COMMUNIQUE DE PRESSE
Protoxyde d’azote : gardons le bébé dans l’eau du bain
Ne confondons pas le protoxyde d’azote pur à usage récréatif potentiellement addictif et le mélange 50 % oxygène 50% protoxyde d’azote (MEOPA) médicament indispensable et irremplaçable pour la douleur des soins
Dans les derniers mois, de nombreux media ont alerté leur public sur les dangers majeurs de l’utilisation du protoxyde d’azote pur. Il existe en effet en France comme aux USA et ailleurs en Europe, une augmentation considérable de l’inhalation par des jeunes de ce gaz « hilarant » : ils utilisent des cartouches détournées de leur usage initial (gaz propulseur pour les siphons de crème chantilly) , ils se les procurent très facilement car ces cartouches sont en vente libre sur internet. Des toxicités réversibles (neuro-hématologiques) par déficit en Vitamine B12 sont régulièrement décrites après des inhalations prolongées et répétées (pluriquotidiennes, plusieurs jours de suite). Encore plus rarement des décès par anoxie ont été rapportés car le gaz est inhalé pur sans oxygène.
Cette campagne d’information largement justifiée comporte toutefois un inconvénient majeur car elle risque de disqualifier le mélange 50% d’oxygène et protoxyde d’azote (MEOPA largement utilisé en médecine pour prévenir les douleurs aigues provoquées par les soins et sans danger pour le patient et les soignants.
Un exemple récent est paru dans le Quotidien du Médecin du 15.04.2019, l’article « Des sénateurs souhaitent interdire la vente de protoxyde d’azote aux mineurs » est illustré par une photo d’enfant dans un service d’urgence avec au premier plan une bouteille de MEOPA (alors que la proposition de loi concerne uniquement et spécifiquement l’usage des cartouches contenant 100% de protoxyde d’azote.
Cette erreur nous parait grave car les principaux médicaments de la douleur connaissent actuellement une offensive majeure dans beaucoup de médias à la lumière de la crise des opioïdes aux USA , qui est une catastrophe sanitaire sans précédent liée à des prescriptions abusives de longue durée, d’opiacés en dehors de la douleur aigue et de la douleur du cancer.
L’utilisation du MEOPA en France s’est développée en dehors du bloc opératoire depuis 30 ans, pour soulager la douleur des actes invasifs courts, en particulier chez l’enfant (sutures, prélèvements, ponctions, biopsies…). Le groupe de travail de la Société européenne d’Anesthésie vient de publier une synthèse sur les bénéfices, la sécurité et la surestimation des craintes concernant l’utilisation clinique du protoxyde d’azote(1). Aux urgences pédiatriques ce produit est devenu incontournable. Faute de soulagement, la douleur provoquée par les soins entraine détresse, protestation, agitation avec le risque de susciter une contention violente, voire ensuite de développer une phobie des soins. Aucun effet indésirable grave de cette utilisation heureusement courante actuellement en pédiatrie en France, avec de bonnes pratiques et des équipes formées, n’a été signalé.
Une mise au point française récente (2)a clairement établi les différences fondamentales entre l’usage récréatif (qui ne concerne que les cartouches de protoxyde d’azote pur avec leur risque de complications parfois sévères), et l’usage médical antalgique du MEOPA, produit de référence en France (AFSSAPS 2009) pour soulager efficacement la douleur des soins chez l’enfant.
Paris le 22/05/2019
Pr Daniel Annequin, pour le groupe Pédiadol [email protected] Tel 06 88 65 13 40
Dr Frédéric Maillard, responsable médical du CNRD
Dr Sophie Dugué, présidente de la commission pédiatrique et membre du CA de la SFETD
REFERENCES
- Buhre W, Disma N, Hendrickx J, DeHert S, Hollmann MW, Huhn R, et al. European Society of Anaesthesiology Task Force on Nitrous Oxide: a narrative review of its role in clinical practice. British Journal of Anaesthesia. 2019;122(5):587-604.
- Annequin D. MEOPA : mythes et réalités. Toxicité et mésusage. 24 eme Journée La douleur de l’enfant Quelles réponses. UNESCO Paris 2017;24:30 – 41.