Le rôle d’un état anxieux dans la mémoire de la douleur chez l’enfant
Noel M, Chambers CT, McGrath PJ et al.
The role of state anxiety in children’s memories for pain
J Pediatr Psychol 2012 ; 37 (5) : 567-79

Dans cette étude randomisée, prospective, l’objectif était d’examiner l’impact d’un état d’anxiété provoqué de façon expérimentale et l’influence des variables liées à l’anxiété sur la mémoire de la douleur chez l’enfant.
Méthode : 110 enfants (dont 60 garçons) âgés de 8 à 12 ans ont été affectés à une tâche : soit une tâche déclenchant un état d’anxiété, soit une tâche contrôle. Puis tous les enfants ont été soumis en laboratoire à une expérience de douleur (plonger une main dans de l’eau à 10 °C pendant 4 min), ont donné leur évaluation de cette douleur, et ont répondu à des questionnaires qui mesurent des variables liées à l’anxiété. Deux semaines plus tard, les enfants devaient remplir des évaluations « douleur » à partir de leurs souvenirs de l’expérience « douleur ».
Résultats : La manipulation expérimentale dans le premier groupe a effectivement induit un état d’anxiété chez les enfants ; cependant, la mémoire de la douleur n’était pas différente entre les deux groupes (groupe test et groupe contrôle). Quel que soit le groupe dans lequel était assigné l’enfant, c’étaient les enfants avec les états d’anxiété les plus élevés qui avaient les rappels les plus négatifs de la douleur. L’état anxieux était le seul facteur prédictif de ces rappels négatifs de la douleur. La sensibilité anxieuse (peur des sensations liées à l’état anxieux) et la personnalité anxieuse (anxiété-trait) étaient également des facteurs prédictifs significatifs de souvenirs de peur associés à la douleur.
Ces données mettent en évidence l’importance de l’anxiété dans le développement de la mémoire de la douleur chez l’enfant.


L’influence des souvenirs douloureux de l’enfant sur son expérience ultérieure de la douleur
Noel M, Chambers CT, McGrath PJ et al.
The influence of children’s pain memories on subsequent pain experience
Pain 2012 ; 153 : 1563-72

Dans une deuxième étude, la même équipe a évalué l’impact d’une douleur sur la suivante. La question était : les conséquences d’une expérience de douleur sont-elles notables lorsque ces souvenirs désagréables concernent des gestes peu invasifs chez des enfants en bonne santé ?
Pour le savoir, les auteurs ont recruté 110 enfants bien portants (60 garçons) âgés de 8 à 12 ans et les ont soumis à un cold pressor test (immersion du bras dans un bain d’eau à 0 °C). Les enfants ont donné une évaluation de la douleur ressentie en utilisant l’échelle de visages Faces Pain Scale-Revised. Anxiété et peur liées à la douleur étaient également mesurées par des échelles appropriées. Deux semaines plus tard, les enfants ont été questionnés par téléphone sur le souvenir qu’ils gardaient de l’expérience (en quantifiant l’intensité de la douleur et de la peur qu’ils se rappelaient avoir perçues), et sur ce qu’ils craignaient de ressentir (là encore en cotant l’importance de la douleur et de la peur envisagée) lors de la prochaine expérience. Un mois après, en effet, les mêmes évaluations de la douleur, de la peur, et de l’anxiété ont été répétées avec les mêmes outils lors d’un nouveau cold pressor test.
Dans les résultats, il apparaît que plus l’enfant se rappelle une douleur forte (supérieure à celle réellement éprouvée), plus il prévoit une douleur forte ensuite, et plus la douleur suivante est forte. Au terme des analyses statistiques, il ressort que le souvenir de la douleur comptait pour 15 % de la variance dans l’évaluation de la douleur au cours de la seconde expérience, alors que la douleur effectivement ressentie lors de la première expérience ne comptait que pour 0,7 % de cette même variance ! Autrement dit, plus les enfants gardaient un mauvais souvenir du premier test et plus ils redoutaient le second, plus ils souffraient lors de cette deuxième expérience. L’intensité de la douleur gardée en mémoire (et non la peur), prédisait mieux le niveau de douleur ultérieurement ressentie que l’importance de la douleur initialement éprouvée. Les résultats peuvent-ils être généralisés en clinique ? Ici il faut remarquer que les enfants étaient volontaires, et que la douleur relève d’une situation inhabituelle, expérimentale, où les facteurs émotionnels et motivationnels sont importants, comme il est souligné dans l’éditorial accompagnant l’article. Des situations simples et répétées comme les vaccinations peuvent sans doute s’apparenter à cette situation.
Commentaire Pédiadol :
Anxiété, douleur subie et mémorisation de la douleur sont liées, cela nous motive à réduire les facteurs anxiogènes dans les lieux de soin, tout en travaillant bien entendu aussi à diminuer la douleur.

