Avertissement
Ce document de travail est destiné uniquement à une diffusion restreinte aux professionnels de santé directement concernés par l’utilisation de la kétamine.
Le protocole est une proposition qui doit être revue, discutée et validée au sein de chaque équipe (ne pas hésiter à contacter Pr Annequin via la messagerie Pédiadol).


Interview vidéo du Pr Annequin

La kétamine est un produit ancien utilisé initialement en anesthésie générale (à des doses 4 fois supérieures à celles préconisées dans ce protocole).
Plusieurs effets (les détails sont fournis en annexe) sont associés :

  • un effet dissociatif qui permet de déconnecter au niveau cérébral les sensations des émotions « je perçois la sensation sans avoir mal » ; l’enfant souvent garde les yeux ouverts, il est dans un pseudo-rêve ; il ne réagit plus aux stimulations sensorielles notamment nociceptives (effet antalgique) ;
  • avec des doses plus importantes, la kétamine peut donner des hallucinations (effet psycho dysleptique proche de celui du LSD). Il faut donc pendant une heure ne pas stimuler les enfants pour éviter ces hallucinations ;
  • contrairement aux autres produits de la sédation, la kétamine possède un profil particulièrement original : les réflexes de protection laryngée sont maintenus voire amplifiés (ce qui limite fortement le risque d’inhalation du contenu gastrique en
    cas de vomissement), la respiration spontanée, le système cardiovasculaire ne sont pas déprimés.

Quel médecin senior peut utiliser la kétamine ?

Tout médecin formé qui a lui-même assisté à au moins une dizaine de gestes sous kétamine.
Ce médecin doit :

  • connaître la pharmacologie du produit ;
  • savoir identifier les contre-indications ;
  • savoir reconnaître et traiter les très rares effets indésirables sérieux :
    laryngospasme, apnée, « airway » obstructif, tirage laryngé, balancement thoracoabdominal, etc. ;
  • savoir pratiquer les manœuvres respiratoires élémentaires : luxation du maxillaire inférieur, ventilation au masque, etc.

Quelles indications ?

Actes douloureux de courte durée (PL, myélogramme, pansement de cathéter, pansement de brûlure, etc.)
chez des enfants phobiques pour qui le MEOPA, les techniques de distraction, l’hypnose, les prémédications associant morphinique et benzodiazépine ont été inefficaces.

Quelles contre-indications ?

  • Absolues (les risques sont toujours supérieurs aux bénéfices)
    • enfant de moins de 6 mois,
    • enfant psychotique (suspicion ou diagnostic avéré),
    • acte impliquant une stimulation du pharynx postérieur (risque de
      laryngospasme).
  • Relatives (les risques peuvent être supérieurs aux bénéfices)
    • « airway » instable ou potentiellement obstructif (macroglossie, chirurgie
      trachéale, sténose trachéale),
    • infection des voies aériennes supérieures,
    • maladie cardiovasculaire (insuffisance cardiaque, HTA, etc.),
    • traumatisme crânien avec perte de connaissance,
    • hypertension intracrânienne,
    • comitialité.

Comment procéder ?

