Danièle Cullet – Chef de projet programme national de lutte contre la douleur
Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins – Ministère de la Santé

L’évaluation du 1er plan triennal de lutte contre la douleur souligne la forte mobilisation infirmière vis à vis de la douleur. Le programme 2002-2005 s’attache à renforcer et affirmer plus encore leur place prépondérante dans l’amélioration de la prise en charge de la douleur.

Les infirmiers ont développé dans leurs pratiques professionnelles une « culture douleur » souvent plus marquée que chez de nombreux médecins. Cette forte mobilisation est liée à :


  • leur formation initiale centrée sur les besoins spécifiques de la personne permettant d’assurer une approche globale du patient et une réponse en soins personnalisée ;

  • leur présence constante auprès des patients qui leur permet d’avoir une perception et une évaluation plus juste de l’intensité de la douleur des personnes qu’ils soignent ;

  • leur propre souffrance face à ces situations difficiles rencontrées dans leur pratique quotidienne. L’exclusivité des médecins sur la prescription a confronté des générations d’infirmiers à l’impuissance thérapeutique face à des patients réclamant un soulagement alors que leur présence, leur écoute et leur parole restaient sans effet.

Afin d’affirmer la place de l’infirmier dans la prise en charge de la douleur, 3 mesures ont été prévues dans le programme national de lutte contre la douleur 2002-2005 :

► Légitimer le rôle de l’infirmier dans la prise en charge de la douleur

Ainsi le décret du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier intègre la prévention, l’évaluation et le soulagement de la douleur dans la définition des soins infirmiers (Article 2 du décret). L’évaluation de la douleur constitue désormais un acte de soin relevant de l’initiative et de la compétence de l’infirmier (rôle propre infirmier, Article 5 du décret). En outre, l’infirmier est habilité à mettre en route et à adapter un traitement antalgique dans des conditions pré-déterminées, c’est-à-dire selon des protocoles pré-établis qui permettent une réponse adaptée mais aussi rapide (Article 7 du décret).

Promouvoir la place de l’infirmier dans la prise en charge de la douleur

Pour être un acteur dans la promotion de la qualité des soins notamment dans le domaine de la prise en charge de la douleur, pour bénéficier d’une crédibilité forte, être reconnu et écouté, l’infirmier doit avoir acquis des connaissances et des compétences. Ainsi la poursuite d’actions de formation continue sur le thème de la douleur constitue une priorité inscrite dans la circulaire annuelle sur les orientations nationales de formation1.
1 Circulaire DHOS/P2/2002 n° 358 du 19 juin 2002 relative aux orientations et axes de formation prioritaires, à caractère pluriannuel.

Intégrer un personnel infirmier « ressource » dans la prise en charge de la douleur, au sein des établissements de santé
Afin d’aider les établissements de santé dans la mise en place de cette mesure, un groupe de réflexion réunissant sociétés savantes, collèges et professionnels de la douleur a été initié par la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins. L’objectif de ce groupe de travail a été de proposer des pistes de réflexion sur le profil de poste et les modalités d’organisation de cette fonction non reconnue officiellement.

Profil de poste proposé du personnel infirmier « ressource » dans la prise en charge de la douleur2
Mission : Il a pour mission d’aider à l’élaboration, la mise en place et le suivi du programme de lutte contre la douleur de l’établissement. Il s’agit d’une mission transversale centrée sur la pratique infirmière pour améliorer la qualité de la prise en charge de la douleur et plus particulièrement de la douleur provoquée par les soins, les actes invasifs, les gestes diagnostiques et la chirurgie
2 Annexées à la circulaire DHOS : E2 n° 266 du 30 avril 2002 relative à la mise en œuvre du programme national de lutte contre la douleur 2002-2005 dans les établissements de santé.

Rôle :


  • Pour l’établissement : Coordinateur et animateur du programme de lutte contre la douleur. Il participe à la conduite d’un projet d’amélioration de la qualité des soins : identification de l’existant, élaboration, mise en place et évaluation du programme de prise en charge de la douleur de l’établissement.

  • Pour les soignants : Conseiller, formateur, superviseur auprès des équipes.

  • Pour les personnes malades : “Clinicien” lors de situations de soins complexes.

  • Une personne ressource qui ne se substitue pas aux soignants ou aux personnels d’encadrement mais qui doit amener les professionnels de santé à améliorer leur pratique et les accompagner dans cette démarche.

Activités centrées sur :


  • La prise en charge de la douleur (prise en compte, prévention, évaluation, traitement de la douleur) et notamment de la douleur iatrogène lors de soins infirmiers domaine où la thérapeutique médicamenteuse est trop souvent le seul moyen utilisé alors que le confort, la relation et l’éducation constituent les approches essentielles d’une prise en charge efficace.

  • La conduite d’un projet (analyse de l’existant, élaboration, mise en place, évaluation d’un programme).

Rattachement


  • Hiérarchique avec la DSSI (Direction du Service de Soins Infirmiers).

  • Fonctionnel avec :


    • le médecin référent désigné par le comité pilote (le CLUD) et la structure de prise en charge de la douleur chronique rebelle si elle existe ;

    • l’ensemble des professionnels de l’établissement de santé ;

    • les autres activités de prise en charge de la douleur et les actions de promotion de la qualité.

Compétences


  • Expérience professionnelle infirmière préalable d’au moins 4 années.

  • Qualification dans le domaine de la prise en charge de la douleur.

  • Compétence en particulier dans le domaine de la conduite d’un projet d’amélioration de la qualité des soins.

Dénomination de la fonction

Abandon des termes « référent » et « expert » afin d’éviter certaines confusions.

Le cadre qui a été proposé se justifie par rapport aux problèmes et échecs rencontrés par les équipes existantes. Il doit contribuer à assurer une certaine homogénéité des organisations qui seront mises en place.

Pour l’année 2002, des crédits spécifiques ont été réservés dans le cadre de la dotation régionalisée des dépenses hospitalières, au titre des mesures de santé publique, pour le développement de la prise en charge de la douleur et des soins palliatifs, dont la moitié est réservée à la douleur. Ces crédits doivent contribuer à la mise en œuvre du programme de lutte contre la douleur dans les régions et notamment à la création de temps en personnel infirmier destiné à accompagner les projets d’amélioration de la prise en charge de la douleur des établissements de santé.

Un suivi de l’affectation de ces crédits est en cours.

CONCLUSION
La prise en charge de la douleur de la personne malade répond avant tout à un objectif humaniste. Elle exige écoute, dialogue, respect de la personne et de sa souffrance et nécessite que chaque acteur de santé porte un regard attentif à l’autre.

L’infirmier, par ses compétences et sa proximité avec la personne malade a un rôle essentiel dans cette démarche qui place le patient au centre des soins et de la relation thérapeutique. Ceci repose sur un véritable travail d’équipe où chacun apporte ses compétences dans le dépistage, l’évaluation, le suivi et le traitement de la douleur.

Ainsi la prise en charge de la douleur doit devenir partie intégrante du soin pour répondre désormais à un droit fondamental de la personne.

Article L.1110-5 du Code de la santé publique :
« …Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur.
Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée,
prise en compte et traitée… »