drépanocytaires vis-à-vis des soins hospitaliers n’est pas lié uniquement aux crises ou à la chronicité de leur maladie

Brousseau DC, Mukonje T, Brandow AM et al.
Dissatisfaction with hospital care for children with sickle cell
disease not due only to race and chronic disease
Pediatr Blood Cancer 2009 ; 53 (2) : 174-8

Cette publication de la même équipe du Wisconsin témoigne de l’insatisfaction des
parents d’enfants drépanocytaires (2-18 ans) (n = 34), comparés à ceux d’enfants du même
âge asthmatiques (n = 124), ou de pédiatrie générale tout-venant (n = 481), après un séjour à
l’hôpital. La question globale sur l’indice de satisfaction était répartie en 5 niveaux (de faible
à excellent), puis une série de 35 questions concernait la collaboration parents-soignants,
les soins, la douleur physique, l’information aux parents, la confiance, la continuité des
soins au retour à domicile et la coordination. Trente-deux pour cent des parents d’enfants drépanocytaires
étaint mécontents des soins envers leurs enfants, contre 17 % pour l’asthme et 14 % pour les
tout-venants. Ce taux d’insatisfaction augmentait dans les minorités ethniques dans tous les
groupes (globalement 21 % versus 12 %). Les parents d’enfants drépanocytaires relataient plus
de manque de courtoisie des soignants (29 % versus 16 %) et ce taux était identique pour tous
les parents afro-américains quel que fut le motif d’hospitalisation. Les parents de
drépanocytaires évoquaient la discrimination dans 45 % des cas, contre 3 % des parents afro-américains
des enfants asthmatiques et 8 % des parents des autres enfants. Les attitudes
racistes ne peuvent donc expliquer complètement ces différences.
Commentaire Pédiadol :
Voilà une enquête qui interroge notre éthique.

Effets des massages sur les crises drépnaocytaires des enfants
Lemanek KL, Ranalli M, Lukens CJ.
Randomized controlled trial of massage therapy in children with
sickle cell disease
Pediatr Psychol 2009. Mar 12. Epub ahead of print

Cette étude montre l’intérêt possible des massages au cours d’un essai clinique
contrôlé randomisé sur 34 enfants drépanocytaires (âge moyen de 10,76 ans) et leurs
parents. Les enfants ont été randomisés en 2 groupes : les parents du 1er groupe (n = 18) ont
été formés aux massages, à domicile, une fois par semaine pendant 4 semaines, ceux
du 2e groupe (n = 16) ont juste reçu la visite d’un assistant de recherche clinique à domicile
une fois par semaine. Les niveaux de dépression, d’anxiété et de douleur ont été évalués à
l’aide d’échelles spécifiques (CES-D, STAI, FS-IIIR, CDI, STAIC et Baker and Wong). À la
surprise des auteurs, les parents dans le groupe « massage » ont rapporté des niveaux plus
élevés de dépression et d’inquiétude juste après la réalisation des massages. En revanche,
leurs enfants (massés tous les soirs) avaient des scores plus bas de dépression, d’inquiétude,
et de douleur et un meilleur statut fonctionnel, comparé aux enfants de l’autre groupe. Ces
résultats montrent l’intérêt pour les enfants de massages réalisés par les parents lors des
crises douloureuses.
Commentaire Pédiadol :
L’interprétation des effets négatifs chez les parents est difficile !

Pharmacocinétique de la codéine et de ses métabolites chez les sujets drépanocytaires noirs
Shord SS, Cavallari LH, Gao W et al.
The pharmacokinetics of codeine and its metabolites in Blacks with sickle
cell disease
Eur J Clin Pharmacol 2009 ; 65 (7) : 651-8

