Sylvie MATHY – Infirmière pédiatrique, CHIREC – site Hôpital Delta (Bruxelles)

En collaboration avec :

Jacqueline Orban – Cadre intermédiaire, Chef du pôle mères-enfants, CHIREC – site Hôpital Delta

Anne Quittelier – Infirmière pédiatrique, CHIREC – site Hôpital Delta

Pascale Berryer – Directrice communication CHIREC

Georgia Matos – Responsable de la communication digitale CHIREC

Mathieu Blanchart – Réalisateur, Alpesc Productions

Voici le lien de la VIDEO : « Ma première opération »

Présentation des lieux

L’Hôpital Delta est né de la fusion entre deux cliniques bruxelloises du groupe CHIREC, il a ouvert ses portes le 9 décembre 2017.

Le service de pédiatrie dans lequel je travaille comporte 25 lits. Courant de l’année 2018, 1694 enfants ont été hospitalisés pour une intervention chirurgicale, 46,9% avaient entre 3 et 12 ans. Ils ont été pris en charge par la pédiatrie et la clinique de jour.

Naissance du projet

Nous avons constaté de façon régulière que des enfants devant subir une intervention chirurgicale se présentaient en ayant reçu peu voire pas du tout d’informations au préalable. Ces derniers présentaient donc d’emblée un certain degré d’anxiété, qui ne faisait que croître entre l’arrivée des enfants et leur départ rapide pour la salle d’opération.

Ce qui nous a amené à vivre des départs au bloc opératoire compliqués, les retours l’étaient également.

Or, nous le savons tous :

Que la peur et la douleur sont liées. Que peur d’avoir mal, c’est déjà avoir mal. La douleur entraîne une anxiété qui peut retentir sur l’évolution de la douleur. En effet, la préexistence d’un état d’anxiété peut renforcer l’intensité de la douleur initiale et ensuite la voir perdurer.

Plusieurs études ont permis de démontrer qu’une anxiété préopératoire élevée entraîne de conséquences négatives sur le comportement de l’enfant lors du retour à domicile, des scores de douleur plus élevés, ainsi qu’une consommation d’antalgiques plus importante.

L’information

Aussi petit soit–il, l’enfant a besoin de comprendre ce qui lui arrive. Il est nécessaire de lui expliquer avec des mots adaptés à son âge.

Informer l’enfant va permettre d’entrer en communication avec lui, qu’il comprenne ce qu’il va subir. Il aura une certaine maîtrise de la situation et on pourra obtenir une plus grande collaboration de sa part. Il sera notre partenaire dans les soins.

Ses supports de prédilection vont être les poupées appareillées et à manipuler, les personnages playmobil, les déguisements, les images et les films, du matériel à manipuler…etc.

Le projet

Fortes de toutes ces expériences, l’envie a été de créer un lieu où les enfants, accompagnés de leurs parents, pourraient recevoir une information préopératoire de manière ludique.

Les objectifs poursuivis via cette façon de faire étaient :

  • De permettre le respect du rythme d’intégration de l’information par l’enfant
  • De laisser l’enfant passer du rôle passif à un rôle actif
  • D’apprivoiser un monde étranger pour l’enfant
  • Pour les soignants de montrer, à l’enfant, que ses craintes sont entendues et qu’on est là pour l’aider.
  • D’éviter que l’enfant cultive une crainte des soins futurs
  • D’éviter une phobie de l’hôpital ou des blouses blanches.

Ce projet ne s’est pas fait en un jour… la première rencontre a eu lieu en juillet 2018.

Lors de ces séances d’informations, nous permettons aux enfants de jouer « à faire comme si… » grâce à l’hôpital playmobil, la poupée Charlotte, du matériel médical divers (masque, blouse, monitoring…). A la fin de la séance une brochure est remise à l’enfant pour qu’il la personnalise et qu’il puisse continuer sa préparation à la maison.

Nous avons aussi voulu montrer à l’enfant les différentes étapes de son hospitalisation à l’aide d’un film.

