CLUB DOULEUR ILE-DE-FRANCE

COMPTE-RENDU DE LA REUNION DU 25 MARS 2003

 

Dr Barbara Tourniaire
Hôpital Trousseau, Paris
 

La PCA est utilisée depuis 1965 selon les données de la littérature internationale, chez l’adulte, en post-opératoire, en bolus seul. Elle est employée en pédiatrie depuis 1987-88, initialement en postopératoire, pour les cas de drépanocytose, et en hémato-oncologie.

PRINCIPES D’INDICATION DE LA PCA


 

Le patient est le mieux placé pour évaluer sa propre douleur. Pour la même douleur ou pathologie, les doses nécessaires pour soulager sont variables d’un enfant à l’autre : la PCA permet cette flexibilité. L’intensité de la douleur varie au cours de la journée, un bolus permet de soulager au mieux les pics douloureux. La PCA permet au malade de retrouver une certaine autonomie, au lieu de subir : il peut décider lui-même du niveau de douleur qu’il peut supporter. La PCA évite le délai entre douleur et administration d’antalgique, elle diminue l’anxiété. Le délai minimum entre deux bolus doit être programmé (période d’interdiction ; au minimum 6 minutes).
La programmation d’une PCA permet, en sus des bolus, de fixer un éventuel débit continu (DC), et de la dose maximale administrable sur 4 ou 24 heures (en tenant compte du débit continu et de l’ensemble des bolus autorisés).

SCHEMA HABITUEL DE PCA EN POST-OPERATOIRE


 

En post-opératoire, en particulier chez l’adulte, la « règle » est habituellement le mode bolus sans DC : les bolus sont de 20 à 40 µg/kg. En effet, ce mode PCA comporte une grande sécurité : un enfant sédaté cesse d’appuyer, le risque de surdosage est ainsi éliminé.
Ainsi pour un enfant de 6 ans pesant 20 kg, les bolus sont initialement de 0,5 µg/6 min, ce qui correspond à une dose maximale sur 4 heures de 20 µg.
L’efficacité du bolus doit être réévaluée rapidement avec l’enfant, après quelques bolus ; s’ils sont inefficaces, l’enfant soit en fera en permanence, soit arrêtera d’en faire en les pensant inutiles ; dans les deux cas, ils devront être augmentés de 30 à 50%: passer de 0,5 mg à 0,8 ou 1 mg/bolus.
Avec le mode bolus seul, le problème est l’analgésie la nuit et chez les enfants très asthéniques, d’où l’intérêt éventuel du débit continu. Le DC est habituellement initialement fixé à 20 µg/kg/heure. Comme les bolus, son efficacité doit être rapidement réévaluée.

PASSAGE D’UNE ADMINISTRATION EN INTRAVEINEUX CONTINU A UNE PCA


Si un enfant est bien soulagé avec de la morphine en IVC, le passage en pompe PCA permet souvent une adaptation encore meilleure de l’analgésie. Dans ce cas, le débit continu fixé correspond à 40 à 50% de la dose total, la quantité restante sera apportée par les bolus lors des pics douloureux.

SCHEMA HABITUEL D’UN DEBIT CONTINU CHEZ L’ENFANT


Ce schéma concerne le petit enfant, les cas de douleurs intenses et prolongées, l’hémato-oncologie et la drépanocytose et les douleurs post-opératoires intenses et mal contrôlées par les bolus seuls. Dans ces indications, les bolus doivent être adaptés, avec souvent des « gros » bolus de 40 à 100 µg/kg (et 1/10e de la dose en DC).
Afin d’évaluer l’efficacité du schéma utilisé, il semble important de poser la question à l’enfant lui-même : 1/ quand tu appuies est-ce que tu as moins mal ? 2/ combien de fois faut-il que tu appuies pour que cela marche ?