Cette publication concerne la pharmacocinétique de la codéine et de ses métabolites
chez les patients drépanocytaires noirs. Dans cette étude prospective ouverte, 54 adultes
drépanocytaires ont pris 30 mg de sulfate de codéine oral, et un prélèvement veineux a été
réalisé avant et après la prise pour mesurer les métabolites de la codéine (en particulier la
morphine) et identifier le génotype du cytochrome P450 (système enzymatique susceptible
de variation d’origine génétique, qui entraîne la transformation plus ou moins importante de la codéine en morphine). Quatre génotypes particuliers, connus pour entraîner une
baisse du métabolisme de la codéine, ont été recherchés.
Résultats : Chez 30 sujets, le taux
sérique maximal moyen de morphine était de 2 ng/mL. Chez les 24 autres, la morphine était
non détectable. Pourtant chez ces derniers, il n’a pas été retrouvé de variants du
cytochrome P450 associés habituellement à de moindres capacités métaboliques. Le nombre
de consultations aux urgences n’était pas différent dans les deux groupes mais le nombre
d’hospitalisations pour crise vaso-occlusive a été plus important dans le groupe morphine
non détectable.
Commentaire Pédiadol :
La pharmacogénétique des morphiniques chez le drépanocytaire
commence à être étudiée, les résultats ici montrent une transformation faible ou nulle de la
codéine en morphine.

Diamorphine intranasale pour les crises vaso-occlusives
Telfer PT, Lahoz C, Ali K et al.
Intranasal diamorphine for acute sickle cell pain
Arch Dis Child 2009 Mar 25. Epub ahead of print

Cette équipe a conduit une étude pilote pour apprécier l’intérêt de
l’administration de diamorphine (dérivée de la morphine, deux fois plus puissante = nom de la molécule d’héroïne, autorisée comme antalgique dans plusieurs pays mais non en France) par voie nasale lors des CVO. Ce morphinique puissant
qui a une excellente biodisponibilité par voie nasale, un délai d’action très court mais une
courte durée d’action (20-30 min), a déjà été testé avec succès pour soulager la douleur des
patients avec fracture aux urgences. Ici les auteurs ont conduit deux études successives :
  • phase 1 : des enfants en CVO sévère (n = 9) ont reçu à l’arrivée diamorphine intranasale
    (0,1 mg/kg) avec relais par morphine IV réalisé pour 6 d’entre eux (0,1 mg/kg et PCA) et
    retour à domicile pour 2 autres et sinon morphine orale ; compte tenu des difficultés de voie
    d’abord, l’étude s’est poursuivie,
  • phase 2 : pour 13 enfants, après diamorphine IN, relais
    par morphine orale (0,4 mg/kg en administration simultanée).
La douleur a chuté rapidement
en 15 à 30 min et le relais oral a été efficace. Les enfants étaient satisfaits de cette prise en charge.
Pas d’excès de sédation, 8 cas d’effets indésirables mineurs (irritation nasale, prurit,
nausées). Depuis, cette équipe utilise ce protocole avec succès, l’analgésique est donné en
moyenne dans les 5 min suivant l’arrivée.
Commentaire Pédiadol :
Ce protocole est séduisant mais ce médicament à haut rique de
détournement de l’usage n’est pas autorisé ni commercialisé en France.

Évaluation des nausées et vomissements induits chez les drépanocytaires par les
opiacés

Shord SS, Chew L, Villano J.
Evaluation of opioid induced nausea and vomiting in sickle cell disease
Am J Hematol 2008 ; 83 (3) : 196-9

Cette étude rétrospective chez 34 adultes drépanocytaires au cours de 97
hospitalisations pour crise, tous traités par morphiniques, retrouve 50 % de nausées ou
vomissements.

Pharmacogénétique de la morphine : implications possibles dans
la drépanocytose

Darbari DS, Minniti CP, Rana S, van den Anker J.
Pharmacogenetics of morphine : Potential implications in sickle cell disease
Am J Hematol 2008 ; 83 (3) : 233-6

Des notions de pharmacogénétique viennent nous éclairer sur la relative « résistance »
des drépanocytaires à la morphine : un certain nombre de recherches montre que des
variantes alléliques des gènes impliqués dans le métabolisme des opioïdes : UGT2B7 (qui
transforme la morphine en M3G et M6G), avec pour conséquence une augmentation de la
clairance hépatique, OPRM1 (récepteur opioïde mu), ABCB1 (protéine membranaire) et des
systèmes non opioïdes (gène COMT impliqué dans la modulation des voies
dopaminergiques) chez ces malades peuvent altérer le métabolisme de la morphine, au plan
pharmacocinétique et pharmacodynamique (indépendamment des anomalies rénales liées à
la maladie et entraînant une augmentation de la clairance rénale de la morphine). Une
augmentation de la clairance conduit à une inefficacité des doses habituellement efficaces
chez les malades non drépanocytaires, ce qui suscite de la méfiance et des accusations de
dépendance de la part des soignants. Une meilleure connaissance de ces variations du
métabolisme chez ces malades nous permettra à l’avenir de mieux comprendre les difficultés
de traitement.

