de soins douloureux
Annequin D.
La kétamine en 2012 : comment l’utiliser pour la douleur provoquée par les soins chez
l’enfant ?
Arch Pediatr 2012 ; 19 (7) : 777-9À la suite de nombreuses publications internationales sur l’emploi de la kétamine pour la
sédation des soins douloureux chez l’enfant, et des recommandations validées par l’Afssaps en 2009, un article fait la synthèse sur la kétamine à petite dose pour les soins en pédiatrie. Les
conditions de sécurité et la formation nécessaire y sont explicitées.
Des recommandations nationales de bonne pratique permettent d’utiliser la kétamine à faible
dose pour réaliser des soins douloureux quand le mélange oxygène protoxyde d’azote (MEOPA)
est inefficace. Pour réaliser dans de bonnes conditions un geste douloureux, la kétamine à faible
dose (titration de bolus intraveineux de 0,5 mg/kg sans dépasser 2 mg/kg) apparaît le seul
médicament potentiellement utilisable par un médecin formé, sans la présence d’un médecin
anesthésiste (Grade A). Avec ces posologies, sans association médicamenteuse, le niveau de
sécurité optimal dépend largement de la qualité de l’environnement hospitalier (Grade A)
(conditions de surveillance de type soins intensifs). La voie intramusculaire (< 4 mg/kg) est une
alternative (si la voie intraveineuse n’est pas facilement disponible), mais le délai de récupération
est retardé (Grade B). La prise en charge optimale serait l’anesthésie générale, il est donc
nécessaire de faciliter l’accès au bloc opératoire des enfants devant subir ce type de procédure
(accord professionnel). À défaut, c’est la kétamine qui doit être privilégiée. Outre les médecins
anesthésistes, ce sont principalement les réanimateurs et les urgentistes pédiatriques qui ont
actuellement les compétences médicales requises pour la détection et le traitement des effets
indésirables rares mais potentiellement graves (laryngospasme).
Commentaire Pédiadol : Des équipes d’oncohématologie françaises, formées, ont commencé à utiliser la kétamine et ont publié leurs résultats [Laborde S. Utilisation de la kétamine en onco-hématologie pédiatrique. 18e Journées Unesco « La douleur de l’enfant – Quelles réponses ? » Paris ; 2011. p. 79-85. Ricard C et al. Sédation par la kétamine pour les soins douloureux en oncologie pédiatrique. Bull Cancer 2009 ; 96 Suppl 2 : 15-20] De larges études en ont démontré la sécurité. |
l’enfant, l’adolescent et le jeune adulte
Burgoyne LL, Billups CA, Jirón JL Jr et al.
Phantom limb Pain in Young Cancer-Related Amputees : Recent
Experience at St Jude Children’s Research Hospital
Clin J Pain 2012 ; 28 (3) : 222-5Étude rétrospective sur
26 cas d’amputation. Pendant la première année après l’amputation, 76 %
avaient une douleur. Après un an, seulement 10 % ont gardé une douleur du membre fantôme. La
douleur pré-amputation était présente chez 64 %.
Anghelescu DL, Faughnan LG, Jeha S et al.
Neuropathic pain during treatment for childhood acute
lymphoblastic leukemia
Pediatr Blood Cancer 2011 ; 57 (7) :1147-53Étude rétrospective sur la fréquence des douleurs suivant la chimiothérapie par vincristine chez les enfants traités pour leucémie aiguë lymphoblastique : 174 sont survenues pour 498 enfants traités ; ces douleurs ont
été traitées le plus souvent par gabapentine et/ou morphiniques.
White MC, Hommers C, Parry S et al.
Pain management in 100 episodes of severe mucositis in
children
Paediatr Anaesth 2011 ; 21 (4) : 411-6Analyse rétrospective de 100 cas en 3 ans : dans 26 % des cas, la PCA morphine était
insuffisamment efficace malgré des posologies très élevées (0,1 g/kg/j) et la kétamine a été ajoutée,
ce qui a entraîné une amélioration.
chez l’enfant et l’adolescent
Finkel JC, Pestiau SR, Quezado ZMN.
Ketamine as an adjuvant for treatment of cancer pain in children and adolescents
J Pain 2007 ; 8 : 515-21Pour la douleur « de fond », cet article fait état de l’intérêt de l’association de la kétamine au
traitement morphinique lors de douleur sévère non contrôlée chez des enfants ayant une maladie
cancéreuse avancée (présentation de 11 cas cliniques) ; l’adjonction de kétamine à petite dose (0,1 à
0,2 mg/kg/h) a permis de diminuer franchement les doses de morphiniques, et plusieurs enfants
ont ainsi retrouvé en fin de vie des possibilités de communication avec leur famille.