ÉTUDES SUR L’INTERET DU DEBIT DE BASE EN PCA


 

En post-opératoire, en particulier chez l’adulte, la « règle » est habituellement le mode bolus sans DC : les bolus sont de 20 à 40 µg/kg. En effet, ce mode PCA comporte une grande sécurité : un enfant sédaté cesse d’appuyer, le risque de surdosage est ainsi éliminé. Ainsi pour un enfant de 6 ans pesant 20 kg, les bolus sont initialement de 0,5 µg/6 min, ce qui correspond à une dose maximale sur 4 heures de 20 µg. L’efficacité du bolus doit être réévaluée rapidement avec l’enfant, après quelques bolus ; s’ils sont inefficaces, l’enfant soit en fera en permanence, soit arrêtera d’en faire en les pensant inutiles ; dans les deux cas, ils devront être augmentés de 30 à 50%: passer de 0,5 mg à 0,8 ou 1 mg/bolus. Avec le mode bolus seul, le problème est l’analgésie la nuit et chez les enfants très asthéniques, d’où l’intérêt éventuel du débit continu. Le DC est habituellement initialement fixé à 20 µg/kg/heure. Comme les bolus, son efficacité doit être rapidement réévaluée.

 

  •  L’étude de Doyle (1993) portait sur 45 enfants âgés de 6 à 12 ans appendicectomisés. Tous bénéficiaient de bolus de 20 µg/kg/5 min. Un groupe n’avait pas de DC, le deuxième avait un DC de 4 µg/kg/h et le 3e un DC de 10 µg/kg/h. La consommation totale de morphine a été plus élevée pour le 3e groupe. Le nombre de bolus était identique dans les trois groupes, les EVA aussi. Il y a eu plus d’effets indésirables dans le 3e groupe. Le sommeil était meilleur dans les groupes avec DC et la sédation diurne identique. Cette étude préconise l’emploi d’un DC de 4 µg/kg/h associé à des bolus de 20 µg/kg/5 min ; à noter qu’il s’agit d’une douleur peu intense.
  • L’étude de Mc Neely (1997) portait sur 36 enfants après chirurgie du membre inférieur. Les bolus de 25 µg/kg/10 min étaient associés ou non à un DC nocturne de 15 µg/kg/h. La consommation de morphine n’était pas différente dans les deux groupes. Les EVA étaient identiques de 4 à 5/10 à J1, ainsi que la sédation. Les épisodes de désaturation étaient plus fréquents dans le groupe DC. L’étude conclut à l’absence d’avantages du DC ; mais le soulagement n’était pas très bon.
  • L’étude de Peters (1999) rapportait 47 enfants de 5 à18 ans ayant eu une chirurgie abdominale lourde ou de chirurgie spinale. La PCA associait des bolus de 15 µg/kg/10 min à un DC de 15 µg/kg/h. L’autre groupe ne bénéficiait que d’un DC de 20 à 40 µg/kg/h. La consommation de morphine était plus élevée dans le groupe PCA. Les EVA sont identiques mais n’étaient < 3/10 que dans 50 % des cas. Le taux des effets indésirables étaient identiques. Les deux protocoles se sont avérés insuffisants car DC et bolus étaient trop faibles.
  • Trentadue (1998) a évalué 26 enfants hospitalisés 60 fois pour crise drépanocytaire. Cette étude rétrospective a étudié deux schémas de PCA, l’un avec gros DC et petits bolus, l’autre avec petit DC et gros bolus. Le deuxième groupe a eu une consommation moindre de morphine, des EVA plus basses et une durée d’hospitalisation plus courte que le premier groupe. Cette étude préconise l’emploi d’un DC.
  • Stinson (2000) a rapporté 26 cas d’enfants ayant présenté 54 crises drépanocytaires. Cette étude rétrospective comportait un groupe ayant bénéficié de bolus seul (15 fois) de 20 µg/kg et un groupe (39 fois) ayant bénéficié de bolus et de DC de 20 µg/kg/h. Il y a eu 11 % d’effets indésirables. L’étude conclut à l’absence d’avantages du DC. Mais les EVA sont restées entre 7 et 8/10 dans les 2 groupes, ce qui pose le problème récurrent de la difficulté de la cotation de la douleur chez l’enfant drépanocytaire. Ne faut-il pas plus simplement demander à l’enfant si cela va, ou s’il en faut plus ?
  • Duval (1999) a rapporté 33 cas d’enfants de plus de 4 ans atteints essentiellement de mucites post-chimiothérapie, en suivi prospectif et standardisé. Si en titration, moins de 100 µg/kg étaient nécessaire, les bolus initiaux étaient de 25 µg/kg/6 min, avec un maximum de 10 bolus/h. Si la dose de titration était supérieure à 100 µg/kg, les bolus initiaux étaient de 50 µg/kg. L’ajustement s’est fait par palier de 25 µg/kg au maximum jusqu’à 100 µg/kg, en fonction de la demande de l’enfant et non pas en fonction de l’EVA, et s’il avait employé plus de 6 bolus en 4 heures. Pour 3 enfants il a fallu des bolus de 100 µg/kg. 15 sont restés à des bolus de 25 µg/kg. La qualité de sommeil était bonne. Le DC continu a été instauré chez 3 enfants qui l’ont demandé ou s’ils utilisaient trop de bolus. L’utilisation de gros bolus a été efficace dans cette étude, la nécessité du DC a été exceptionnelle.