La douleur des enfants drépanocytaires hospitalisés plus de 10 jours pour un épisode
aigu

Jacob E, Mueller BU.
Pain experience of children with sickle cell disease who had prolonged hospitalizations for acute
painful episodes
Pain Med 2008 ; 9 : 13-21

Une étude d’Eufemia Jacob (Houston, Texas), qui publie régulièrement sur la douleur
des drépanocytaires : ce sont les cas de crises vaso-occlusives les plus sévères et prolongées
qui sont analysés, celles de plus de 10 jours d’hospitalisation (alors que la moyenne
habituelle se situe entre 5 et 7 jours) ; on sait que ces patients les plus sévères (5 % environ
des patients) sont à l’origine de 30 % des jours d’hospitalisations ! L’étude rétrospective, sur
dossiers, analyse les consommations de morphine, les scores d’évaluation de la douleur des
10 jeunes qui ont eu 3 ou plus hospitalisations et/ou des hospitalisations de plus de 10 jours
sur une année. Ces 10 enfants (des adolescents, âge moyen 14,7 ± 2,9 ans) totalisent 48
séjours, dont 33 pour douleur vaso-occlusive ; 29 dossiers d’hospitalisation ont pu être
étudiés, avec un groupe de 16 d’une durée de séjour de moins de 10 jours (durée moyenne
6 ± 3 jours, extrêmes 2-10 jours), et un groupe de 13 de plus de 10 jours (durée moyenne
23 ± 8 jours, extrêmes 15-36 jours). Pour le groupe long séjour, la douleur était très élevée à
l’arrivée (9,4 ± 0,8 sur l’EN = échelle numérique de 0 à 10), avait commencé en moyenne 4 jours avant et touchait
plusieurs régions du corps ; aux urgences, la morphine a été administrée dans 58 % des cas,
et le kétorolac (AINS intraveineux disponible aux États‐Unis) dans 41 % des cas. Les jours suivants, la douleur a continué à se situer entre
7 et 8,4, et a persisté à ce niveau pendant toute l’hospitalisation, sans différence entre le
groupe long séjour et le groupe court séjour. La PCA a été utilisée dans 59 % des cas des
longs séjours, de la morphine orale retard dans 43 % des cas et de la morphine en
administration IV intermittente dans 21 % des cas. La PCA était utilisée en moyenne 6 jours
(extrêmes 0-33 jours), initiée dans les premières 24 heures pour 55 %, et parfois initiée très
tardivement (jusqu’au 10e jour !) ; la moyenne des doses prescrites était de
3,5 ± 1,7 mg/kg/jour (extrêmes 0,5-9,1), et la moyenne des doses effectivement reçues était de 1,16 ± 0,84 mg/kg/j (en moyenne 33 % de la dose autorisée est administrée), soit en
moyenne 50 ± 40 µg/kg/heure (à noter poids entre 45 et 100 kg), avec un débit continu
moyen de 20 ± 10 µg/kg/heure. La dose de morphine reçue était significativement plus
faible dans le groupe court séjour (1,5 ± 0,9 versus 0,5 ± 0,3 mg/kg/jour).
La persistance de niveaux élevés de douleur au cours de l’hospitalisation pour CVO sévère
a déjà été retrouvée dans plusieurs études. Les mécanismes invoqués sont : la sensibilisation
à la douleur entraînée par une douleur sévère persistante, les posologies finalement assez
faibles de morphine administrée, le défaut de suivi étroit de l’efficacité du traitement (pas
de titrations répétées malgré les niveaux élevés de douleur), et le manque de recours aux
bolus accessibles par les adolescents eux-mêmes, qui semblent se satisfaire d’une réduction
initiale modeste de la douleur. Les pistes d’amélioration sont la titration et le suivi étroit de
la douleur, dès les urgences, pour ne pas laisser s’installer une douleur sévère, le
changement de morphinique si la morphine est inefficace, l’établissement de protocoles.
Commentaire Pédiadol : Les crises prolongées de douleur drépanocytaire sévère posent
effectivement une énigme diagnostique et de difficiles problèmes thérapeutiques, des
améliorations des protocoles antalgiques sont certainement possibles, mais on a parfois
l’impression que rien ne soulage le jeune, malgré des doses massives de morphine et l’association
à d’autres antalgiques.

