Dr Daniel Annequin, Dr Barbara Tourniaire
Centre de la migraine de l’enfant – Hôpital d’enfants Armand Trousseau – 75012 Paris
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Dans les deux dernières années plusieurs éléments ont marqué la connaissance et la prise en charge de la migraine de l’enfant :
- La nouvelle classification internationale de l’IHS.
- Les recommandations ANAES.
- Un nouveau traitement de crise : le sumatriptan par voie nasale (AMM pour l’enfant à partir de 12 ans).
- La création du centre de la migraine de l’enfant.
- La réalisation d’une étude sur l’« efficacité de deux moyens non pharmacologiques (la relaxation et l’hypnose) en traitement de fond chez l’enfant migraineux ».
- La parution d’un livret destiné aux enfant et aux familles « Comment comprendre et traiter la migraine de l’enfant » (financement Fondation CNP).
LA NOUVELLE CLASSIFICATION DE L’INTERNATIONAL HEADACHE SOCIETY
En 2003, les critères diagnostiques internationaux ont été modifiés1 :
- la durée de la crise est à 1 heure, elle est beaucoup plus courte que chez l’adulte (4 heures),
- la localisation est bilatérale dans la majorité des cas.
CRITÈRES IHS DIAGNOSTIQUES DE MIGRAINE SANS AURA
A | Au moins 5 crises répondant aux critères B – D |
B | Crise d’une durée de 1 à 48 heures |
C | La céphalée présente au moins deux des caractéristiques suivantes :
|
D | Durant la céphalée, au moins une des caractéristiques suivantes : Nausée ou vomissement Photophobie ou phonophobie |
E | Exclusion par l’anamnèse, l’examen clinique et neurologique, éventuellement par des examens complémentaires, d’une maladie organique pouvant être la cause de céphalées. |
Trois syndromes périodiques de l’enfance ont été intégrés comme des précurseurs de la migraine :
- Crise de vertige paroxystique bénin
- Accès brusque de vertige sévère durant de quelques minutes à quelques heures avec résolution spontanée. Un nystagmus et des vomissement peuvent être présents.
- L’EEG et l’examen neurologique sont normaux.
- Crise de migraine abdominale
- Crise durant de1 à 72 heures.
- D’intensité modérée ou sévère.
- De caractère sourde ou irritative.
- De localisation médiane ou peri-ombilicale ou mal localisée
- Possédant 2 des 4 caractéristique suivantes :
- Pâleur.
- Perte d’appétit.
- Vomissement.
- Nausées.
- Crise de vomissement cyclique
- Accès épisodiques et stéréotypés d’intenses nausées et vomissement dont la durée varie de1 à 5 jours.
- 4 épisodes de vomissement par heure pendant une heure au moins.
- Aucune autre manifestation entre les crises.
SUMATRIPTAN PAR VOIE NASALE |
Ce produit est un agoniste de la sérotonine de la famille des triptans ; il agit par vasoconstriction , il représente un traitement spécifique de la crise migraineuse. L’AMM a été élargi récemment (novembre 2003) aux adolescents âgés de 12 à 17 ans.
Ce médicament est prescrit par voie nasale2, chez des enfants partir de 30 kg ou vers l’âge de 11 ans.
Deux pulvérisations sont autorisées par 24 h , les associations avec les dérivés de l’ergot de seigle sont contre indiquées.
Des effets secondaires sont parfois rapportés : amertume du goût du produit, sensation de fourmillement, de chaleur, de lourdeur, de pression ou d’oppression ; bouffées de chaleur, vertiges et sensations de faiblesse, vomissements, fatigue et somnolence.
Une pulvérisation intranasale est réalisée, à la dose de 10 mg (pour 30 kg) ou de 20 mg (chez l’adolescent en cas d’échec du 10 mg). Il faut préciser à l’adolescent que le produit ne doit pas être inhalé, il doit être absorbé par la muqueuse nasale, des conseils précis doivent être respectés :
- Dans un premier temps, adopter une position confortable, la position assise étant tout à fait possible. Se moucher en cas de rhume ou de nez bouché. Presser fermement sur une narine pour la boucher. Expirer lentement par la bouche. Garder la tête droite. Introduire l’embout dans l’autre narine d’environ 1 cm. Inspirer lentement par le nez et en même temps presser fermement le poussoir avec le pouce. Le poussoir peut opposer une légère résistance et l’on peut entendre un déclic lors de son utilisation. Inspirer doucement par le nez pour permettre au produit de bien rester dans la narine. Expirer par la bouche. Après utilisation du pulvérisateur, le nez peut sembler pris et l’on peut également ressentir un léger goût dans la bouche. Ces sensations sont normales et passeront rapidement. Après une seule utilisation, le pulvérisateur est vide.
RECOMMANDATIONS ANAES
PRISE EN CHARGE DIAGNOSTIQUE ET THÉRAPEUTIQUE
DE LA MIGRAINE CHEZ L’ADULTE ET L’ENFANT : ASPECTS CLINIQUES ET ÉCONOMIQUES |
Traitement de la crise
Les molécules suivantes sont recommandées chez l’enfant et l’adolescent (accord professionnel) :
- En première intention :
- Ibuprofène chez l’enfant de plus de 6 mois.
- Puis :
- diclofénac chez l’enfant dont le poids est supérieur à 16 kg,
- naproxène chez l’enfant de plus de 6 ans ou dont le poids est supérieur à 25 kg,
- aspirine en monothérapie ou en association au métoclopramide,
- paracétamol en monothérapie ou en association au métoclopramide,
- tartrate d’ergotamine chez l’enfant de plus de 10 ans.
