Contrôle de la douleur de l’amygdalectomie
Cette chirurgie courante continue de poser des difficultés concernant l’analgésie postopératoire et de susciter de nombreuses études !
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– En effet deux études récentes montrent que la douleur au retour à domicile, évaluée par les parents, reste élevée. Un travail a inclus 121 enfants âgés de 4 à 15 ans, opérés pour adénotonsillectomie, en ambulatoire, recevant au cours d’essais randomisés, en double-aveugle, soit paracétamol-codéine versus tramadol (une étude), soit tramadol versus tramadol + gabapentine (une autre étude), avec administration systématique J0-J5, puis administration à la demande (J5-J10). La douleur était évaluée par l’échelle de visages FPS-R pour les plus petits et l’échelle numérique pour les plus grands, et par les parents par le score PPPM[1]. L’élévation du score PPPM est corrélée avec celui de la FPS et de l’EN, notamment lorsque la douleur est la plus sévère, avec les troubles du sommeil, avec la prise de médicaments à la demande J5-J10, avec les effets indésirables (qu’ils soient liés à la douleur ou aux analgésiques utilisés, nausées, vomissements, sédation etc…) et à la nécessité de recourir à une consultation ou une ré-hospitalisation. La douleur a été prolongée jusqu’à J10 pour 24 % des enfants, la PPPM a varié de 8,4/15 à J1 à 3/15 à J10 (avec une légère élévation à J5-J6 pouvant correspondre à la chute d’escarres et/ou au changement du rythme d’administration des analgésiques) et la satisfaction globale des parents était de 8/10 à J10. Les auteurs concluent sur l’importance du rôle des parents pour un meilleur contrôle de la douleur (éducation, utilisation PPPM, administration des analgésiques systématique ou à la demande).
– L’efficacité de l’ibuprofène est toujours testée, utilisé seul ou en association, d’autant qu’aux USA la peur de favoriser le mésusage des morphiniques conduit à établir des protocoles sans morphinique si possible[2].
– Dans une étude observationnelle prospective en Allemagne, l’administration systématique d’ibuprofène à la posologie de 10 mg/kg/8h, l’analgésique de recours étant le piritramide[3], a été testée chez 158 enfants âgés de 2 à 12 ans. L’évaluation de la douleur était réalisée par l’échelle CHIPPS[4] pour les enfants de moins de 5 ans et la FPS-R pour les plus de 5 ans, associées pour tous à l’évaluation parentale par la PPPM. Les enfants étaient tous hospitalisés le temps de l’étude (3 à 4 jours). L’anesthésie générale comprenait sevoflurane – propofol – rémifentanyl, les enfants recevaient un bolus de piritramide, de l’ibuprofène en suppositoire et de la dexaméthasone avant la chirurgie. L’objectif était d’obtenir moins de 30 % d’enfants ayant besoin de médicament de recours. Les critères d’évaluation étaient de plus, la sédation, la prise orale de liquides et la concordance entre les échelles d’évaluation. Aucun effet secondaire sérieux n’a été rapporté (nausées, vomissements, et difficulté d’endormissement n’ont pas été répertoriés). 82 % des enfants après amygdalectomie et 51,3 après amygdalotomie[5] ont eu recours à une ou plusieurs doses de piritramide. Les auteurs concluent à l’insuffisance d’efficacité de l’ibuprofène en monothérapie.