Épisodes vaso-occlusifs chez les grands enfants
drépanocytaires : gestion de la douleur et évaluation aux urgences

Frei-Jones MJ, Baxter AL, Rogers ZR, Buchanan GR.
Vaso-occlusive episodes in older children with sickle cell disease : emergency department management and pain assessment
J Pediatr 2008 ; 152 : 281-5

Cette publication (à Dallas, cohorte de plus de 600 enfants drépanocytaires
suivis) se consacre à analyser le devenir (admission ou non), les scores de douleur et les
traitements reçus aux urgences, par 105 enfants de 8 à 19 ans, au cours de 279 crises vues
sur une année, dont 64 % ont été suivies d’une admission. Sur les 105 enfants, 45 sont venus
une fois aux urgences dans l’année d’étude, 25 sont venus 2 fois, et 16 sont venus 5 fois ou
plus (ceux-là totalisent 115 visites, dont 70 % ont été suivies d’admission contre 60 % chez
ceux qui sont venus moins de 5 fois). Le critère d’inclusion dans l’étude était le diagnostic
isolé de crise, sans autre complication, et l’administration d’au moins une injection IV de
morphine aux urgences. Le protocole à la maison était d’associer AINS, paracétamol et
opioïdes pendant au moins 24 heures avant d’aller aux urgences. Aux urgences l’infirmière d’accueil et d’orientation
évaluait la douleur (échelle de visages Wong Baker de 0 à 5, plus rarement EN de 0 à 10),
administrait paracétamol 15 mg/kg et ibuprofène 10 mg/kg si la douleur dépassait 2/5, et posait
une voie veineuse ; après évaluation médicale, une dose de morphine IV (0,1 mg/kg sans
dépasser 8 mg) était donnée ; la douleur était évaluée toutes les 15 à 30 minutes et des
injections complémentaires administrées tant que le score était › 3/5. La décision d’admission
était prise ensuite, entre l’urgentiste et l’hématologiste, selon l’évolution de la douleur et les
doses de morphine reçues. Le nombre d’injections IV de morphine aux urgences était de 2,5,
avec une différence significative entre ceux qui étaient admis (3 doses ± 1,1) et ceux qui
rentraient à la maison (1,5 ± 0,7 ; p < 0,0001). Retournaient à la maison la majorité (60/69) de
ceux qui n’avaient reçu qu’une dose, un peu moins de la moitié de ceux qui avaient reçu 2 injections
(36/79), et très peu de ceux qui avaient reçu 3 doses (8/131). Le temps moyen entre 2 injections
était de 52 minutes. Les enfants admis avaient un score de douleur moyen à l’arrivée de 4,4/5
versus 3,9/5 pour ceux qui retournaient au domicile (p = 0,002). Les enfants renvoyés au
domicile étaient ceux soulagés après la première dose, dont le score de douleur était passé alors à 1,1/5 (versus 2,5 pour ceux admis) : c’était le facteur prédictif le plus important. Douze
enfants seulement sont revenus aux urgences dans les 4 jours.
Commentaire Pédiadol : Le protocole d’administrer un morphinique IV aux urgences devant
toute crise avec douleur sévère, et de décider l’admission selon le résultat antalgique, semble
habituel aux États-Unis, mais n’est pas courant en France. De nombreuses hospitalisations sont
ainsi évitées. Le traitement prescrit au retour à domicile n’est pas précisé.

