Quelques études cette année chez l’enfant atteint d’un handicap d’origine péri ou anténatale, de type « paralysie cérébrale » (PC) (appelée aussi IMC ou IMOC) (handicap moteur d’étendue variable plus ou moins handicap cognitif jusqu’au polyhandicap sévère).

Sédation analgésie en réanimation, pour une utilisation moindre des benzodiazépines

Il existe dans la littérature une association forte entre l’exposition aux benzodiazépines et la survenue de morbidité en particulier de delirium chez les enfants gravement malades. Or l’usage de perfusions continues de benzodiazépines est un des piliers de la sédation de première intention en réanimation pédiatrique, et il est souvent craint que sans benzodiazépines, certains enfants soient « difficiles à sédater » (petits enfants, patients ayant un retard de développement psycho-moteur, patients ayant des pathologies préexistantes graves, patients avec anomalies chromosomiques).

Les bénéfices actuellement perçus de la perfusion continue de midazolam seraient :

– moindre altération physiologique chez les patients gravement malades

– courte durée d’action sans accumulation de métabolites actifs

– flexibilité des voies d’administration (IV, IR, entérale, intranasale)

– compatible avec une nutrition entérale chez les enfants gravement malades.

Mais il n’y a pas de données actuelles sur des protocoles épargnant les benzodiazépines.

L’objectif principal de cette étude monocentrique rétrospective de cohorte était de décrire le taux de sédation efficace avec un protocole épargnant les perfusions continues de benzodiazépine, utilisant des opioïdes et si nécessaire de la dexmedetomidine, et de rapporter l’association possible entre ce protocole d’analgo-sédation épargnant les benzodiazépines et la survenue des évènements suivants : mortalité, extubation accidentelle, durée de ventilation mécanique, durée de séjour en réanimation, durée de séjour à l’hôpital, usage de la méthadone en traitement de sevrage aux opioïdes.

L’objectif secondaire était de décrire la cohorte d’enfants qui ont nécessité une déviation de ce protocole d’épargne en benzodiazépine, et donc la mise en place d’une perfusion continue de benzodiazépine > 24h.

Tout patient admis en réanimation pédiatrique entre le 1/03/2018 et le 31/03/2019 ayant besoin de ventilation mécanique a été inclus. Ont été exclus les patients qui pourraient nécessiter des benzodiazépines pour d’autres raisons.

Le protocole de sédation-analgésie d’épargne en benzodiazépine comportait :

– pour les patients dont la ventilation mécanique était attendue pour une durée < 48h : perfusion continue de dexmedetomidine avec interdoses de morphine

– pour les patients dont la ventilation mécanique était attendue pour une durée > 48h : perfusion continue d’opioïdes (morphine, fentanyl ou hydromorphone) et si sédation mesurée par la SBS non optimale ajout d’une perfusion continue de dexmedetomidine.

Les patients pouvaient recevoir des bolus ponctuels de benzodiazépine (midazolam ou lorazepam).

La sortie du protocole de sédation-analgésie d’épargne en benzodiazépine était décidée si sédation insatisfaisante (cf. scores SBS) malgré opioïdes + dexmedétomidine, avec passage à une perfusion continue de benzodiazépine, voire agent dissociatif = kétamine, ou barbiturique = phénobarbital.

La sédation, le sevrage et le delirium étaient surveillés. Tous les patients avaient une fenêtre thérapeutique de sédation quotidienne, sauf contre-indication. Tous les patients avaient des évaluations quotidiennes de la sédation par score SBS et du sevrage par la WAT.

Résultats :

69% de la cohorte était bien sédatée (score SBS dans les rangs souhaités) avec le protocole d’épargne en benzodiazépine, 31% ont dévié du protocole et ont reçu une perfusion de benzodiazépine pendant > 24h (avec souvent nécessité d’ajout d’autres sédatifs). Pas de difficultés de sédation plus importante parmi les populations d’âge jeune ou ayant un retard de développement psychomoteur, les prématurés, les enfants avec anomalie chromosomique ou une maladie de base grave.

Résultats de la prise en charge en réanimation :

– seulement 5% de recours à la méthadone versus 25% dans le groupe benzodiazépine soit un OR à 0.16 avec 95% 0.08-0.032 et p< 0.001

– durée moyenne de ventilation mécanique inférieure : 1.81 jours versus 3.39 jours, p = 0.018

– durée moyenne de séjour en réanimation inférieure : 3.15 jours versus 4.7 jours, p = 0.011

– durée moyenne de de séjour à l’hôpital inférieure : 8.28 jours versus 11.58 jours, p = 0.04

– pas de différence dans les extubations accidentelles

– pas de différence dans le taux de mortalité.

Ce protocole d’épargne en benzodiazépine a été un succès chez 70% des patients de cette cohorte monocentrique prospective, ce qui pourrait laisser penser que l’utilisation de benzodiazépines pourrait être drastiquement diminuée chez ces enfants, et même chez ceux dont on craint qu’ils soient « difficiles à sédater ». Cela est particulièrement intéressant dans le cadre de la prévention du delirium puisque les populations les plus à risque décrits dans la littérature sont les enfants de moins de 5 ans et ceux ayant un retard de développement psychomoteur.

Les auteurs suggèrent justement un lien possible entre ces enfants dits « difficiles à sédater » et une prévalence de delirium plus élevée en lien avec une surexposition aux benzodiazépines. Malheureusement dans cette étude, le délirium n’a pas été évalué. Plusieurs limites de l’étude sont décrites par les auteurs (étude monocentrique rétrospective, benzodiazépine prescrite pour une forme de delirium hyperactif non diagnostiqué, possibilité de bolus de benzodiazépine…)

Les auteurs concluent qu’il est au minimum possible de dire que ce protocole de sédation-analgésie d’épargne en benzodiazépine est probablement bénéfique pour les patients, avec une sécurité d’usage (pas plus de mortalité ni d’extubation accidentelle).

« Difficult to Sedate »: Successful Implementation of a Benzodiazepine-Sparing Analgosedation-Protocol in Mechanically Ventilated Children. Shildt N, Traube C, Dealmeida M, Dave I, Gillespie S, Moore W, Long LD, Kamat PP. Children (Basel). 2021 Apr 28;8(5):348.

Commentaire Pédiadol
Cette étude très technique nous donne un aperçu des pratiques de sédation en réanimation chez l’enfant intubé, avec la possibilité de se passer de benzodiazépine.

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MàJ décembre 2021