 

 

Conclusion : Faut-il programmer ou non un débit continu ?
Il est difficile de conclure ; probablement le débit continu est utile pour les douleurs les plus sévères. À défaut, ajuster la dose des bolus et ne pas hésiter à augmenter leur posologie.

PCA SUR UNE LONGUE DUREE


 

L’étude de Dunbar (1995) a porté sur 39 enfants âgés de 4 à 12 ans en hématooncologie. Cette étude rétrospective a rapporté des durées de traitement de 6 à 74 jours (moyenne 19 jours). L’évaluation de la douleur portait sur la satisfaction plutôt que sur l’EVA, et sollicitait l’aide de l’enfant pour ajuster le traitement. Il n’y a pas eu de problème de tolérance ni de sevrage. En cas d’effets indésirables, on a opté un changement pour l’hydromorphone (pas encore disponible en France en IV).

QUEL MORPHINIQUE CHOISIR EN PCA ?


Coda (1997) a comparé l’emploi de la morphine au sufentanyl et à l’hydromorphone dans des cas de mucite après greffe. Le sufentanyl posait des problèmes de tolérance, de soulagement insuffisant et d’effets indésirables tels que la sédation, la qualité du sommeil et l’humeur. Cette étude constate la supériorité de la morphine, les autres produits étaient soit équivalents soit moins bons.

RECOMMANDATIONS POUR LA PCA DANS UNE CRISE DREPANOCYTAIRE


 

Il faut tout d’abord effectuer une titration (encadré) qui permet de définir la dose administrable en 4 heures.
La moitié de cette dose peut être administrée en DC et le reste en bolus. D’après les études, la dose totale de morphine est très variable : de 1 à 10 mg/kg/j, avec une moyenne de 2 mg/kg/j.
Le problème des gros bolus est réel lorsque le traitement est débuté de nuit, car la surveillance est plus difficile. De plus, les protocoles varient d’un service à l’autre, et les enfants ont tendance à surévaluer leur douleur afin d’être soulagés au plus vite.

 

Titration

 

  1. dose de charge 0,1 mg/kg ;
  2. réinjections de 0,02 mg/kg/5 min jusqu’à analgésie correcte. La dose totale de morphine utilisée pour cette titration donne une indication de la dose qui sera nécessaire ensuite pour environ toutes les 4 heures.

Exemple : titration ayant nécessité 4 mg de morphine; l’enfant aura certainement des besoins de 4 mg/4 h, soit 24 mg/j.

 

 

NCA OU NURSE CONTROLLED ANALGESIA


Ce n’est plus l’enfant (trop jeune) qui déclenche les bolus, mais l’infirmière et/ou les parents. Les critères pour l’administration d’un bolus sont l’EVA d’après l’infirmière, et un score sur une échelle comportementale remplie par l’infirmière.

Ce n’est plus l’enfant (trop jeune) qui déclenche les bolus, mais l’infirmière et/ou les parents. Les critères pour l’administration d’un bolus sont l’EVA d’après l’infirmière, et un score sur une échelle comportementale remplie par l’infirmière.