Le traitement par morphine est-il associé au syndrome
thoracique aigu chez l’enfant drépanocytaire en crise vaso-occlusive ? Une étude en cross-over sur 6 ans

Finkelstein Y, Schechter T, Garcia-Bournissen F et al.
Is morphine exposure associated with acute chest syndrome in children with vaso-occlusive crisis of sickle cell
disease? A 6-year case-crossover study
Clin Ther 2007 ; 29 (12) : 2738-43

Une publication sur le risque de syndrome thoracique aigu lors de l’emploi des
morphiniques chez l’enfant drépanocytaire. Dans cette étude rétrospective cas témoin en
cross-over, les auteurs ont comparé les doses moyennes cumulées de morphine chez 17
enfants âgés en moyenne de 8,9 ans ayant développé un STA (syndrome thoracique aigu)
au cours d’une crise vaso-occlusive (CVO) sévère (hospitalisation index) versus le même
groupe (âge moyen 8,6 ans) traité par morphine durant une hospitalisation de référence ; la
dose moyenne cumulée au cours de l’hospitalisation index (0,6 mg/kg) n’était pas
statistiquement différente de la dose moyenne cumulée au cours de l’hospitalisation de
référence (0,8 mg/kg) permettant aux auteurs de conclure qu’il n’y a pas d’association entre
un effet dose de morphine et la survenue d’un STA.
Commentaire Pédiadol : Cette étude innocente la morphine dans la survenue d’un STA, une
étude antérieure n’était pas aussi formelle : à suivre…

L’optimisme prédit la consommation quotidienne
d’analgésiques chez les adolescents drépanocytaires

Pence L, Valrie CR, Gil KM et al.
Optimism predicting daily pain medication use in adolescents
with sickle cell disease
J Pain Symptom Manage 2007 ; 33 : 302-9

La tenue d’un agenda de douleur par 27 adolescents pendant 3 à 6 mois a montré que
la douleur est éprouvée dans 14,85 % des journées (± 18 %), soit un jour sur 6,7 ; avec alors
une EVA moyenne à 42,7 ± 24,1. La consommation d’antalgiques non opiacés est de
61 ± 38 % des jours avec douleur, et des antalgiques opiacés de 35 ± 35 % des jours avec
douleur. Les auteurs ont fait remplir une échelle d’optimisme (Life Orientation Test revised),
sur 24 points ; le score moyen est à 15,3 ± 3,1. Plus le score d’optimisme est élevé, plus la
corrélation entre le degré de douleur et la consommation d’antalgiques est bonne, ce qui fait
penser que les adolescents suffisamment optimistes gèrent mieux leur douleur.


Efficacité d’un hôpital de jour dédié à la prise en charge
de la douleur drépanocytaire aiguë

Adewoye AH, Nolan V, McMahon L et al.
Effectiveness of a dedicated day hospital for management of acute sickle cell
pain
Haematologica 2007 ; 92 : 854-5

Chez l’adulte, l’intérêt est souligné d’un hôpital de jour spécialisé dans la
prise en charge de la douleur drépanocytaire, avec possibilité de titration soigneuse en
morphine par une équipe spécialiste de la maladie.


PCA versus infusion continue
de morphine pendant les crises vaso-occlusives drépanocytaires : un essai randomisé contrôlé

van Beers EJ, van Tuijn CF, Nieuwkerk PT et al.
Patient-controlled
analgesia versus continuous infusion of morphine during vaso-occlusive crisis in sickle cell disease, a randomized
controlled trial
Am J Hematol 2007 ; 82 (11) :955-60

Chez l’adulte, la comparaison de l’administration de morphine en PCA versus
IVC au cours de 25 crises chez 19 malades est bien sûr en faveur de la PCA : la dose de
morphine consommée est inférieure, tant en dose horaire (0,5 mg/h versus 2,4mg/h, p
‹ 0,001), qu’en dose cumulée (33 mg versus 260 mg, p = 0,018) pour des scores de douleur
quasi semblables (EVA moyenne 4,9 versus 5,3). Dans le groupe PCA, le pourcentage de
nausées vomissements est franchement diminué, ainsi que celui de constipation. Enfin la
durée de séjour est raccourcie de 3 jours.

