In Douleurs chroniques et récurrentes, La Biblio, 29èmes Journées Pédiadol.

La douleur chronique, définie comme une douleur persistant pendant plus de 3 mois est fréquente chez les enfants et adolescents. 5 à 8% des enfants présenteraient une douleur induisant un handicap modéré à sévère. Cette douleur a des conséquences négatives sur le fonctionnement émotionnel, physique, social et sur les membres de la famille qui rapportent une charge émotionnelle et économique importante.

Les prises en charges pharmacologiques, psychologiques et physiques sont souvent proposées mais les preuves de l’efficacité de ces thérapeutiques sont rares.

Cette revue systématique des publications, faite par l’OMS en préalable de recommandations, a analysé les effets positifs ou négatifs des prises en charge pharmacologiques, physiques et psychologiques de la douleur chronique de l’enfant. Les études incluant des patients de 0 à 19 ans, présentant des douleurs persistant plus de 3 mois (douleurs primaires ou secondaires), comportent les essais contrôlés randomisés, les essais de supériorité, les publications avec peer-review (relecture par les pairs), avec plus de 10 patients par groupe. Les critères d’évaluation suivaient les recommandations de PedIMMPACT. Une recherche a été faite sur Pubmed, Cochrane, Medline, Embase PsycIndo jusqu’à 2020, incluant tous les médicaments antalgiques, les soins physiques (activité sportive, kinésithérapie, renforcement musculaire, conditionnement à l’effort, sport adapté mais massages ou manipulations simples exclues) et les psychothérapies (TCC, thérapies comportementales, hypnose, thérapies d’acceptation et d’engagement). Les risques de biais étaient analysés pour chaque type d’article en fonction du protocole. Les niveaux de preuve étaient analysés en fonction de la robustesse des protocoles et des risques de biais de chaque étude suivant l’approche GRADE.

Ont été inclus : 34 essais pharmacologiques (29 ERC, 5 essais non randomisés) (la plupart nord-américains ou européens, la moitié avec un bras contrôle sans traitement pharmacologique, 4 financés par des laboratoires) ; 24 essais de thérapie physique et 63 essais de psychothérapies. Aucun article concernant des enfants avec des cancers, en situation palliative ou en situation de déficience intellectuelle n’a été retrouvé. La plupart des études avait un risque de biais élevé. Malgré le nombre important d’essais, peu de méta analyses ont pu être réalisées du fait de la faible homogénéité des critères de jugement.

D’une manière générale les résultats de ces essais sont modestes ou absents !

Sur le plan de la douleur, les traitements pharmacologiques diminuent l’intensité de la douleur (principalement la prégabaline, la plus étudiée ?) ; les AINS et les antidépresseurs n’ont pas prouvé d’efficacité. Les thérapies physiques entrainent une diminution légère de la douleur en fin de traitement (pas d’effet publié à long terme). Les psychothérapies ont un effet faible à court et long terme.

Sur le plan de la qualité de vie, aucun traitement n’a montré d’effet dans les études publiées, ou insuffisance de données.

Sur le plan du handicap fonctionnel, il n’y a pas de données fiables pour les médicaments, un effet positif à court terme pour les traitements physiques et les psychothérapies.

Sur le plan du « fonctionnement émotionnel » : pas d’amélioration mise en évidence.

Sur le plan du sommeil, effet modéré des psychothérapies

Comment interpréter ces résultats décevants ?! Globalement peu d’étude de bonne qualité et nombreux biais !

Les conclusions sont en faveur de l’usage des 3 thérapies :

  • Pharmacologiques, mais seule la prégabaline bénéficie d’études positives ; à noter chez l’adulte les antidépresseurs ont prouvé une efficacité (voir la méta-analyse récente de G. Ferreira dans le BMJ 2023 380: e072415)
  • Physiques, car un effet modéré est retrouvé
  • Psychologiques, car effet modéré et rémanent sur l’intensité de la douleur, sur le handicap fonctionnel et le sommeil retrouvé A noter, une grande variété de thérapies (TCC, hypnose, relaxation, thérapie comportementale, thérapie par résolution de problème, thérapie par l’acceptation), mais pas d’études sur les thérapies systémiques ou d’inspiration psychanalytique. Un grand nombre d’études américaines propose des thérapies à distance avec visio, ou délivrées via internet, voix enregistrées.

Emma Fisher et al., « Efficacy and Safety of Pharmacological, Physical, and Psychological Interventions for the Management of Chronic Pain in Children: A WHO Systematic Review and Meta-Analysis », Pain 163, no 1 (1 janvier 2022): e1‑19, https://doi.org/10.1097/j.pain.0000000000002297.

Commentaire Pédiadol 

Voilà une gigantesque analyse des études publiées aux résultats décevants ! Les essais cliniques d’une seule thérapie montrent que c’est insuffisant, il faut associer les 3. L’expérience nous dit tous les jours que l’association des 3 P est la clé du succès : traitement multimodal indispensable ! De nombreuses publications de suivi de cohorte, en particulier les cohortes de l’équipe allemande de Zernikow, montrent le succès de ces traitements.  Même si les antalgiques sont de peu d’intérêt, la remise en activité et les thérapies psychocorporelles sont efficaces. Bien des études encore à faire !

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