Christophe Savagner – réanimation néonatale – CHU d’Angers
Elizabeth Gourrier – service de néonatalogie – CH de Meaux

INTRODUCTION
L’effet antalgique de l’administration orale de solutions sucrées lors des actes douloureux chez le nouveau-né a été démontré par des études récentes. La Société Américaine de pédiatrie inclue cette méthode dans son guide sur la prévention et la prise en charge de la douleur et du stress chez le nouveau-né [1]. Quelles sont les limites et les incertitudes actuelles de cette méthode ? Par les données de la littérature, nous essaierons de répondre à cette question. Sur le plan pratique, existe-t-il des protocoles consensuels ? Nous présenterons une synthèse pratique pour l’utilisation de ce moyen antalgique en Néonatalogie.

DONNÉES DE LA LITTÉRATURE
Au cours des cinq dernières années, 87 articles consacrés à la prise en charge de la douleur du nouveau-né avec les critères de recherche « sucrose » ou « saccharose » ou « glucose » ont été référencés dans Medline. Une cinquantaine comprennent un essai clinique.

Les communications lors des dernières journées de l’UNESCO [2-4], la base de données bibliographiques Pediadol (http://www.pediadol.org), la revue « médecine thérapeutique pédiatrie » de mars-avril 2002 consacrée à la prise en charge de la douleur du nouveau-né [5-6] et la dernière mise à jour de la Cochrane review [7] permettent de préciser l’état actuel des connaissances. Les conclusions de B. Stevens de la Cochrane Review précisent les 3 zones d’ombre : quelles sont les doses et les concentrations optimales ? Existe-t-il une synergie d’action quand on associe une solution sucrée à une autre méthode antalgique médicamenteuse ou non ? Les solutions sucrées sont-elles efficaces chez le grand prématuré et dans cette population, existe-t-il des effets secondaires ? trois articles récents nous ont paru particulièrement intéressants, essayant de répondre à ces questions : l’article de CC Johnston [8] et l’article de R Carbajal [9] sur l’utilisation du sucre chez le grand prématuré, l’article de CV Bellieni [10] sur les stimulations multiples.

Nous allons étudier les différents aspects dans la prise en charge de la douleur et dans l’utilisation de ces solutions sucrées :

1. Mécanisme d’action des propriétés antalgiques des solutions sucrées :
L’usage de la succion sucrée, ou d’une tétine, avec l’idée d’une succion apaisante pour le nouveau-né est plus un fait culturel ancestral que scientifique. Pour exemple le peuple Berbère du Haut Atlas utilise de manière séculaire la succion de miel pour calmer les pleurs et l’agitation des très jeunes nourrissons [11]. L’action analgésiante immédiate d’une solution sucrée administrée par voie orale a été démontrée tant en expérimentation animale que cliniquement chez le nouveau-né humain. Cet effet semble médié par des morphines endogènes, permettant ainsi aux auteurs de parler d’effet antalgique. Si, chez le rat, l’intervention de médiateurs centraux opioïdes est démontrée, de même que l’inhibition de l’effet antalgique par un antagonisme spécifique, le mécanisme initial de la sécrétion de ces substances est controversé. Le mécanisme d’action pourrait être à la fois un contrôle direct sur les voies de la nociception, mais aussi une action calmante par l’intermédiaire de la succion et de la saveur sucrée [12].

2. Méthodologie des études
Ce fut Blass qui en 1991 publia la 1ère étude prospective montrant l’efficacité analgésique du saccharose dans la prévention de la douleur liée aux ponctions au talon chez le nouveau-né. Cette étude, réalisée chez 54 nouveau-nés à terme, a montré une diminution significative de la durée des pleurs chez les nouveau-nés ayant goûté à 2 ml d’une solution de saccharose à 12 % (versus eau stérile) deux minutes avant un prélèvement capillaire au talon [13]. Par la suite, la littérature concernant le « sucrose » comme antalgique est très abondante ; malgré le fait que la plupart de ces études sont prospectives et randomisées, la méthodologie d’une grande partie de ces études peut être critiquable : population de faible effectif, ou non homogène, score de la douleur se résumant à la durée des pleurs, quantité de saccharose importante, utilisation d’une tétine en même temps que du saccharose, tests statistiques non adaptés, essai clinique avec un seul observateur. Les méta analyses récentes [7] et la rigueur plus importante dans les dernières études apportent des précisions importantes dans les résultats.