Quantification de l’utilisation des analgésiques
chez les enfants drépanocytaires

Jacob E, Miaskowski C, Savedra M et al.
Quantification of analgesic use in children with sickle cell disease
Clin J Pain 2007 ; 23 : 8-14

Une équipe d’un hôpital californien a évalué la douleur avec l’échelle numérique
OUCHER (0-100) et quantifié la quantité de morphine et d’autres antalgiques utilisés durant
les crises vaso-occlusives sévères chez 27 enfants hospitalisés de 5 à 19 ans.
Dans 59 % des
crises, le début était brutal avec ensuite une douleur continue sévère (60,4 ± 26,9) jusqu’à
l’hospitalisation (au maximum 4 jours plus tard). Le score à l’arrivée à l’hôpital était en
moyenne à 84,0 ± 9,9 (63,8 à 100). À l’arrivée, 85,2 % des enfants étaient traités par morphine
et 85,2 % par kétorolac (AINS IV non disponible en France). La majorité des enfants sortaient
entre J4 et J5. La morphine était prescrite pour 87,5 % des journées d’hospitalisation, avec des
doses franchement infrathérapeutiques dans 25,9 % des cas est des doses faibles dans 59,3 %
des cas.

Un pédiatre à l’écoute de jeunes adultes drépanocytaires
Dommergues JP, Gimeno L, Galacteros F.
Quantification of analgesic use in children with sickle cell disease
Arch Pediatr 2007 ; 14 (9) : 1115-8

Le passage de l’enfance à l’adolescence puis à l’âge adulte des drépanocytaires a été étudié
grâce à une interview téléphonique à l’aide d’un questionnaire semi-structuré chez 59 jeunes
adultes. La plupart se plaignaient de leurs difficultés d’insertion dans la vie professionnelle ; de
l’impossibilité de faire du sport ; de la persistance de crises douloureuses (pour 2/3 d’entre eux),
avec un retentissement important sur les études ou la vie professionnelle et un absentéisme de
plus d’un mois par an pour 41 % d’entre eux ; d’un priapisme pour la moitié des hommes. La
moitié reconnaissait ne pas parler de leur maladie et les 2/3 étaient angoissés par leur santé (crainte de
complications neurologiques et orthopédiques, décès dans l’entourage). Le changement de suivi,
du pédiatre au médecin d’adulte, entre 16 et 18 ans, s’est passé majoritairement « au bon moment »
(72 %). Les craintes évoquées à propos du passage en médecine adulte étaient par ordre de
fréquence décroissante : la perte d’une relation privilégiée avec le pédiatre, la confrontation avec
des patients âgés, la qualité de la prise en charge de la douleur, la connaissance de la maladie, le
risque de contagion hospitalière. Cependant il est à noter qu’environ un quart des patients ont
répondu n’avoir éprouvé particulièrement aucune de ces craintes et 43 % des patients estimaient a
posteriori
que leurs craintes étaient partiellement fondées. L’intérêt d’une transition avec
consultation commune médecin pédiatre – médecin d’adultes était considéré comme une suggestion
positive par 71 %. La prise en charge de la douleur faisait l’objet de beaucoup moins de plaintes que
dans des publications précédentes (cf. enquête A. Turz 2001), cependant les temps d’attente aux
urgences étaient encore à améliorer. Dans l’ensemble les jeunes patients réclamaient plus d’écoute, en
particulier lorsqu’ils viennent en urgence, et que l’on tienne compte de leur avis en particulier sur
les doses de morphine ; ils demandaient un recours plus fréquent à la PCA et l’aide plus
systématique de l’équipe douleur. Ils demandaient plus d’écoute aussi sur leurs problèmes
personnels (qualité de vie, problèmes professionnels, sexualité, avenir, grossesse, etc.). Les trois
quarts des patients répondants ont dit que leurs attentes  » étaient remplies ou partiellement
remplies ».