Commentaire Pédiadol : Une large littérature principalement chez l’adulte est disponible sur le sujet, dont une revue de la Cochrane Library actualisée en 2009. |
PCA chez l’enfant pour la douleur cancéreuse
Ruggiero A, Barone G, Liotti L et al.
Safety and efficacy of fentanyl administered by patient controlled
analgesia in children with cancer pain
Support Care Cancer 2007 ; 15 (5) : 569‐73L’utilisation du fentanyl à la place de la morphine pour la douleur cancéreuse est rapportée dans
cette étude chez 18 enfants de 7 à 15 ans avec douleur moyenne à sévère. La PCA comprenait un
débit de base de 1 µg/kg/h avec des bolus de 1 µg/kg. Tous les enfants ont été correctement
soulagés (évaluation toutes les 4 heures) et aucun effet indésirable sévère n’est arrivé. La
satisfaction des enfants est élevée.
Accès de douleur chez les enfants atteints de cancer
Friedrichsdorf SJ, Finney D, Bergin M et al.
Breakthrough Pain in Children with Cancer
J Pain Symptom Manage 2007 ; 34 (2) : 209-16
Les accès de douleur (appelés Breakthrough Pain) nécessitent le recours à des interdoses
d’antalgiques à prévoir en plus du traitement systématique de base. Cet article décrit ces accès
chez 27 enfants de 7 à 18 ans qui ont rempli de manière prospective un questionnaire spécifique au
cours d’une interview. Cinquante-sept pour cent des enfants avaient eu pendant les 24 heures
précédentes un ou plusieurs épisodes, durant quelques secondes ou minutes, et ceci
indépendamment du niveau de dépression et d’anxiété ; la douleur était qualifiée d’aiguë, comme
un coup. Le meilleur traitement semble être un bolus de morphinique à l’aide d’une PCA.
Iannalfi A, Bernini G, Caprilli S et al.
Painful procedures in children with cancer: comparison of moderate sedation
and general anesthesia for lumbar puncture and bone marrow aspiration
Pediatr Blood Cancer 2005 ; 45 : 933-8Une
équipe a comparé la sédation « modérée » effectuée par des médecins
non anesthésistes (MEOPA + midazolam ± techniques non pharmacologiques) à l’anesthésie
générale au cours de 60 ponctions effectuées en oncologie pédiatrique chez 31
enfants.
Deux cas de sédation insuffisante dans le groupe sédation modérée ont été
observés. Il n’y a pas eu de différence en ce qui concerne les effets
indésirables et les signes de détresse (mesure par l’échelle de détresse PBCL : Procedure Behavior Check List) ; le temps de récupération a
bien sûr été augmenté en cas d’AG (117 vs 43 min), ainsi
que le coût. Les techniques non pharmacologiques ont été perçues
très positivement par les enfants et leurs parents. La préférence allait donc
à la sédation « modérée ».
Fentanyl transcutané pour la prise en charge de la douleur chronique sévère
Finkel JC, Finley A, Greco C et al.
Transdermal fentanyl in the management of children with chronic severe pain : results from an international study
Cancer 2005 ; 104 : 2847-57
La
douleur sévère d’origine cancéreuse est habituellement prise en charge par un
morphinique puissant (selon les pays morphine, ou oxycodone, ou hydromorphone).
Le fentanyl transdermique (Durogésic®) a été testé (à l’instigation du laboratoire)
sous une nouvelle posologie adaptée aux enfants : patch délivrant 12 µg/heure,
ce qui est équivalent à 25 à 30 mg de morphine orale par jour.
Cette étude multicentrique internationale a inclus 173 enfants de 2 à 16 ans
souffrant de douleur cancéreuse — ou non cancéreuse — pendant 15
jours (et 130 ont poursuivi le traitement 2 mois). Le but était de tester la
tolérance et la sécurité du produit chez l’enfant. Les scores de douleur ont
diminué pendant l’étude et l’activité de jeu a augmenté ainsi que la qualité
de vie. Le traitement a été relativement bien toléré dans cette population d’enfants
gravement malades.
Commentaire Pédiadol :
|
Janse AJ, Uiterwaal CS, Gemke RJ et al.
A difference in perception of quality of life in chronically ill children was
found between parents and pediatricians
J Clin Epidemiol 2005 ; 58 (5) : 495-502Quatre centres ont participé à
cette étude entre juillet 1999 et janvier 2002. Les pathologies suivantes
ont été retenues : leucémie aiguë lymphoblastique
(LAA) nouvellement diagnostiquée, arthrite juvénile idiopathique
idiopathique, asthme (pour ces deux pathologies les enfants étaient inclus
lors de la consultation de diagnostic), mucoviscidose. L’âge d’inclusion
était de 1 à 17 ans sauf pour l’asthme où l’âge
minimal demandé était de 4 ans.
