La douleur chronique post-opératoire (DCPO) chez l’enfant ou l’adolescent reçoit une attention croissante. Les chirurgies les plus pourvoyeuses de douleur chronique chez l’enfant sont la chirurgie de scoliose et de pectus excavatus et la chirurgie thoracique principalement cardiaque. Les facteurs de risque ont été bien identifiés par plusieurs études : présence d’une douleur préopératoire, sévérité de la douleur post-opératoire immédiate, anxiété, catastrophisme… et justifient une prévention ou au moins la systématisation d’une surveillance[1].
Une nouvelle étude prospective explore la contribution des facteurs parentaux dans la persistance de la douleur chez des enfants ayant été opérés d’une scoliose idiopathique. Elle fait suite à des travaux antérieurs (étude observationnelle de juillet 2014 à décembre 2017) qui ont rapporté que les symptômes psychologiques et somatiques préopératoires des enfants pourraient prédire la présence de douleur un an après la chirurgie (Voepel-Lewis et al., 2018).
Soixante-seize dyades parents/enfants (âgés de 10 à 17 ans) ont répondu aux enquêtes de base et de suivi à long terme. Les parents ont répondu à des questionnaires pour mesurer leurs pensées telles que la peur ou l’inquiétude concernant la douleur de leur enfant (catastrophisme parental), déclarer leurs antécédents de douleur, évaluer dans quelle mesure ils préfèrent soulager la douleur de leur enfant ou éviter les effets indésirables liés aux analgésiques (échelle PR Pref).
Les enfants ont été répartis en 2 groupes selon les symptômes psychologiques et somatiques présentés en pré opératoire (un groupe à symptômes élevés et un groupe à symptômes faibles). Le retentissement de la douleur à long terme a été évalué à l’aide du formulaire court PROMIS (Pediatric Patient Reported Outcome Measurement System, score total de 0 à 40). Les enfants renseignaient 8 items sur l’interférence de la douleur, la fatigue, la dépression, l’anxiété. Les symptômes de douleur neuropathique ont été recherchés avec le score Pain DETECT. Les enfants ont répondu à un questionnaire sur le catastrophisme de la douleur (pensée de douleur anticipée, peur…) ainsi que sur l’utilisation d’analgésiques à long terme.
La majorité des parents participants étaient des femmes (79 %), tout comme leurs enfants (78 %). Au début de l’étude, 21 enfants (28 %) présentaient un profil de symptômes élevés et 55 (72 %) un profil de symptômes faibles. Les scores de retentissement de la douleur à long terme allaient de 0 à 30, avec une moyenne de 5,64 [95 % IC 4,1, 7,2]. Quarante-cinq enfants au total (41 %) ont déclaré avoir utilisé des analgésiques à un an.
Le catastrophisme des parents et les préférences en matière de soulagement de la douleur prédisaient 20 % de la variance de l’interférence de la douleur postopératoire à long terme de leurs enfants, tandis que le profil symptomatique de l’enfant contribuait pour 22,5 % à la variance.
Près des trois quarts des dyades parents-adolescents de cette étude présentaient des scores concordants de catastrophisme, ce qui suggère des croyances similaires ou peut-être interdépendantes en matière de douleur. On sait que le catastrophisme et la protection des parents à l’égard de la douleur de leurs enfants ont été associées à de plus mauvais résultats en matière de douleur postopératoire, y compris la persistance de la douleur et des dysfonctionnements liés à la douleur. Cette étude révèle que l’association entre les facteurs parentaux et la douleur postopératoire persistante était atténuée par le profil des symptômes psychologiques et somatiques de l’enfant en préopératoire. Autrement dit l’association entre les facteurs parentaux et la douleur postopératoire à long terme peut dépendre, au moins partiellement, du profil symptomatique de l’enfant.
Les auteurs soulignent l’importance d’une évaluation préopératoire du « profil symptomatique » de l’enfant afin de mettre en place précocement une prise en charge globale qui pourrait influencer les réponses des parents et améliorer les résultats en matière de douleur à long terme.
La même équipe animée par Terri Voepel-Lewis a publié récemment plusieurs articles sur ces résultats.
The relationship between parental factors, child symptom profile, and persistent postoperative pain interference and analgesic use in children. Siemer LC, Foxen-Craft E, Malviya S, Ramirez M, Li YG, James C, Voepel-Lewis T. Paediatr Anaesth. 2020 Dec;30(12):1340-1347.
Commentaire Pédiadol
On sait que la prévalence de la douleur chronique suivant une chirurgie 3 mois à 1 an plus tard atteint 11 à 53% selon les situations, et concerne principalement la chirurgie orthopédique lourde (rachis, pectus excavatum…) et la chirurgie thoracique ou cardiaque. Les facteurs de risque sont bien identifiés : présence d’une douleur préopératoire, sévérité de la douleur post-opératoire immédiate, anxiété, catastrophisme… et justifient une prévention ou au moins la systématisation d’une surveillance de l’évolution de la douleur post-opératoire les premières semaines, au cours du parcours de soin. Cette nouvelle étude met l’accent sur les symptômes présentés par ces adolescents en préopératoire (douleur, catastrophisme, fatigue, anxiété, dépression).
En préopératoire d’une chirurgie de scoliose, il est donc recommandé de détecter un risque élevé de persistance de la douleur, par une évaluation préopératoire de facteurs somatiques et psychologiques, afin si nécessaire de mettre précocement en place une prise en charge globale selon le modèle bio-psycho-social, comme il est proposé dans les centres de la douleur.
[1] Voir les nombreuses études précédentes dans les synthèses bibliographiques de 2019 et 2020.
De la douleur aiguë à la douleur chronique post-opératoire, in Les 28es Journées Pédiadol, la douleur de l’enfant, la biblio.
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MàJ Décembre 2021