Une étude ancienne publiée en 2010 a remis en cause l’efficacité antalgique des solutions sucrées (1). Dans cette étude randomisée contrôlée incluant 59 enfants répartis en 2 groupes (29 enfants recevaient du saccharose 24% et 30 de l’eau stérile avant une ponction au talon), les objectifs étaient l’analyse de potentiels évoqués cérébraux spécifiques de la douleur, l’analyse du réflexe médullaire de retrait lors de la ponction et le score de douleur mesuré par la PIPP. Seuls 20 et 24 enfants ont finalement eu les analyses. Il n’y avait pas de différence neurophysiologique entre les 2 groupes : l’amplitude des potentiels évoqués cérébraux de la douleur était la même, ainsi que le réflexe médullaire de retrait (amplitude et latence). En revanche les enfants recevant du saccharose avaient un score de douleur significativement plus bas que ceux recevant le placebo (aucun enfant du groupe saccharose ne manifestaient de signe de douleur tandis que 13 enfants du groupe placebo avaient une PIPP élevée).

Les auteurs ont conclu que, comme il n’y avait aucun changement neurophysiologique après une administration de sucre, celui-ci n’était pas antalgique.

Plusieurs critiques peuvent être faites sur ces conclusions :

  • Le nombre de patients inclus est très bas et cette étude n’a pas été reconduite à plus grande échelle. Les validités externe et interne sont discutables.
  • Les critères retenus pour l’analyse neurophysiologique sont plus que discutables : les variations de 2 potentiels évoqués cérébraux ont été analysés. Ces derniers sont dits spécifiques de la douleur mais seules des variations minimes ont été analysées (millisecondes). Le critère de jugement principal n’est pas fiable.
  • Ce qui est remarquable en revanche est l’efficacité clinique du saccharose puisqu’aucun enfant en ayant reçu n’a manifesté de signe de douleur.

Le mode d’action des solutions sucrées est mal connu mais fait probablement intervenir le système opioïdergique endogène. Même si quelques marqueurs neurophysiologiques, dont le choix et la valeur sont discutables, ne montrent pas de modifications lors de l’administration de solutions sucrées lors d’un geste douloureux, on ne peut pas en conclure de façon aussi affirmative que le sucre n’est pas antalgique chez le nouveau-né, car cliniquement, notamment l’activité faciale, la différence est notable.

Aussi, les solutions sucrées doivent toujours être utilisées avant un geste douloureux chez le nouveau-né et le nourrisson, associées à la succion non nutritive qui potentialise leur action, et ce pendant toute la durée du geste. Elles doivent être réservées aux gestes douloureux uniquement, à la dose minimale efficace, en respectant 2 minutes de délai entre l’administration et le geste. Le nombre de publications prouvant leur efficacité antalgique est bien supérieur à la seule étude, ancienne et de méthodologie discutable, remettant en cause cet effet (2).


  1. Slater R, Cornelissen L, Fabrizi L, Patten D, Yoxen J, Worley A, et al. Oral sucrose as an analgesic drug for procedural pain in newborn infants: a randomised controlled trial. Lancet. 2010;376(9748):1225-32.
  2. Harrison D, Larocque C, Bueno M, Stokes Y, Turner L, Hutton B, et al. Sweet Solutions to Reduce Procedural Pain in Neonates: A Meta-analysis. Pediatrics. 2017;139(1).

MàJ,  15/04/2022

Elizabeth Walter-Nicolet
Pédiatre-Service de néonatologie-maternité
Groupe Hospitalier Paris Saint Joseph