La qualité de vie a été évaluée par le questionnaire
HUI3 (Health Utility Index), un questionnaire de 42 questions, rempli
par le pédiatre après la consultation, et par l’un des parents
lors d’une interview réalisée par un investigateur. Ce questionnaire
comporte 8 variables principales (des variables objectives : la vision, l’audition,
le langage, la mobilité, la dextérité, et des variables
subjectives : l’émotion, la cognition, les douleurs), notées
de « normale » à « sévèrement atteinte »,
d’après le comportement de l’enfant les 4 semaines précédentes.
Les différences de réponse entre les parents et les soignants
ont été analysées. Le groupe mucoviscidose était
considéré comme le groupe de référence parce qu’il
existe a priori moins de plaintes aiguës chez ces patients et
que les pédiatres les connaissent bien.
Résultats :
- 279
enfants ont été inclus, d’un âge moyen de 8 ans
et demi (134 garçons et 145 filles), avec 47 LAA, 50 asthme, 140 mucoviscidose,
43 arthrite idiopathique juvénile. - 37
pédiatres remplissaient le questionnaire HUI3 pour leurs patients. - Globalement,
dans 66 % des cas, une différence a été retrouvée
entre les réponses du pédiatre et celle du parent. Cette différence
apparaissait dépendante de la maladie, avec plus de différences
notes dans le LAA, l’asthme et l’arthrite idiopathique que dans
la mucoviscidose. - Les variables subjectives ont fait l’objet de beaucoup plus de réponses
différentes que les variables objectives. Pour l’audition, la
vision et la dextérité, 94 à 99 % des réponses
étaient identiques, alors que pour la mobilité, le langage et
la cognition, le taux était à 78 % et diminuait à
55 % pour l’humeur et 27 % pour la douleur. - Les
différences étaient 8 fois plus importantes pour les enfants
de 1 à 5 ans que pour ceux de 6 à 17 ans. - Plus
les parents notaient une atteinte sévère, plus les différences
étaient importantes entre leur réponse et celle du pédiatre,
et ce phénomène se retrouvait sur l’item douleur. - Dans
64 % des cas (178 fois) les pédiatres ont évalué
la douleur moins élevée que les parents, ils l’ont évaluée
comme les parents dans 75 cas (27 %) et plus forte dans 26 cas (9 %). - Les
pédiatres ont noté plus de troubles de l’humeur que les
parents.
Commentaire des auteurs : des
différences étaient bien sûr attendues, particulièrement
dans le domaine des variables subjectives ; mais dans d’autres études
préalables, les différences observées étaient moindres.
Dans cette étude, les différences étaient particulièrement
élevées pour l’humeur et la douleur. Une des explications
est peut-être que cette étude était réalisée
alors que le diagnostic venait d’être posé, sauf pour les
enfants atteints de mucoviscidose, les pédiatres connaissent alors peu
leurs patients.
Intravenous
kétamine sedation for painful oncology procedures
Evans D, Turnham L, Barbour K et al.
Pediatr Anesth 2005 ; 15 : 131-8L’objectif
de cette étude était de déterminer l’efficacité et les effets secondaires de la
kétamine administrée par un non-anesthésiste pour des gestes invasifs en hémato-oncologie.
Cent dix-neuf
sédations réalisées pour des gestes invasifs (73 % PL, 13 % myélogramme,
13 % PL + myélogramme) chez 58 enfants âgés en moyenne de 5 ans (1-13) ont été
étudiées. L’efficacité de l’analgésie et de la sédation, la durée du geste,
le temps de récupération et la survenue
d’effets indésirables ont été notés. Pour chaque enfant, en présence de ses
parents, une titration de kétamine débutant
à 1 mg/kg (maxi 75 mg) en IVL de 60 secondes
suivie de doses répétées de 0,5 mg/kg (maxi 35 mg) toutes les 30 secondes
durant 2 à 4 minutes jusqu’à la sédation avec un maximum de 2 mg/kg. L’efficacité
était de 100 % avec des doses moyennes de kétamine de 1,3 mg/kg. La moyenne des
EVA était à 0 (0-3). La durée moyenne du geste était de 6,6 minutes et le temps
de récupération de 11 minutes en moyenne (9,9 min à 1 mg/kg, 16,1 min à
1,5 mg/kg et 22,6 min à 2 mg/kg). Les principaux effets secondaires étaient 2 cas
d’hypoxie avec SaO2 < 94 % (1,7 %), 55 % ont eu une HTA à 5 minutes,
transitoire. À domicile 3,3 % des enfants ont rapporté des cauchemars, 10,8 % des vomissements et 4,2 % des troubles du comportement.
Les auteurs concluent que la kétamine IV jusqu’à 2 mg/kg est une sédation efficace
pour la prise en charge des gestes invasifs en oncologie, utilisable de manière
sécurisée en monothérapie et dans le cadre d’un protocole.