La morphine subit un métabolisme hépatique par des enzymes de la famille des UDP-glucuronosyltranférases
(UGT) qui catalysent la conjugaison des endobiotiques ou des
xénobiotiques à l’acide glucuronique. Cette transformation conduit à la formation de deux composés
glucuronidés M3 et M6, éliminés par voie rénale. En général, la glucuronidation conduit à des
composés inactifs mais ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, un des métabolites de la morphine, le
morphine-6 glucuronide possède encore des propriétés analgésiques. Plus de 30 isoformes d’UGT
ont été identifiées chez l’homme et classées en deux groupes, UGT1 et UGT2. Les isoformes
impliquées dans le métabolisme de la morphine sont les UGT 2B7, 1A1 et 1A3. Deux mécanismes
sont responsables de l’altération du métabolisme de la morphine chez le nouveau-né et le très jeune
nourrisson. L’immaturité rénale est susceptible de ralentir l’élimination du M-6 glucuronide.
L’immaturité hépatique physiologique a pour conséquence une capacité de glucuronidation très basse
chez le nouveau-né et le foetus. L’accroissement de cette capacité au cours des 3 premiers mois
de la vie correspond au phénomène d’ontogenèse. Cette maturation peut être influencée à la fois par
l’âge gestationnel et l’âge postnatal. Elle est inductible par le phénobarbital et la photothérapie.
Chez le prématuré et le nouveau-né, la traduction pharmacocinétique est un effondrement de la
clairance d’élimination plasmatique de la morphine (2,2 à 2,5 mL/min/kg chez le prématuré, 5 à 8
chez le nouveau-né) ce qui conduit à l’accroissement de la demi-vie d’élimination (6,5 à 14 heures)
[1]. Les paramètres pharmacocinétiques (clairance : 22 mL/min/kg, demi-vie d’élimination : 2 heures) de l’adulte sont acquis entre 1 et 6 mois [2]. Une analyse de cinétique de population chez
184 enfants de la naissance à 3 ans décrit une demi-vie de maturation de 26 jours [3].
Ces constatations pharmacocinétiques ne doivent pas pour autant exclure la morphine chez les
nouveau-nés et les jeunes nourrissons du champ des prescriptions mais plutôt conduire à une
adaptation posologique et à une surveillance intensive. Un travail réalisé chez 164 enfants subissant
une chirurgie majeure au cours des 3 premiers mois de vie met en évidence une hypersensibilité dans
la zone opérée avec de probables modifications spinales et supraspinales du contrôle de la douleur.
Les consommations d’opioïdes et les scores de douleur sont majorés chez les enfants subissant une
seconde chirurgie dans le même territoire métamérique [4].Références

  • [1] Kart T, Christrup LL, Rasmussen M. Recommended use of morphine in neonates, infants and
    children based on a literature review: part 1: pharmacokinetics. Pediatr Anaesth 1997 ; 7 : 5-11
  • [2] Lynn A, Nespeca MK, Bratton SL et al. Clearance of morphine in postoperative
    infants during intravenous infusion : the influence of age and surgery. Anaesth Analg 1998 ; 86 : 958-63 (niveau 3)
  • [3] Bouwmeester NJ, Anderson BJ, Tibboel D, Holford NHG. Developmental pharmacokinetics of
    morphine and its metabolites in neonates, infants, and young children. Br J Anaesth 2004 ; 92 : 208-17
    (niveau 1)
  • [4] Peters JW, Schouw R, Anand KJ et al. Does neonatal
    surgery lead to increased pain sensitivity in later childhood ? Pain 2005 ; 114 : 444-54 (niveau 3)