K.J.S. Anand, M.B.B.S., D. Phil for the NEOPAIN* Trial Investigators Group Arkansas Children’s Hospital, Little Rock, Arkansas, USA
* NEurologic Outcomes & Pre-emptive Analgesia In Neonates

Des recommandations récentes ont donné un aval à l’utilisation d’une analgésie par morphiniques chez les nouveau-nés prématurés en ventilation mécanique, et ce malgré le peu de données existantes sur les médicaments ou les posologies optimales, la sécurité ou l’efficacité de ces traitements, ou une évaluation scientifique de la nécessité d’une analgésie chez les nouveau-nés prématurés. Les raisons qui pourraient justifier une analgésie par morphiniques chez les nouveau-nés prématurés ventilés incluent : (a) une sensibilité accrue à la douleur due à une immaturité des mécanismes modulateurs de la douleur, (b) une hyperalgésie prolongée faisant suite à une lésion tissulaire, (c) des réponses physiologiques et comportementales aiguës à une stimulation douloureuse ; et (d) des considérations humaines et éthiques pour donner un confort à l’enfant.

Basé sur les effets comportementaux et biologiques de la douleur aiguë chez les nouveau-nés prématurés et la relation temporale entre les gestes douloureux pratiqués juste après la naissance et l’apparition précoce d’HIV ou de leucomalacie périventriculaire (LPV), nous avons développé une hypothèse physiologique liant la douleur aiguë répétitive avec les lésions neurologiques précoces chez les nouveau-nés prématurés ventilés. Une étude pilote avait suggéré que la perfusion de morphine pourrait diminuer l’incidence de lésion neurologique précoce chez les nouveau-nés prématurés ventilés alors que la perfusion de midazolam n’avait pas d’effet.

Cet exposé comporte la présentation des principaux résultats d’une étude multicentrique, randomisée et en double aveugle conçue comme un test pragmatique de l’hypothèse que l’analgésie morphinique préventive, comparée au placebo, réduirait l’incidence de lésions neurologiques précoces chez les nouveau-nés prématurés ventilés. L’évaluation du devenir neurologique a été effectuée à l’aide d’un résultat composite comportant la mortalité néonatale, une HIV sévère, ou une LPV.
Des nouveau-nés prématurés ventilés inclus dans 16 unités de réanimation néonatale ont reçu des perfusions de placebo (N = 449) ou de la morphine (N = 449) en double aveugle. Après une dose de charge (100 mcg/kg), des perfusions de morphine (23-26 semaines d’aménorrhée [SA] : 10 mcg/kg/h ; 27-29 SA : 20 mcg/kg/h; 30-32 SA : 30 mcg/kg/h), furent administrées pour une durée déterminée par l’état clinique de l’enfant, avec un maximum de 14 jours. De la morphine additionnelle (en ouvert) fut administrée à 240 (54,2 %) nouveau-nés dans le groupe placebo et à 203 (45,5 %) nouveau-nés dans le groupe morphine.

Une analgésie par morphine en ouvert fut donnée à un nombre inférieur d’enfants dans le groupe morphine (N = 203, 45,5 %) que dans le groupe placebo (N = 240, 54,2 % ; p = 0,01). Quatre types de comparaisons ont été réalisés. Tout d’abord et afin d’évaluer les effets de la perfusion continue de morphine chez les nouveau-nés prématurés ventilés, nous avons comparé le devenir neurologique (résultat composite signalé plus haut) de (A) tous les patients randomisés, analyse en intention de traiter, et (B) des nouveau-nés qui n’ont pas reçu de morphine en ouvert. Ensuite, pour évaluer les effets de bolus intermittents de morphine, nous avons comparé le devenir neurologique des nouveau-nés qui ont reçu vs. ceux qui n’ont pas reçu de morphine en ouvert (C) à l’intérieur du groupe placebo, et (D) et à l’intérieur du groupe morphine.

Les incidences du résultat composite principal (25,9 % vs. 27,4 %), de la mortalité néonatale (10,5 % vs. 12,9 %), de l’HIV sévère (10,5 % vs. 13,1 %), ou de la LPV (9,3 % vs. 7,4 %) étaient comparables entre les groupes placebo et morphine respectivement. Lorsqu’on compare seulement les nouveau-nés qui n’ont pas reçu de la morphine en ouvert, on observe que le groupe morphine a présenté une incidence plus élevée du résultat composite principal (23,7 % vs. 15 %, p = 0,03) et d’HIV sévère (8,7 % vs. 3,2 %, p = 0,02) que le groupe placebo, avec une augmentation du résultat composite principal (20,4 % vs. 8,8 %, p = 0,025) chez les nouveau-nés de 27-29 SA et une élévation de l’HIV sévère (16,2 % vs. 4,3 %, p = 0,05) chez les nouveau-nés de 23-26 SA.

