La douleur chronique post-opératoire (DCPO) chez l’enfant ou l’adolescent reçoit une attention croissante. Les chirurgies les plus pourvoyeuses de douleur chronique chez l’enfant sont la chirurgie de scoliose et de pectus excavatus et la chirurgie thoracique principalement cardiaque. Les facteurs de risque ont été bien identifiés par plusieurs études : présence d’une douleur préopératoire, sévérité de la douleur post-opératoire immédiate, anxiété, catastrophisme… et justifient une prévention ou au moins la systématisation d’une surveillance[1].
Dans cette étude de cohorte prospective multicentrique canadienne, (Post-Operative Recovery following Spinal Correction Home Experience ou PORSCHE), la prévalence, les prédicteurs et les conséquences de la douleur chez les enfants après une chirurgie de scoliose sont étudiés.
Les objectifs sont les suivants :(1) décrire les trajectoires de la douleur postopératoire chez les enfants âgés de 10 à 20 ans opérés de scoliose idiopathique de l’adolescent, (2) examiner les indicateurs psychologiques de l’appartenance à une trajectoire chez les parents et les enfants, et (3) comparer les résultats fonctionnels entre les trajectoires identifiées.
Les trajectoires identifiées reposent sur la douleur moyenne mesurée par échelle numérique (EN de 0 à 10), avant l’opération, à l’hôpital, pendant la première semaine à la maison après la sortie de l’hôpital, 4 à 6 semaines, 3, 6 et 12 mois après l’opération. La modélisation de mesures répétées de la douleur a permis de déterminer des trajectoires de la douleur au cours de la 1ère année post opératoire.
Les scores des mesures suivantes ont été utilisés comme variables prédictives : échelle d’anxiété (State-Trait Anxiety Inventory : STAI) ; l’échelle de catastrophisme de la douleur Pain Catastrophizing Scale, PCS.
Les mesures des résultats secondaires ont été obtenues avec le Pediatric Quality of Life Inventory-version 4 (PedsQL-4), le Functional Disability Inventory (FDI) et le Scoliosis Research Society Health-Related Quality of Life Tool (SRS-30).
220 participants de 8 centes ont complété au moins une partie de l’évaluation de base.
Les scores médians et les écarts interquartiles de l’EN étaient les suivants : avant la chirurgie 2,75 (1,00 à 5,00) (n = 202) ; en post opératoire à l’hôpital 5,00 (4,00 à 6,50) (n = 216) ; première semaine à domicile 3,00 (2,00 à 4,50) (n = 195) ; de 4 à 6 semaines 1,00 (0,00 à 2,00) (n = 195) ; à 3 mois 0,00 (0,00 à 1,00) (n = 148) ; à 6mois 0,00 (0,00 à 1,00) (n = 155) ; à 12mois 0,00 (0,00 à 1,00) (n = 138).
Trois trajectoires ont été identifiées. Près de la moitié de la cohorte a suivi une trajectoire postopératoire caractérisée par une douleur modérée à forte dans la période postopératoire immédiate, qui a fortement diminué au cours des premières semaines et s’est stabilisée à une douleur légère ou nulle à 12 mois (n = 98). Une deuxième trajectoire était caractérisée par une douleur légère à modérée dans la période postopératoire immédiate qui a progressivement diminué au cours des premières semaines et s’est stabilisée à une douleur légère ou nulle au bout de 12 mois (n = 78). Un petit groupe a suivi une trajectoire postopératoire caractérisée par une douleur modérée à sévère dans la période postopératoire immédiate qui a progressivement diminué au cours des premières semaines et s’est ensuite stabilisée à une douleur modérée qui persistait à 12 mois (n = 26).
L’adhésion à la trajectoire « douleur modérée avec résolution incomplète » était prédite par une douleur et une anxiété de base plus élevées, et les patients de cette trajectoire ont rapporté une moins bonne qualité de vie que ceux des trajectoires avec une bonne résolution. Ni le catastrophisme des parents ni celui des enfants en réponse à la douleur n’était prédictif de l’appartenance à une trajectoire. Tous les patients ont fait état d’un handicap fonctionnel faible ou nul à 12 mois.
Les résultats de cette étude suggèrent que l’évaluation et le traitement la douleur de base sont importants pour les résultats postopératoires.
La récupération de la douleur après une intervention chirurgicale pour une scoliose idiopathique s’est avérée importante au cours des 6 premières semaines et s’est poursuivie jusqu’à un an.
K.M. Bailey et al., « Pain Trajectories Following Adolescent Idiopathic Scoliosis Correction: Analysis of Predictors and Functional Outcomes », JB & JS Open Access 6, no 2 (2021): e20.00122, https://doi.org/10.2106/JBJS.OA.20.00122.
Commentaire Pédiadol
On sait que la prévalence de la douleur chronique suivant une chirurgie de scoliose 3 mois à 1 an est élevée (ici 12%). Les facteurs de risque justifient une prévention ou au moins la systématisation d’une surveillance de l’évolution de la douleur post-opératoire les premières semaines, au cours du parcours de soin.
En préopératoire d’une chirurgie de scoliose, il est donc recommandé de détecter un risque élevé de persistance de la douleur, par une évaluation préopératoire de facteurs somatiques et psychologiques, afin si nécessaire de mettre précocement en place une prise en charge globale selon le modèle bio-psycho-social, comme il est proposé dans les centres de la douleur.
De la douleur aiguë à la douleur chronique post-opératoire, Biblio 29èmes Journées Pédiadol, la douleur de l’enfant.
[1] Voir les nombreuses études précédentes dans les synthèses bibliographiques de 2019, 2020 et 2021.