Prise en charge globale de la douleur des patients drépanocytaires
Yoon SL, Black S.
Comprehensive, integrative management of pain for patients with sickle-cell disease
J Altern Complement Med 2006 ; 12 : 995-1001

L’utilisation au quotidien de diverses techniques antalgiques, pharmacologiques ou
non, par les parents de 62 enfants drépanocytaires a été explorée par questionnaire lors
d’une consultation systématique. L’ibuprofène (utilisé chez 37 % des enfants), le paracétamol
associé à la codéine (utilisé chez 32 % des enfants) et le paracétamol associé à l’oxycodone
(utilisé chez 14 % des enfants) étaient les médicaments les plus utilisés par les parents (en
moyenne un seul médicament), mais 42,6 % des enfants ne recevaient pas d’antalgique. Plus
de 70 % des parents utilisaient des techniques complémentaires non pharmacologiques, en
moyenne 3,67 par parent. Les plus usuelles étaient la prière, le secours spirituel par d’autres, les
massages et la relaxation, ainsi que l’application de chaleur et les bains chauds. Plus
rarement la musique, la méditation, le yoga ou le tai-chi, des vitamines et des tisanes.
L’acuponcture et l’hypnose n’étaient pas utilisées. Ces techniques complémentaires étaient
d’autant plus utilisées que les parents administraient aussi un ou plusieurs antalgiques. Les
parents étaient très intéressés par les techniques qu’ils n’utilisaient pas eux-mêmes et
formaient le projet de les utiliser à l’avenir, avec en priorité puis par ordre décroissant la
prière, les massages, la relaxation, l’aide spirituelle, la musique, les vitamines et l’imagerie, le
yoga ou le tai-chi, la méditation.

Cursus
de formation : compétences en communication et prise de conscience des
aspects culturels pour les soignants qui prennent en charge des patients drépanocytaires

Thomas VJ, Cohn T.
Communication
skills and cultural awareness courses for healthcare professionals who care
for patients with sickle cell disease
J Adv Nurs 2006 ; 53 : 480-8

Cette équipe rapporte
l’intérêt de la formation des soignants à la communication
avec leurs patients chroniques : pour diminuer les difficultés de communication
avec les malades drépanocytaires, un programme de formation sur les barrières
à la communication, les techniques de communication et les aspects socioculturels
de la maladie est organisée (formation de trois journées, avec
vidéos et jeux de rôle). Les soignants (n = 47), en majorité
des IDE, se déclarent satisfaits et plus aptes à gérer
des situations difficiles comme la douleur, l’agressivité, le priapisme,
la grossesse.

Drépanocytose et pseudo-addiction
Résumé de 3 éudes publiées en 2005 et 2006

Au cours de la prise en charge antalgique des crises vaso-occlusives, si la douleur est mal contrôlée, les patients drépanocytaires entrent fréquemment en conflit avec l’équipe, et sont alors souvent accusés ou du moins soupçonnés d’être toxicomanes car ils réclament une augmentation des doses de morphine et disent qu’ils ne sont pas soulagés malgré des doses souvent importantes. Ce problème récurrent a suscité les recherches d’une équipe londonienne, ce qui a permis de préciser ce qu’est la « pseudo addiction », syndrome à bien distinguer de la véritable addiction.
Rappelons les définitions de l’addiction physique : il existe une « tolérance » (besoin d’augmenter la dose pour obtenir le même effet) et une dépendance physique (= syndrome de sevrage à l’arrêt, prévenu ou soulagé par la reprise de la substance). L’addiction comportementale se définit comme un usage compulsif, sans contrôle, persistant malgré les inconvénients, avec un désir ardent obsédant insatiable.
Selon le DSM-IV, les signes de dépendance sont :
  • le besoin d’augmenter les doses pour obtenir le même effet ;
  • la survenue d’un syndrome de sevrage à l’arrêt, prévenu ou soulagé par la reprise de la substance ;
  • la prise à dose plus forte et plus longtemps que prévu ;
  • un désir et des efforts pour arrêter, sans succès ;
  • un temps important passé à se procurer la substance et l’utiliser et à s’en remettre ;
  • des activités sociales et récréationnelles et le travail réduits par l’usage de la substance ;
  • une utilisation de la substance persistante malgré la connaissance et l’impact des conséquences négatives physiques ou psychologiques liées à son usage.