  • Une évaluation médicale préalable de l’enfant est nécessaire : les médicaments associés, les antécédents médicaux, vérification de la perméabilité des voies aériennes supérieures (ronflements nocturnes, etc.).
  • Un jeûne de 3 heures est souhaitable pour les actes programmés.
  • Un monitoring avec oxymètre est suffisant.
  • La PL est de préférence réalisée en position latérale car une hypotonie axiale est observée chez certains enfants.
  • On évite les stimulations sensorielles, les techniques de distraction durant les gestes (risque d’hallucination) quand l’enfant est « dissocié ».
  • Le médecin senior responsable observe, surveille l’enfant, il ne participe pas à l’acte. Il décide des réinjections.
  • Le bolus initial est de 0,5 mg/kg ; on arrondit au poids supérieur par tranche de 5 kg (cf. tableau). Cette posologie peut être augmentée de 50 % ou doublée si l’enfant lors des actes précédents a dû recevoir des doses > 0,5 mg/kg.
  • Le bolus de kétamine est directement injecté au niveau du raccord le plus proche du cathéter central (la « souris »)  ; il est suivi immédiatement d’un rinçage de physio pour que le produit atteigne sans délai le lit vasculaire.
Poids de l’enfant (kg)
Posologie (mg)
Volume (mL)
Seringue de 10 mL
contenant 50 mg (5 mL) de
kétamine et 5 mL de physio
Soit 5 mg/mL
10
5
1
15
7,5
1,5
15-20
10
2
20-25
12,5
2,5
25-30
15
3
30-35
17,5
3,5
35-40
20
4
  • Le délai d’action est de 2 minutes : l’enfant a un regard qui plafonne, les yeux restent ouverts avec souvent un nystagmus associé.
  • Avant l’injection, il faut éviter les stimulations intempestives :
    • ne pas poser le masque si l’enfant en est phobique ;
    • ne pas le déshabiller si l’enfant panique…
  • La durée d’action du premier bolus est très courte, de l’ordre de 5 à 7 minutes.
  • Toute l’équipe est réunie, le matériel est disponible, les gants sont enfilés…
  • Exemple : injection faite à 10 h ; ponction à 10 h 02 ; fin de l’acte avant 10 h 08.

Quand et combien réinjecter ?

  • Chez certains enfants (38 % de l’étude « Trousseau »), la première dose est insuffisante ; on se basera sur les signes suivants :
    • l’enfant réagit (réactions de retrait) quand on prend les repères pour la PL, en palpant l’espace intervertébral ;
    • l’enfant réagit lors de l’infiltration de lidocaïne pour le myélogramme ;

      On réinjectera 50 % de la dose initiale.

  • Lorsque l’acte se prolonge : on réinjectera 50 % de la dose initiale.

Que faire en cas (rare) d’hypersalivation ?

Si l’enfant se met à tousser, on le positionne en décubitus latéral pour faciliter le drainage déclive, on n’aspire pas le fond de la bouche.

Quelle surveillance après le geste ?

  • Pendant au minimum 1 heure, l’enfant sera surveillé (oxymètre, observation clinique) par un parent (qui aura été informé sur les effets de la kétamine) ; mettre les barrières au niveau du lit ; le risque étant que l’enfant s’agite, panique
    (hallucinations) et tombe…
  • De rares enfants présentent un réveil anxieux lié aux distorsions sensorielles (hallucinations, diplopie, impression de cécité, etc.) de la kétamine. Toutes ces manifestations sont courtes (moins de 20 min) et répondent bien aux réassurances « c’est normal que tu voies trouble que tu te sentes bizarre ; cela va bientôt s’arrêter… »).
  • Dans la grande majorité des cas l’enfant se réveille dans les 5 minutes après la fin du geste voire même avant la fin du geste.
  • L’enfant peut se lever et boire dès qu’il peut facilement se tenir assis et qu’il répond simplement aux ordres simples.

Le MEOPA ?

  • Il sera évité d’emblée chez les enfants phobiques du masque.
  • Il peut être associé pour prolonger l’effet de la kétamine.

Quand recourir à l’unité douleur ?

Quand un enfant pose des problèmes en matière de contre-indication.

Références

Annequin, D. Utilisation de la kétamine pour les soins douloureux en pédiatrie, 2014. http://bit.ly/ketaDA

Protocole Kétamine du Groupe douleur de la Société Française des Cancer de l’Enfant, 2017.  https://docplayer.fr/212588976-Administration-de-la-ketamine-iv-en-premedication-de-gestes-douloureux.html

Pour évaluer l’emploi de la kétamine dans votre service systématiquement

Il est proposé de remplir systématiquement lors de chaque administration un formulaire en ligne http://bit.ly/1hnBCUn ; une quinzaine de questions permettent (outre la traçabilité) d’évaluer l’efficacité et la faisabilité de ce protocole (accessible à tous les services qui souhaitent participer ; résultats suivis par le Pr Annequin).