L’impact de la musique est régulièrement étudié dans le domaine de la douleur, de la réduction du stress et de l’anxiété. En néonatalogie, cette technique non pharmacologique présente un intérêt certain avec une balance bénéfice/risque positive.
Dans l’étude de Corrigan et al, l’usage de la musicothérapie et son intérêt lors de la récupération après réalisation des fonds d’œil de dépistage de la rétinopathie (geste très douloureux) est analysé de manière rigoureuse. Les résultats montrent qu’un enregistrement de 5 minutes de la voix de la mère chantant une berceuse, mêlé à celui de son rythme cardiaque ne permet pas de réduction du score PIPP (Premature Infant Pain Profil) par rapport au groupe témoin si l’examen est plus court que la moyenne observée. Une meilleure récupération grâce à la musique devient plus nette lorsque l’examen est long et très douloureux.
Dans une autre étude chinoise randomisée contrôlée multicentrique réalisée entre novembre 2017 et janvier 2019, Chen Y et al se sont intéressés à l’effet de la voix maternelle diffusée durant une ponction veineuse sur la douleur ressentie par des nouveau-nés prématurés. 116 nouveau-nés de plus de 32 semaines d’aménorrhée sans pathologie associée sont entrés dans l’étude, avec des critères d’inclusion stricts : Apgar > à 7 à 5 minutes, pas d’antécédent chirurgical ni de malformation congénitale. Les enfants recevant un traitement antalgique, avec support ventilatoire ou bénéficiant de photothérapie étaient exclus. Tous les parents approchés ont donné leur consentement à l’étude qui a été approuvée par le comité d’éthique.
Un enregistrement de la voix maternelle chantant ou fredonnant était réalisé afin d’obtenir un enregistrement d’une durée de 10 minutes. L’enregistrement était retravaillé pour ôter tout bruit parasite et toute pause dans la bande sonore. Cet enregistrement était diffusé 2 minutes avant la ponction veineuse périphérique ou centrale et durant tout le temps de celle-ci jusqu’à ce que le rythme cardiaque de l’enfant et son taux d’oxygène reviennent aux niveaux d’avant intervention. Le haut-parleur était situé à 20 cm de l’oreille de l’enfant pour un son émis entre 50 et 60 dB. Si l’enfant devait bénéficier d’autres soins (changement de couche par exemple) ils étaient réalisés avant la ponction.
L’échelle choisie pour l’évaluation était l’échelle NIAPAS (Neonatal Infant Acute Pain Assessment Scale) qui est multimodale et permet l’obtention d’un score sur 18. Les auteurs retrouvent une différence significative à chaque temps observé (avant le geste, pendant et après) en faveur de la diffusion de la voix maternelle (score à 7.74 ±2.27 dans le groupe témoin et 6.47±2.02 p=0.001).
Dans cette étude on note quelques limites. Les critères d’inclusions très stricts ont conduit à l’inclusion de bébés de plus de 35 SA en bon état clinique, il est donc difficile d’étendre ces résultats aux autres enfants prématurés ou nécessitant plus de soins, qui pourraient moins bien tolérer une telle stimulation sonore ; l’évaluation n’a pas été faite en aveugle ce qui a pu biaiser les résultats et le score choisi est peu connu. Enfin, l’environnement sonore des unités n’a pas été mesuré ce qui n’exclut pas des interférences possibles avec les sons diffusés.
Ces résultats mitigés corroborent ceux d’autres études s’intéressant à l’impact de la musique en néonatalogie. Dans ces différents travaux, la diversité du mode de diffusion de la musique, le type de musique, les différences de termes et la particulière immaturité de la population étudiée peuvent expliquer des résultats inhomogènes. Les études s’intéressent aussi à des champs différents : réduction de la douleur et/ou de l’anxiété, implication parentale, durée d’hospitalisation avec des méthodologies de mesure et d’évaluation de rigueur variable.
En synthèse, les auteurs de l’éditorial questionnent en commentant l’article qui présente l’effet de la musicothérapie lors de la récupération après les fonds d’œil de dépistage de la rétinopathie du prématuré et soulignent que si l’usage de la musique semble séduisant dans la population néonatale, il doit s’intégrer dans une stratégie globale de prise en charge en tenant compte des capacités de tolérance de l’enfant et de son stade de développement. L’ensemble des stimulations auditives présentes dans une unité de néonatalogie doit être pris en compte, ainsi que les expériences auditives vécues par l’enfant depuis qu’il est assez mature pour percevoir des stimuli sonores. On ne peut appliquer des conclusions d’études ou de ressentis issues de l’adulte ou de l’enfant ayant un passé incluant la musique à un nouveau-né a fortiori prématuré qui n’a pas les mêmes expériences antérieures. Les études rigoureuses, comme celles de Corrigan et al, vont permettre de connaitre mieux les effets de l’usage de la musique dans cette population immature au moyen d’études scientifiques solides. Son utilisation en lien avec les soins de développement permettra d’obtenir la meilleure efficacité en limitant les dys-stimulations, en s’adaptant au rythme de l’enfant et à sa tolérance.
. Music therapy and retinopathy of prematurity screening: using recorded maternal singing and heartbeat for post exam recovery. Corrigan MJ, Keeler JR, Miller HD, Ben Khallouq BA, Fowler SB. J Perinatol. 2020 Dec;40(12):1780-1788.
. The Effect of Maternal Voice on Venipuncture Induced Pain in Neonates: A Randomized Study. Chen Y, Li Y, Sun J, Han D, Feng S, Zhang X. Pain Manag Nurs. 2021 Oct;22(5):668-673
. Music therapy for neonatal stress and pain-music to our ears. Maitre NL, Arnon S. J Perinatol. 2020 Dec;40(12):1734-1735.
Commentaire Pédiadol
L’effet de la musique, en particulier du chant, en réanimation néonatale est en pleine exploration, d’autres études sont parues ou sont en cours. A suivre ! La piste de la voix maternelle reste un atout par sa balance bénéfice/risque, sa faisabilité et sa reproductibilité.
Douleurs des soins chez le nouveau-né, in Les 28es Journées Pédiadol, la douleur de l’enfant, la biblio.
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MàJ Décembre 2021