Dans le traitement de la crise de migraine modérée à sévère, chez l’adolescent de 12 à 17 ans le sumatriptan spray nasal (10 à 20 mg) est efficace (grade A).
Les données de la littérature ne sont pas suffisantes pour conclure à l’efficacité :
- du sumatriptan par voie orale et injectable chez l’enfant et l’adolescent,
- du sumatriptan spray nasal chez l’enfant de5à12 ans.
Il est recommandé (accord professionnel) :
- de prendre le traitement de la crise le plus précocement possible,
- d’utiliser la voie rectale en cas de nausées et de vomissements,
- d’utiliser la voie per-nasale à partir de 12 ans ou chez les enfants dont le poids est supérieur à 35 kg,
- d’utiliser le sumatriptan spray nasal en cas d’échec du paracétamol, de l’aspirine et des AINS,
- pour les triptans et les dérivés ergotés, d’attendre l’apparition de la céphalée pour traiter une crise avec aura.
Traitement de fond
a) Traitement non médicamenteux
La relaxation, le rétrocontrôle (biofeedback) et les thérapies cognitives et comportementales de gestion du stress peuvent être recommandés (grade B). Ces traitements sont plus efficaces que les bêta-bloquants (grade B).
b) Traitement médicamenteux
Il est recommandé de faire appel au traitement médicamenteux de fond après échec des traitements non pharmacologiques (accord professionnel).
En l’absence de preuve scientifiquement établie, les molécules suivantes peuvent être recommandées, en cas d’échec des traitements non médicamenteux ou de crises migraineuses particulièrement fréquentes et sévères (accord professionnel) :
- la flunarizine chez l’enfant de plus de 10 ans, 5 mg/jour,
- la dihydroergotamine, 5 à 10 mg/jour,
- le pizotifène chez l’enfant de plus de 12 ans, 1 mg/jour,
- le propranolol, 2 à 4 mg/kg/jour,
- le métoprolol, 25 à 50 mg/jour,
- l’oxétorone, 15 à 30 mg/jour,
- l’amitryptiline, 3 à 10 mg/jour.
Il est recommandé d’utiliser ces molécules à faibles doses, afin de limiter les effets indésirables, à type de sédation notamment.
EFFICACITÉ DE LA RELAXATION ET L’HYPNOSE
EN TRAITEMENT DE FOND CHEZ L’ENFANT MIGRAINEUX ÉTUDE RANDOMISÉE CONTRÔLÉE |
Centre de la migraine de l’enfant
Hôpital d’enfants Armand Trousseau -75012 Paris
D. Annequin, I. Celestin Lhopiteau, R. Amouroux, B. Tourniaire, A. Tonnelli
Méthode
38 enfants âgés de 6 à 15 ans (11.9 ± 2.4).
Présentant au moins 3 crises mensuelles de migraine (IHS).
Chaque enfant bénéficie du même traitement de crise médicamenteux (AINS).
Trois groupes ont été tirés au sort :
- groupe contrôle (pas de traitement de fond),
- groupe relaxation (12 sessions sur une période de 3 mois),
- groupe hypnose (12 sessions sur une période de 3 mois).
Durant six mois, lors de chaque crise, l’enfant notait :
- l’intensité douloureuse (0 -10),
- la durée de la crise.
Résultats
On a observé une amélioration significative chez les enfants bénéficiant de relaxation ou d’hypnose :
- diminution d’au moins 50 % du nombre de crise,
- diminution de l’intensité des crises,
- action plus rapide des médicaments de crise.
L’effet observé est prolongé puisqu’il est retrouvé 3 mois après l’arrêt des séances d’apprentissage de la relaxation ou de l’hypnose.
Nombre de crises par mois
Pourcentage de crises dont l’intensité diminue d’au moins 50 %, une heure après le traitement de crise
CONCLUSION
L’apprentissage de l’hypnose et de la relaxation représente un traitement de fond très efficace de la migraine de l’enfant.
Cette étude a reçu le soutien de la Direction Générale de la Santé et de la Fondation de France.
J’AI MAL À LA TÊTE « COMMENT COMPRENDRE ET TRAITER
LA MIGRAINE DE L’ENFANT » |
Grâce au financement de la Fondation CNP, le Centre de la migraine de l’enfant a réalisé un livret de 16 pages destiné aux enfants et aux familles : Il sera disponible en avril 2004.
Les objectifs du livret :
- Informer sensibiliser les enfants, les familles à la réalité de cette pathologie.
- Sensibiliser les professionnels.
- Donner des informations très précises sur la nature, la fréquence de cette maladie.
- Savoir reconnaître les facteurs déclenchants pour éviter certaines crises en donnant des conseils de prévention.
- Préciser les différents types de maux de tête bénins existant chez l’enfant.
- Comment et quand prendre les médicaments.
- Combattre les idées fausses sur la migraine.
- Mieux connaître les bénéfices des moyens non pharmacologiques.
Un site internet www.migraine-enfant.org est associé à ce livret, des informations plus larges destinées aux professionnels y seront disponibles.
BIBLIOGRAPHIE
1 | Headache classification subcommittee of the International Headache Society. The international classification of headache disorders 2nd edition. Cephalalgia 2004 ; 24 Supplement 1. |
2 | Winner P., Rothner A.D., Saper J., Nett R., Asgharnejad M., Laurenza A., Austin R.A., Peykamian M. A randomized double-bind, placebo controlled study of sumatriptan nasal spray in the treatment of acute migraine in adolescents. Pediatrics, 2000, 106 (5) : 989-997. |