3. Évaluation de la douleur chez le nouveau-né
Avant 1995, le critère le plus largement utilisé pour évaluer la douleur liée au micro-prélèvement chez le nouveau-né, a été la durée des pleurs après la piqûre au talon. D’autres études utilisent la fréquence cardiaque. Par la suite, les études sont effectuées avec des échelles de la douleur, plus spécifiques et plus globales, se basant sur l’expression faciale et corporelle de la douleur (entre autres, l’échelle NFCS (Neonatal Facial Coding System), l’échelle NIPS (Neonatal Infant Pain Scale), l’échelle PIPP (Premature Infant Pain Scale), l’échelle EDIN (Echelle de Douleur et d’Inconfort du Nouveau-né) [14] et l’échelle DAN (échelle d’évaluation de la Douleur Aiguë Nouveau-né [15]).

4. Efficacité des solutions
Toutes les études mentionnées, sauf une [16], affirment une efficacité antalgique nette de la solution sucrée dans la prévention de la douleur liée aux prélèvements capillaires avec une diminution significative de la réponse à la douleur par rapport aux groupes placebo et ce, quels que soient les critères d’évaluation.

L’équipe britannique de Leeds ne retrouve pas de différence significative dans la durée des pleurs entre les groupes saccharose et placebo. La méthodologie de cette étude n’est pas critiquable, elle a été réalisée chez des nouveau-nés à terme qui recevaient soit 2 ml de saccharose à 7,5 % soit 2 ml d’eau stérile. On peut tenter d’expliquer l’inefficacité du saccharose dans cette étude d’une part, par l’absence d’intervalle libre entre l’administration du saccharose et le prélèvement capillaire et d’autre part, par la très faible concentration en saccharose de la solution. L’étude réalisée en 1995 dans la même unité avec des solutions de saccharose d’au moins 12,5 % et le respect d’un intervalle libre de 2 minutes retrouvait une efficacité antalgique du saccharose [17].

5. Utilisation pratique : type de solution, concentration, posologie et dose efficace minimale, délai d’efficacité, type de prélèvement
Le saccharose semble être le sucre le plus efficace mais l’effet du glucose est très proche et pour des raisons de facilité de fabrication, est très souvent utilisé. Certaines solutions sucrées prêtes à l’emploi (par exemple, Sweet-Ease™ PDGsystem) arrivent depuis peu sur le marché en France. Plus que la quantité absolue de sucre ou de solution, ce sont la concentration et le goût sucré de la solution sucrée qui semblent intervenir dans l’effet analgésique : il est donc intéressant d’utiliser une solution en petite quantité, mais à concentration assez élevée (au moins 25 % pour le glucose comme pour le saccharose) et de l’utiliser si besoin plusieurs fois par jour. La dose efficace minimale semble être (pas de véritable consensus) de l’ordre de 1 goutte/kg pour le nouveau-né prématuré. Il s’est avéré que l’effet antalgique, mesuré sur le temps passé en pleurs, était maximal si un intervalle libre de 2 minutes était respecté [18].

Pour le type de prélèvement, le prélèvement capillaire chez le nouveau-né garde sa place pour les surveillances répétées (glycémies, bilirubinémies), mais on ne devrait plus utiliser de lancettes manuelles pour la ponction cutanée au talon ; l’utilisation de lancettes automatiques (ou stylos autopiqueurs) moins « agressives » que les lancettes manuelles, ainsi que l’usage simultané de la tétine [18] ont fait la preuve de leur efficacité et doivent pouvoir être associés à la prise de saccharose dans la prévention de la douleur liée aux prélèvements capillaires en néonatalogie. La ponction veineuse est moins douloureuse que la ponction capillaire au talon chez le nouveau-né, c’est un fait que de nombreuses études attestent [19].

6. Indications et contre-indications
Les indications sont très larges, représentées par les gestes invasifs surtout s’ils sont répétés, mais aussi par les actes type échographie pendant lesquels l’enfant doit être calme. Les indications et contre-indications principales sont représentées dans le protocole proposé en fin d’article. Le repos digestif, en absence de souffrance digestive importante, n’est pas une contre-indication absolue. Ce moyen analgésique ne doit pas être utilisé pour des gestes agressifs majeurs.

7. Tolérance
En dehors du grand prématuré, dans toutes les études concernant l’utilisation du saccharose, aucune complication n’est mentionnée. Cependant dans la méthodologie de ces travaux, les critères et la durée de surveillance quant à la tolérance du sucre sont rarement décrits. Les risques de complication métabolique (équilibre glycémique), digestive ou infectieuse sont donc à estimer avant de pouvoir élargir l’indication du saccharose à tous les prélèvements capillaires en néonatalogie.