Migraine et anxiété
Amouroux R, Rousseau-Salvador C.
Anxiété et dépression chez l’enfant et l’adolescent migraineux : revue de
la littérature
L’Encéphale 2008 ; 34 : 504-10

Une revue de la littérature en français a été menée sur l’anxiété et la dépression chez l’enfant et
l’adolescent migraineux. Elle reprend toutes les études publiées depuis 1980 qui remplissent les
critères suivants : précision des critères diagnostiques de la migraine et utilisation des
questionnaires validés pour l’évaluation de l’anxiété ou de la dépression. 11 articles ont été
retenus.
Résultats : Les études en population générale montrent que les enfants migraineux ne sont
pas plus anxieux ou déprimés que l’enfant tout-venant. En revanche, la majorité des études en
population clinique retrouve des scores d’anxiété mais aussi de dépression plus élevés chez les
sujets migraineux par rapport aux enfants du groupe contrôle. Toutefois ces scores, bien que plus
élevés, ne sont pas des indicateurs de pathologies anxieuse ou dépressive. Ces études ne
permettent donc pas de conclure à l’existence d’une comorbidité entre migraine, anxiété et
dépression chez l’enfant. Ces résultats contrastent avec ceux obtenus dans les revues de la littérature chez l’adulte où l’association entre migraine, anxiété et dépression a été clairement
établie.


Un lien entre l’anxiété avant un geste et la réussite de la sédation chez des enfants aux urgences
Schreiber KM, Cunningham SJ, Kunkov S, Crain EF.
The association of preprocedural anxiety and the success of procedural sedation in children
Am J Emerg Med 2006 ; 24 : 397-401

Objectif : Examiner l’association entre l’anxiété ressentie avant un geste et la réussite de la sédation.
Méthodes : Aux urgences, des enfants âgés de 2 à 17 ans nécessitant une sédation avant un geste, ont été inscrits dans l’étude. La douleur, l’anxiété avant le geste (échelle de 0 à 9) et la réussite de la sédation (échelle de 0 à 10) ont été mesurés.
Résultats : 59 enfants ont participé. L’âge médian était 7 ans. Le score d’anxiété médian était de 1,0. La douleur et l’anxiété étaient faiblement corrélées (r = 0,21, p < 0,10). Le score moyen de la réussite de la sédation était de 7,8 (± 2,2). L’anxiété avant le geste et la réussite de la sédation étaient corrélées négativement (r = 0,31, p = 0,002). La sédation était réussite chez 81 % des enfants avec des scores d’anxiété bas et chez 52 % des enfants ayant un score d’anxiété haut (p = 0,02). Les enfants peu anxieux avaient presque 4 fois plus de chances d’avoir une sédation réussie.
Conclusion : Cette étude suggère que l’anxiété avant un geste nécessitant une sédation influence la réussite de la sédation. Dans l’étude de Kain, l’anxiété préopératoire peut être mise en relation avec la douleur postopératoire (étude chez 241 enfants de 5 à 12 ans subissant adénoïdectomie ou amygdalectomie) : la douleur évaluée par les parents est plus forte en postopératoire tant à l’hôpital le premier jour qu’à la maison les 3 jours suivants chez les enfants anxieux. Les enfants les plus anxieux ont plus d’émergence de délire au réveil, consomment plus d’antalgiques à la maison, et ont plus de troubles du comportement et du sommeil à la maison les 2 semaines suivantes.

Anxiété préopératoire, douleur postopératoire et troubles comportementaux chez les jeunes enfants en chirurgie
Kain ZN, Mayes LC, Caldwell-Andrews AA et al.
Preoperative anxiety, postoperative pain and behavioral recovery in young children undergoing surgery
Pediatrics 2006 ; 118: 651-8

Objectif : Des résultats précédents suggèrent que la période postopératoire est plus douloureuse, plus lente et plus compliquée chez des patients adultes qui étaient plus anxieux avant l’opération. Jusqu’à présent, aucune étude n’a été faite chez des jeunes enfants.
Méthodes : 241 enfants, âgés de 5 à 12 ans subissant adénoïdectomie ou amygdalectomie, ont participé. Avant l’opération, l’anxiété actuelle de l’enfant et du parent ainsi que leur tempérament ont été évalués. Après l’opération, la douleur et l’analgésie ont été notées toutes les 3 heures. À 24 heures, les enfants sont rentrés chez eux, et les parents ont continué à évaluer la douleur pendant 14 jours. Les scores de douleur à la maison ont été standardisés.
Résultats : La douleur évaluée par les parents est plus forte en postopératoire tant à l’hôpital le premier jour qu’à la maison les 3 jours suivants chez les enfants anxieux. Les enfants les plus anxieux ont plus d’émergence de délire au réveil, consomment plus d’antalgiques à la maison, et ont plus de troubles du comportement et du sommeil à la maison les 2 semaines suivantes.
Conclusion : L’anxiété préopératoire chez les jeunes enfants est liée à une période postopératoire plus douloureuse avec des troubles du sommeil et du comportement. Ces troubles sont retrouvés seulement les 3 premiers jours postopératoires.