 

  • L’étude de Weldon (1993) concerne deux groupes d’enfants avec PCA et un avec NCA, en post opératoire de chirurgie de scoliose. Le premier ne comportait que des bolus de 30 µg/kg/10 min et le deuxième des bolus de 20 µg/kg associé à un DC de 20 µg/kg/h.
    Il n’y a pas eu de différence significative en terme de soulagement et d’effets indésirables. Le troisième groupe était en NCA lorsque la PCA était impossible, dans le cas d’enfants handicapés ou trop jeunes pour utiliser la PCA, soit en bolus seuls, soit bolus et DC associés. La consommation de morphine était moindre pour ce dernier groupe, dénotant une sous-évaluation de la douleur. Pas d’incidents particuliers liés à la NCA.
  • L’étude de Monitto (2000) a évalué 212 enfants dans des situations douloureuses très variées. La durée médiane de la NCA a été de 4 jours (2-54). Le débit continu était de 20 µg/kg/h avec des bolus de 20 µg/kg/8 min. La dose médiane consommée a été de 30 µg/kg/h à J1, avec une fréquence de bolus toutes les 1,3 heures. L’hétéro évaluation donnait 81 à 95 % de douleur < 3/10 en EVA. L’oxygène nasal était nécessaire dans 25 % des cas à J1 et 10 enfants ont eu besoin de naloxone.

 

 

Conclusion
La NCA semble difficile à instaurer, en raison d’une nécessaire disponibilité (qui viendra surveiller l’enfant toutes les 5 minutes ?), et de la perte de sécurité pendant le sommeil, où il est indispensable de réveiller l’enfant régulièrement afin d’éviter un problème de surdosage. Néanmoins, cette technique a un intérêt, en particulier pour la possibilité d’administrer des bolus lors de soins et manipulations douloureuses.
Il semble donc à l’issue de cette réflexion indispensable de définir des schémas de fonctionnement, de prescription et de surveillance bien précis.

 

Aspects pratiques

Qui gère les pompes, qui est référent en cas de problème, qui prescrit, qui remplit la pompe ? Une feuille de prescription spéciale, ainsi qu’une feuille de surveillance doivent être conçues. Chaque service doit acquérir un minimum d’autonomisation pour pouvoir réaliser la surveillance de l’analgésie et de la sédation, pouvoir réadapter les prescriptions.

Qui solliciter ?
L’équipe mobile spécialisée dans la douleur, si elle existe au sein de l’établissement, ou les anesthésistes ou les infirmières de la salle de réveil

La fiche de prescription

 

  • La prescription standard doit comporter :
    • Débit continu +/-
    • Bolus
    • Période d’interdiction toujours
    • Dose maximale en 4 heures.
    • Ajustement des bolus, associé à la feuille de surveillance.
  • Les critères de surveillance, afin de dépister le surdosage et d’évaluer l’efficacité, sont à inclure dans une feuille spécifique de surveillance

    • La somnolence.
      Un enfant non réveillable à la parole doit alerter comme signe d’un surdosage et impose la réévaluation de la prescription par le médecin.
     

    Échelles de sédation

    • conscience normale
    • réveillable à la parole
    • réveillable à la stimulation physique
    • non réveillable

    L’enfant doit rester réveillable à la parole

    • La respiration
      La fréquence respiratoire fonction de l’âge doit rester

      • > 20 pour le nouveau-né
      • > 15 entre 1 et 5 ans
      • > 10 après 5 ans
        La respiration ronflante, irrégulière et les pauses respiratoires sont un signe de surdosage.
        La saturation est intéressante surtout pendant la titration. Elle est néanmoins souvent gênante pour l’enfant lors de son sommeil.
    • La douleur : le critère d’alerte est une EVA > 3 et le non-soulagement de l’enfant
    • Le nombre de bolus, à noter toutes les 4 heures
    • Un protocole surdosage avec les doses de Narcan®

     

 

 

Un « modèle » de feuilles de prescription et de surveillance est téléchargeable sur le site.

 

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