La crise vaso-occlusive drépanocytaire : pourquoi ça fait toujours aussi mal ? 
in Les 31èmes Journées Pédiadol
Corinne GUITTON,
Pédiatre, Praticien hospitalier, Service de pédiatrie générale.
Centre de référence des syndromes drépanocytaires majeurs, CHU Bicêtre

La drépanocytose est une hémoglobinopathie autosomique récessive liée à la présence d’une hémoglobine anormale, l’HbS (α2β2s) qui polymérise en situation désoxygénée, et induit la falciformation des globules rouges devenant fragiles et rigides. C’est la maladie génétique la plus fréquente dépistée à la naissance en France avec un nouveau-né atteint pour 1 066 naissances (1/1 159 en métropole et 1/447 en Outre-Mer) soit 588 nouveaux cas en 2022 (dont 355 en Ile de France).
La manifestation clinique principale dans l’enfance est la survenue d’épisodes de douleur aiguë, imprévisibles, récurrents, parfois hyperalgiques appelés crises vasoocclusives (CVO). Elles peuvent survenir dès l’âge de 6 mois mais leur fréquence maximale se situe à l’adolescence avec 1/3 de patients présentant 1 à 5 crises par an et 15-20 % 6 à 10 crises par an. Bien que la majorité des crises soient gérées au domicile, les CVO sont la première cause de consultations aux urgences et d’hospitalisations.
La physiopathologie de la douleur au cours des CVO est complexe, multifactorielle et partiellement élucidée, impliquant des mécanismes nociceptifs, inflammatoires et neuropathiques. Les globules rouges falciformés mais aussi les neutrophiles, les monocytes, les plaquettes et les cellules endothéliales vasculaires ont des propriétés adhésives anormales altérant la rhéologie sanguine et favorisant l’occlusion des petits vaisseaux de la microcirculation. Ce processus occlusif conduit à des phénomènes d’ischémie/reperfusion, associés à une inflammation locale qui active la libération de médiateurs, générant une douleur par excès de nociception. Secondairement, une hyperalgésie périphérique et une sensibilisation centrale, aggravées par un phénomène d’hyperalgésie aux opioïdes, peuvent s’installer, se manifestant cliniquement par un abaissement des seuils nociceptifs ou une allodynie, pérennisant la douleur, altérant la réponse au traitement, et faisant ainsi le lit de la douleur chronique.
Ainsi, on distingue désormais trois types de douleur drépanocytaire : aiguë, chronique et exacerbation aiguë dans un contexte douloureux chronique. On estime que cette douleur chronique se développe chez 30 à 40 % des personnes atteintes de drépanocytose, avec une incidence et une gravité croissantes avec l’âge.
L’échelle PPST (Pediatric Pain Screening Tool) permet d’identifier les facteurs de risque biopsychosociaux de la douleur chronique, donne des indices de sa sévérité, établit son pronostic pour sélectionner ainsi les patients les plus à risque, nécessitant une prise en charge intensive en soins multidisciplinaires.

La complexité de la physiopathologie de la douleur drépanocytaire, explique en partie la difficulté persistante de la prise en charge antalgique de ces patients, malgré de nombreuses publications et recommandations nationales et internationales. Et en raison de la grande variabilité des réponses individuelles aux antalgiques, chaque patient devrait pouvoir bénéficier idéalement d’un protocole antalgique personnalisé incluant des approches non pharmacologiques (massage, application de chaleur, TENS, distraction, musicothérapie, hypnose, réalité virtuelle…) sans oublier un accompagnement psychologique.
La prévention de la survenue des CVO est un axe d’action important et doit faire discuter une intensification thérapeutique dès que nécessaire (Hydroxy-urée, programme transfusionnel, greffe de moelle osseuse) chez les jeunes malades atteints d’une drépanocytose symptomatique, pour leur qualité de vie immédiate mais aussi future, à l’âge adulte.

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