Film que nous avons voulu vivant, attractif et ludique afin de capter toute son attention. L’idée d’un dialogue entre deux enfants s’est rapidement imposée. Théo et Zoé ont parfaitement joué ce rôle. Théo posant ses questions et exprimant ses craintes de petit et Zoé y répondant simplement en relatant son expérience de manière imagée. Ainsi l’enfant qui regarde le film peut voir apparaitre dans des bulles ce que Zoé raconte.

Initialement ce film a été réalisé pour être montré lors des séances d’informations. Nous savons aussi que l’apprentissage du jeune enfant passe par la répétition. C’est pourquoi le film est disponible sur YouTube, ainsi que sur le site internet du CHIREC. Certains médecins n’hésitent pas à le montrer en consultation.

Pratiquement toutes les séances d’informations sont planifiées, nous répondons également à chaque demande sur rendez-vous.

Plusieurs vecteurs de communication sont utilisés pour informer les parents et les médecins sur l’existence de cet accompagnement particulier. Récemment, nous venons de créer un passeport propre à notre spécialité qui sera remis par le chirurgien, lorsqu’il rencontre l’enfant et ses parents avant l’intervention. Nous y retrouverons, en plus des documents administratifs à remplir, les consignes à suivre avant l’hospitalisation, mais surtout toutes les informations les invitant à rencontrer une infirmière pédiatrique en préopératoire et à visionner le film.

Actuellement, nous évaluons l’impact de la rencontre préopératoire et la découverte du film sur le vécu de l’enfant et des parents par rapport à l’hospitalisation.

Ce projet n’est pas une action isolée au sein de notre institution, mais s’intègre dans une philosophie visant au bien-être de l’enfant devant subir une intervention et de ses parents.

Pour exemple, à l’arrivée au bloc opératoire, l’enfant a la possibilité de décorer son masque d’anesthésie. Certains chirurgiens et anesthésistes sont formés à l’hypno-analgésie, ce qui les aide au moment de l’induction.

Un projet en entraînant un autre, depuis le mois d’avril, nous mettons des voitures électriques à disposition de nos petits patients afin de les emmener au bloc détendus et souriants.

Conclusion

La persévérance est le maître mot de ce projet qui se fait une place petit à petit.

Nous recevons comme un cadeau chaque commentaire des parents nous informant avoir été rassuré par cette prise en charge et de voir leur enfant partir au bloc, le sourire aux lèvres. Ce qui est une grande motivation pour poursuivre dans ce sens.

« La vie est comme une maison ! Les grandes transformations se font avec les petits pas que l’on fait tous les jours. Pose une pierre chaque jour et n’abandonne jamais la construction de ta maison ».

 

Bibliographie

 

  • « La préparation de l’enfant à l’intervention chirurgicale », Bénédicte Minguet – Bulletin d’éducation du patient – décembre 1988
  • « Informer par le jeu à l’hôpital », Livret d’accompagnement du film de Bénédicte Minguet et Françoise Galland – 2005
  • « Plus on a peur, plus on a mal », Dr. Daniel Annequin – 14ième Journées Pédiadol – décembre 2007
  • Enquête « Des soins de santé adaptés aux enfants : point de vue et expérience d’enfants et de jeunes dans les Etats membres du Conseil de l’Europe » Dr Ursula Kilkelly – University College Cork , Irlande – 2011
  • « L’anxiété pré opératoire : manifestations cliniques, évaluation et prévention » Amouraux , C. Rousseau-Salvador, D.Annequin Hal – archives ouvertes – mars 2011
  • « Le jeu, un outil essentiel pour informer l’enfant et sa famille » Bénédicte Minguet – Cahiers de la puéricultrice – mars 2014
  • « Se former pour intégrer le jeu dans les soins » Bénédicte Minguet – Cahiers de la puéricultrice – mars 2014
  • « Conséquences péri-opératoires : de l’hospitalisation, la chirurgie et l’anesthésie : les Troubles Comportementaux Post opératoires » Karine Nouelle, Yves Meymat – Unité d’anesthésie pédiatrique, CHU de Bordeaux – 2014
  • « Douleur et anxiété post opératoire de l’enfant », Sophie Bringuier, Christophe Dacture, Xavier Capdevilla, Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital Lapeyronie, CHU de Montpellier