INTRODUCTION

  • Tolérance métabolique : L’étude de Mellah [20] est une des rares où les glycémies capillaires après la ponction au talon ont été relevées : là aussi elles étaient normales (sans différence significative entre les groupes placebo et saccharose). Il est vrai que les quantités de saccharose administrées au nouveau-né peuvent paraître dérisoires (0,14 g dans l’étude de Mellah) et ne perturbent pas son équilibre glycémique.
  • Tolérance digestive
    Sur le plan digestif, une étude réalisée en 1977 nous mettait déjà en garde contre les ingestions répétées de solutés hyperosmolaires chez les nouveau-nés grand-prématurés. Les auteurs ont montré qu’au-delà de 8 à 10 prises quotidiennes, le risque d’entérocolite ulcéro-nécrosante était augment. L’hypothèse de lésions intestinales liées à l’hyperosmolarité de la solution était avancée [21]. Ces auteurs avaient administré aux nouveau-nés de très faible poids 0,5à1mlde saccharose à 20 % mélangé avec du lactate de calcium 8 à 12 fois par jour. L’hypothèse d’un rôle causal de l’hyperosmolarité du calcium dans la génèse des lésions intestinales ne peut pas être exclue.
  • Risque infectieux : L’utilisation à l’aide d’une seringue ou d’une tétine réservoir, la conservation du flacon de solution sucrée au réfrigérateur, le flacon changé chaque jour pour une unité de néonatalogie donnée, sont des précautions habituelles d’hygiène.

Accoutumance
Un risque d’accoutumance au sucre est aussi mis en avant, préjudiciable au futur état dentaire de l’enfant. Si on considère que le nouveau-né ne subira des prélèvements capillaires que durant la 1ère, voire les deux 1ères semaines de sa vie, il paraît difficile de penser que les quelques ml de saccharose ingérés durant cette période conditionneront le comportement alimentaire futur de l’enfant.

8. Age gestationnel
La population concernée est large : le prématuré et le nouveau-né à terme (sans limite de terme et de poids), le nourrisson avec une efficacité jusqu’à l’âge de 3 mois ; après l’âge de 1 mois, l’efficacité diminue.
Par contre,
pour le grand prématuré, en plus des risques digestifs déjà cités, des articles récents incitent à la prudence, surtout pour l’utilisation répétée plusieurs fois par jour. Dans l’étude de E. Gourrier [3], 4 unités de néonatalogie (sur 23 réponses) ont observé des désaturations ou troubles de déglutition. Dans l’étude de CC Johnston [8], les enfants inclus reçoivent une solution (sucrée ou placebo) à plusieurs reprises chaque jour pendant les 7 premiers jours de vie, et les auteurs s’appliquent à évaluer l’évolution neurologique à distance (32 SA, 40 SA, et J15 post-terme). En étude univariée, il n’y a pas de différence entre les 2 groupes ; par contre, en étude multivariée, les résultats sont inquiétants pour les enfants ayant reçu souvent une solution, dans le sens de complications neuromotrices plus fréquentes dans le groupe « sucrose ». Il existe probablement des facteurs de confusion (grande
prématurité de 25 à 31 SA, ce groupe ayant souvent reçu une solution étant le groupe le plus grave).

Dans l’étude de R. Carbajal [9], l’association tétine-glucose est efficace pour diminuer la douleur occasionnée par des injections sous-cutanées, mais la synergie d’action est moins marquée que chez le nouveau-né à terme ; d’autre part, 7 enfants (sur 40 inclusions) présentent des désaturations lors des administrations.

9. Autres moyens antalgiques non médicamenteux

  • Méthodes efficaces
    • Pour potentialiser l’action antalgique d’une solution sucrée, l’humanisation du soin (avec réconfort et apaisement du nouveau-né) et tous les aspects concernant le confort du nouveau-né hospitalisé sont importants.
    • D’autre part, la synergie d’action de l’association solution sucrée-tétine a bien été prouvée chez le nouveau-né à terme avec dans l’étude [22], une efficacité « solution sucrée-tétine » supérieure à l’efficacité « tétine » seule, elle-même supérieure à l’efficacité « solution sucrée » seule.
    • Le peau à peau semble avoir un effet antalgique [23].
    • De même, l’allaitement maternel semble procurer un effet antalgique lors d’une ponction veineuse [4].
    • Un article récent [10] étudie la stimulation multisensorielle (massage et stimulation auditive, visuelle et olfactive) chez le nouveau-né à terme, et les résultats vont dans le sens d’un effet antalgique.
  • Méthodes inefficaces
    Le réchauffement préalable du talon du nouveau-né, l’application de crème Emla® sur le talon (en respectant le délai d’efficacité) [24] ou la prise orale de paracétamol (20 mg/kg, 1 heure avant le micro-prélèvement) [25], se sont avérés inefficaces pour prévenir la douleur liée aux prélèvements capillaires chez les nouveau-nés.