La perfusion préventive de morphine n’a pas réduit l’incidence d’HIV sévère, de la LPV, ou de mortalité chez les nouveau-nés prématurés ventilés (23-32 SA). Des doses intermittentes de morphine en ouvert ont été associées à une élévation de l’incidence de ces effets indésirables. Les doses de morphine utilisées dans cette étude ont entraîné une diminution clinique des signes de douleur, mais ont engendré des effets secondaires cliniquement significatifs chez des nouveau-nés prématurés ventilés.

CENTRES ET PARTICIPANTS DE L’ÉTUDE INTERNATIONALE NEOPAIN
Arkansas Children’s Hospital, Little Rock AR (K.J.S. Anand, Joanna Seibert, Mary Beth Moore, Hank Farrar, Jimmie Valentine, T.J. Green, Lynda Letzig); Maryland Medical Research Institute, Baltimore MD (Bruce A. Barton, Shari S. Kronsberg, Sharon Fick); University of Arkansas for Medical Sciences, Little Rock AR (R. Whit Hall, Robert Arrington, Rebecca Smith); University of Kentucky, Lexington KY (Nirmala Desai, Vicki L. Whitehead, Jackie L. Sampers, Paul E. DeFranco, Lori A. Shook, Thomas H. Pauly); Tufts University & New England Floating Hospital (Barbara A. Shephard, Brenda Mackinnon, John Fiascone); Karolinska Institute & Astrid Lindgren’s Children’s Hospital, Stockholm, Sweden (Hugo Lagerkrantz, Lena L. Bergqvist, Agneta Green, Josef Milerad); Wake Medical Center, Raleigh NC (Thomas E. Young, Kimberly Carr, Melissa R. Johnston, Kathleen McDaniel), Mercy Hospital and Medical Center, Chicago IL (Rohitkumar Vasa, Jagjit S. Teji, Deborah Jahn), Simpson Memorial Maternity Pavilion, Edinburgh, Scotland (Neil McIntosh, Gopi Menon, Elaine M. Boyle); Centre Hospitalier Poissy Saint Germain, Site Poissy, France (Ricardo Carbajal, Richard Lenclen, Myriam Jugie); University of Pennsylvania & Pennsylvania Hospital, Philadelphia PA (Vinod K. Bhutani, Jeffrey R. Gerdes, Soraya Abbasi, Mary K.S. Grous, Ann Scwhoebel); Medical Center of Delaware (Deborah J. Tuttle, Kathleen H. Leef, John L. Stefano); University of Illinois at Chicago, Chicago IL (Rama Bhat, Tonse N. K. Raju, Gopal Chari); Albert Einstein Medical Center, Philadelphia PA (Vineet K. Bhandari, Hallam Hurt, Joan Giannetta); Örebro University Hospital, Örebro, Sweden (Jens Schollin, Mats Eriksson); Brigham & Women’s Hospital, Boston MA (Eric C. Eichenwald, Katie Housefield); and Long Beach Memorial Hospital, Long Beach CA (Guadalupe Padilla, Karol Norris).

REMERCIEMENTS
This study was supported by the National Institute for Child Health and Human Development (HD36484 to K.J.S. Anand, HD36270 to B.A. Barton), from the Chief Scientist’s Office of the Scottish Executive (to N. McIntosh), from the Swedish Research Council, Vardal Foundation and Free Masons, Sweden (to H. Lagercrantz and L.L. Bergqvist), from the Fondation pour la Santé CNP, France (to R. Carbajal and R Lenclen), and from the Örebro University Hospital Research Foundation, Sweden (to J. Schollin and M. Eriksson). We gratefully acknowledge the contributions of all the physicians, nurses, pharmacists, ultrasonographers, occupational and physical therapists at the participating institutions, and the parents who gave consent for this study.

En France, le service de pédiatrie et de médecine néonatale de l’Hôpital de Poissy Saint Germain en Laye, Site Poissy, a participé à cette étude multicentrique ; la participation de ce service s’est faite avec l’aide du Laboratoire de Biologie du Site Poissy ainsi que de la Pharmacie du Site Saint Germain. La participation de ce centre français a été rendue possible grâce à un financement accordé par la Fondation pour la Santé CNP.