Dans le travail de Lusher et Alexander, 51 adultes drépanocytaires ont été interviewés sur les signes de dépendance, les comportements suspects, les stratégies de coping.
Les comportements qui font évoquer l’addiction chez les drépanocytaires sont (d’après les soignants) :

  • argumentations et conflits avec l’équipe sur le traitement de la douleur ;
  • modifications des systèmes d’administration d’analgésie par le patient ;
  • donner des analgésiques à d’autres patients à l’hôpital ;
  • utiliser en plus des analgésiques non prescrits ;
  • suspicion et accusation de toxicomanie ou de mésusage par l’équipe ;
  • sortie de l’hôpital contre avis médical ou brutalement ;
  • analgésiques obtenus auprès de plusieurs médecins ;
  • donner ses analgésiques à un autre patient en ville ;
  • utiliser les analgésiques d’autres patients ;
  • utilisation de drogues illicites pour la douleur ;
  • auto-injection d’analgésiques.
Ces comportements surviennent soit uniquement dans le contexte de la douleur (crise vaso-occlusive ou CVO drépanocytaire), soit également hors du contexte « douleur ». Mais les comportements sont identiques dans la pseudo-addiction et l’addiction vraie. La seule différence évidente est que dans la « pseudo-addiction », les comportements suspects disparaissent complètement avec le traitement efficace de la douleur et ne persistent pas dans les périodes sans douleur.
Dans cette enquête, les disputes du patient avec les soignants à propos des antalgiques et l’utilisation d’antalgiques plus que prescrits sont corrélées avec les comportement de douleur de la pseudo-addiction ; l’usage de drogues illicites, l’auto-injection d’analgésiques, l’utilisation d’antalgiques prescrits pour quelqu’un d’autre sont en faveur de la véritable toxicomanie ; les patients avec pseudo-addiction sont ceux qui ont le plus d’hospitalisations pour CVO et qui utilisent le plus d’antalgiques ; les patients avec pseudo-addiction ont des stratégies de coping actives (essai de se distraire), ce qui favorise les disputes avec les soignants (qui les accusent de ne pas avoir si mal que ça puisqu’ils se distraient, regardent la télé, etc).
En pratique, les patients qui ont, pour faire face à leur douleur, un comportement qui ressemble à la toxicomanie, reçoivent moins d’antalgiques ! La suspicion de toxicomanie conduit à diminuer les niveaux de sympathie des soignants vis-à-vis de leur patient et à prendre des décisions de traitement moins adéquates et empathiques. C’est tout l’intérêt de connaître ce qui différentie addiction et pseudo-addiction.

La même équipe, pour sensibiliser les soignants à cette distinction, a soumis des vignettes cliniques à 59 personnes, en majorité IDE. La « tendance à la toxicomanie » est estimée par les soignants surtout sur la présence de disputes avec les soignants. Pour le même niveau de douleur, l’estimation du besoin d’antalgiques diminue s’il existe un comportement d’addiction (vraie ou non).
Sur le même thème douleur, emploi des morphiniques et toxicomanie, une équipe américaine a interrogé 286 médecins de centres universitaires de la drépanocytose, et a obtenu 109 réponses. Les médecins les plus âgés pensent que la prescription d’opiacés joue un rôle important dans le développement de la toxicomanie. Les médecins qui pensent que la survenue de toxicomanie doit être notre premier souci ne pensent pas que le soulagement de la douleur doit être une priorité.

 

Commentaire Pédiadol : Ces études réalisées chez des patients adultes sont tout à fait passionnantes et concernent aussi le monde de la pédiatrie, spécialement à l’adolescence. La formation dans ce domaine est indispensable pour ne pas accuser nos patients à tort et pour savoir prescrire les doses adéquates de morphiniques.

Lusher J, Elander J, Bevan D et al. [Addiction aux analgésiques et pseudo-addiction au cours d’une maladie chronique douloureuse]. Analgesic addiction and pseudoaddiction in painful chronic illness. Clin J Pain 2006 ; 22 : 316-24.
Elander J, Marczewska M, Amos R et al. [Les facteurs impliqués dans l’opinion des soignants sur la douleur des drépanocytaires]. Factors affecting hospital staff judgments about sickle cell disease pain. J Behav Med 2006 ; 29 : 203-14.
Labbe E, Herbert D, Haynes J. [Attitudes des médecins et pratiques  dans la prise en charge de la douleur drépanocytaire]. Physicians’ attitude and practices in sickle cell disease pain management. J Palliat Care 2005 ; 21 : 246-51.