Douleur postopératoire
Une vaste enquête européenne sur le contrôle de la douleur de l’amygdalectomie et de l’appendicectomie
La douleur postopératoire est fréquente et n’est pas souvent traitée de manière adéquate. Ces chirurgies courantes continuent de poser des difficultés concernant l’analgésie post-opératoire et de susciter de nombreuses études ! Ici c’est le souhait d’un antalgique supplémentaire après des interventions chirurgicales mineures comme l’appendicectomie et l’amygdalectomie en pédiatrie qui était exploré.
Les données proviennent du registre européen PAIN OUT mis en place en 2015 dans 23 hôpitaux de 5 pays différents. Il fournit des informations sur les traitements pharmacologiques péri-opératoires et les résultats rapportés par les patients 24 heures après l’opération. Les données anonymisées de 898 enfants ayant subi une appendicectomie (n=472) et une amygdalectomie (n=426) entre 2015 et 2019 ont été analysées. Elles provenaient de 12 hôpitaux différents en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse et au Royaume-Uni. L’objectif était d’identifier les variables associées au désir exprimé par l’enfant de plus de traitement contre la douleur.
Environ 24 heures après l’opération, les enfants âgés de plus de 4 ans ont rempli un questionnaire standardisé. Pour les enfants plus jeunes, ce questionnaire a été rempli par leurs parents ou leurs soignants. L’échelle des visages révisée (FPS-R) a été utilisée pour calculer un score composite de douleur (intensité de la douleur au repos, au mouvement et la pire douleur depuis l’intervention chirurgicale). L’interférence de la douleur sur la toux/la prise d’une grande respiration, ou le réveil nocturne et les événements indésirables (nausées, vomissements, fatigue) ont été résumés dans un score composite d’interférence. Le critère d’évaluation principal était la variable « désir de recevoir plus de traitement contre la douleur » (oui/non).
Pour les analgésiques non opioïdes administrés en pré opératoire, trois classes de médicaments ont été considérées : AINS, paracétamol et métamizole (dipyrone[1]). Les enfants ont été répartis dans les groupes suivants : -aucun analgésique préventif non-opioïde n’a été administré, -une, deux ou trois classes différentes d’analgésiques non-opioïdes ont été administrées. Pour la période postopératoire, les doses d’opioïdes ont été converties en équivalents morphine.
Le questionnaire PAIN OUT a été rempli par 42,2% des enfants (âge : 12,6 [2,5] ans) et pour 46,2 % avec de l’aide. 24,8 % (appendicectomie) et 20,2 % (amygdalectomie) des enfants ont souhaité recevoir davantage de traitement contre la douleur dans les 24h après l’intervention chirurgicale. Les scores composites de douleur étaient plus élevés chez les patients qui souhaitaient un traitement supplémentaire par rapport à ceux qui ne le souhaitaient pas (5,2 [4,8-5,5] vs 3,6 [3,5-3,8]). De même les répercussions de la douleur et les effets indésirables étaient plus importants. Davantage d’enfants subissant une amygdalectomie ont reçu des analgésiques non opioïdes avant l’opération par rapport au groupe appendicectomie (92,0 % contre 79,2 % ; P<0,001). Une dose unique a été administrée à la majorité, tandis que les autres ont reçu des combinaisons de deux ou trois classes différentes d’analgésiques non opioïdes. Le fait de recevoir trois classes différentes par rapport à l’absence d’analgésique non opioïde a diminué la pire douleur, la douleur provoquée par le mouvement et le score composite de douleur, respectivement de 18,8 %, 24,4 % et 21,0 %.
Les doses peropératoires d’opioïdes administrées pour l’anesthésie ne différaient pas entre les groupes. Après l’intervention chirurgicale (SSPI et service), les doses étaient plus élevées dans le groupe qui désirait plus de traitement contre la douleur (équivalents morphine : 81 [60-102] vs 50 [43-56] µg/kg).
L’analyse des données a révélé les variables associées au désir de plus de traitement antalgique : les troubles du sommeil liés à la douleur (odds ratio pour l’appendicectomie : 2,8 [1,7-4,6], pour l’amygdalectomie 3,7 [2,1-6,5] ; P<0,001) et une hausse d’un point du score composite de douleur.
L’étude de cette base de données européennes apporte donc des informations sur la qualité de la prise en charge de la douleur postopératoire dans la pratique clinique quotidienne… et son insuffisance dans près d’un quart des cas. La quantité d’analgésiques administrée après une chirurgie pédiatrique semble être insuffisante dans de nombreux hôpitaux. Environ 22% des enfants ont exprimé le désir de recevoir plus de traitement contre la douleur. L’administration préventive d’au moins deux classes d’analgésiques non opioïdes est une stratégie simple et pourrait améliorer les résultats rapportés par les patients.
‘Desire for more analgesic treatment’: pain and patient-reported outcome after paediatric tonsillectomy and appendectomy. Stamer UM, Bernhart K, Lehmann T, Setzer M, Stüber F, Komann M, Meissner W. Br J Anaesth. 2021 Jun;126(6):1182-1191.
Commentaire Pédiadol
Cette enquête européenne fournit des données impressionnantes sur la persistance de l’insuffisance de traitement après amygdalectomie et après appendicectomie ! La douleur de l’amygdalectomie continue de nécessiter des études complémentaires ; en post-opératoire, c’est toujours l’association paracétamol ibuprofène qui est recommandée.
[1] La dipyrone, proche de l’amidopyrine, n’est pas disponible en France.
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28es Journées Pédiadol, la Biblio
MàJ décembre 2021