BIBLIOGRAPHIE

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[4] Carbajal R, Veerapen S, Couderc S. L’allaitement maternel peut-il être analgésique chez le nouveau-né lors des ponctions veineuses ?, in « La douleur de l’enfant, quelles réponses ? », Paris, Unesco, 2001, 36-41.
[5] Savagner C, Boithias C, Thiriat B, Delalle F, Castel C, Chabernaud JL. Traitements antalgiques du nouveau-né en maternité et en néonatalogie (reanimation et soins intensifs exclus) : propositions thérapeutiques pratiques. Mt pediatrie. 2002 ; 2 : 110-113.
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[24] Larsson BA, Lagercrantz H, Jylli L, Olsson GL. Does a local anaesthesic cream (EMLA) alleviate pain from heel-lancing in neonates ? Acta Anaesthesiol. Scand. 1995 ; 23 : 1028-31.
[25] Shah V, Taddio A, Ohlsson A. Randomised controlled trial of paracetamol for heel prick pain in neonates. Arch.Dis.Child.Fetal Neonatal. 1998 ; 79 : 209-11.

 

PROPOSITION D’UN PROTOCOLE SIROP DE SUCRE EN NÉONATALOGIE. Synthèse pratique.

(Ces propositions ne sont pas entièrement validées, en particulier pour la posologie. L’utilisation dans un service de néonatologie donné necessite la validation par l’équipe médicale locale.)

ACTION
Le sirop de sucre (saccharose) déposé sur la langue déclenche un réflexe gustatif qui stimule la sécrétion d’endomorphine : pendant les minutes qui suivent, on observe une diminution ou une disparition des signes de douleur du prélèvement chez le nouveau-né (et le petit nourrisson jusqu’à l’âge de 3 mois) : le bébé pleure moins ou pas du tout, la fréquence cardiaque varie peu. L’ utilisation est simple, cette méthode est rapide et agréable pour l’enfant. C’est également un moyen simple pour détourner l’attention du nouveau né. C’est un « complément » antalgique qui ne remplace pas les mesures habituelles : nursing, antalgiques, crème EMLA®…

INDICATIONS
Tout geste invasif chez un prématuré, un nouveau-né ou un nourrisson < 3 mois.
 

  • Glycémies au talon, prélèvements en micro-méthode.
  • Prélèvements sanguins, pose de voie veineuse ou artérielle (en complément de la crème EMLA).
  • Intra-musculaire ou sous cutanée. Vaccination (en complément de la crème EMLA).
  • Ponction lombaire (en complément de la crème EMLA, ± antalgiques généraux).
  • Pansement (± antalgiques généraux selon le type de pansements).
  • Autres soins douloureux, par exemple manipulation et fixation de pieds bots…
  • Actes diagnostiques (notamment échographie) en cas de difficultés à calmer l’enfant.
  • Autres soins selon avis médical…

 

CONTRE-INDICATIONS
 

  • suspicion d’entérocolite, atrésie de l’œsophage, fistule œso-trachéale : voir avec le médecin,
  • intolérance connue au fructose,
  • trouble de la déglutition noté précédemment,
  • prématurité avant 28 semaines, alimentation non commencée : voir avec le médecin,
  • Sinon le repos digestif n’est pas une contre-indication absolue : le sucre peut être utilisé même chez un bébé à jeun.

 

TYPE DE SOLUTION
De préférence, une solution de saccharose, plus efficace que le glucose, mais si on ne peut se procurer de solution de saccharose, le glucose à 30 % donne en pratique satisfaction. Le saccharose à 25 ou 30 % donne de bons résultats. Il ne paraît pas utile d’employer des concentrations plus élevées en l’absence, à ce jour, de bénéfice démontré.

POSOLOGIE
Selon le poids, on peut donner de 0,1 à 0,5 ml éventuellement renouvelé 1 à 2 fois (toutes les 5 à 10 minutes) avec une répétition, sur 24 heures, de 6 à 8 fois chez le nouveau-né à terme, de 4 fois chez le prématuré (conseils non encore validés).

MÉTHODE
 

  • Préparer un flacon par jour de saccharose à la concentration de 25 à 50 % . Marquer l’heure de reconstitution.
  • Conserver au réfrigérateur. Jeter après 24 h.
  • Installer l’enfant le plus confortablement possible.
  • Donner le sirop de sucre 2 minutes avant le geste (délai à respecter) à l’aide d’une seringue ou d’une tétine réservoir.
  • Continuer à stimuler la succion avec la sucette tout au long du geste.