– Une autre étude, dans le contexte américain de la peur du mésusage des opioïdes, compare la satisfaction des parents sur l’efficacité du contrôle de la douleur par l’association paracétamol (15-20 mg/kg/6h) et ibuprofène (7,5-10 mg/kg/6h), versus hydrocodone[6] (0,1 mg/kg/6h) avec paracétamol et ibuprofène (mêmes doses). 324 enfants âgés de 1 à 17 ans ont été inclus, l’enquête se déroulait 10 à 12 jours après la chirurgie, les parents cotaient leur satisfaction en 3 points : excellent, bon/adéquat, médiocre/inadéquat. La satisfaction était excellente pour 58 % d’enfants du groupe non opioïde et 50 % du groupe opioïde, mauvaise pour 9 % du groupe non opioïde et 5 % du groupe opioïde. A noter que parmi les enfants des groupes opioïde et non opioïde non satisfaits, plusieurs étaient atteints de pathologies complexes ou de troubles de l’attention. Pour ces auteurs, le protocole paracétamol-ibuprofène est suffisant, l’ajout d’hydrocodone n’ayant pas modifié les résultats quant à la satisfaction parentale (ce qu’a déjà montré une autre étude ajoutant la morphine à l’association paracétamol – ibuprofène)[7].
Dans le même but de réduire les prescriptions d’opioïdes, une étude porte sur la formation des parents à la non-utilisation des morphiniques pour le traitement de la douleur postopératoire après amygdalectomie. 387 enfants âgés de 1 à 11 ans ont été inclus dans l’étude (2 groupes ont été constitués, l’un avant la modification de protocole, l’autre après). Le but était de favoriser l’utilisation des analgésiques non morphiniques par les parents, après éducation par les soignants. Une enquête a été réalisée par téléphone, visite ou e-mail entre J7 et J21. La prescription était de 30 doses d’oxycodone (0,2 mg/kg) pour le groupe 1, réduite à 20 doses d’oxycodone (0,1 mg/kg) pour le groupe 2, à administrer si besoin, parallèlement à l’utilisation systématique des analgésiques non morphiniques (paracétamol et ibuprofène). Le contrôle de la douleur a été jugé satisfaisant dans 58 % des cas sans différence entre les 2 groupes. Les auteurs concluent à l’importance de la formation des soignants et des parents afin de réduire l’utilisation des morphiniques pour cette intervention, sans pour autant modifier la qualité du traitement de la douleur postopératoire.
. A descriptive analysis of pediatric post-tonsillectomy pain and recovery outcomes over a 10-day recovery period from 2 randomized, controlled trials. Postier AC, Chambers C, Watson D, Schulz C, Friedrichsdorf SJ.
Pain Rep. 2020 Mar 6;5(2):e819.
. High dose ibuprofen as a monotherapy on an around-the-clock basis fails to control pain in children undergoing tonsil surgery: a prospective observational cohort study. Gude P et al. Eur Arch Otorhinolaryngol. 2020 Jul;277(7):2115-2124.
. Parental assessment of pain control following pediatric adenotonsillectomy: Do opioids make a difference? Adler AC, Mehta DK, Messner AH, Salemi JL, Chandrakantan A. Int J Pediatr Otorhinolaryngol. 2020 Jul;134:110045.
. Association of Opioid Quantity and Caregiver Education with Pain Control after Pediatric Tonsillectomy. Harbaugh CM, and al. Otolaryngol Head Neck Surg. 2020 May;162(5):746-753.
Commentaire Pédiadol
La douleur de l’amygdalectomie continue de nécessiter des études complémentaires ; en postopératoire, c’est toujours l’association paracétamol – ibuprofène qui est recommandée.
[1] Echelle comportementale à remplir par les parents, pour chaque item, l’enfant n’est pas « comme d’habitude » (voir sur pediadol.org)
[2] Les risques potentiels d’addiction future ou d’intoxication accidentelle par des opioïdes à domicile sont très redoutés aux USA. A titre d’exemple, une revue américaine reprenant différentes séries, sur 100 000 enfants, 5 % présentaient encore une dépendance aux opioïdes 6 mois après chirurgie d’appendicectomie et 7 % après cholécystectomie. Ce mésusage est exceptionnel en France.
[3] Opioïde faible administré par voie IV, non disponible en France.
[4] Echelle comportementale élaborée en Allemagne
[5] Ablation partielle des amygdales
[6] Morphinique fort non autorisé chez l’enfant en France
[7]En France les morphiniques sont déconseillés en postopératoire de l’amygdalectomie, en particulier si l’enfant est opéré pour obstruction chronique des VAS.