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Encore trop de gestes douloureux en réanimation néonatale
Attention au nombre de tentatives !
Les nouveau-nés hospitalisés en réanimation néonatale subissent de nombreux gestes douloureux dans leurs premiers jours
de vie. Le nombre important de tentatives pour mener à bien ces gestes génère encore plus de douleur, ce qui est très délétère
pour cette population vulnérable.
L’étude EPIPPAIN (CNRD)1 a permis de recenser le nombre de gestes réalisés dans les réanimations néonatales en Île-de-France.
Avec la même méthodologie, une équipe canadienne2 et une martiniquaise3 ont réalisé le même travail.
En Île-de-France, 42 413 gestes douloureux ont été identifiés chez les 430 nouveau-nés inclus dans l’étude, au Canada 30 433
gestes chez les 582 nouveau-nés inclus et en Martinique 4 961 chez les 21 nouveau-nés inclus. Le nombre de tentatives effectuées
pour trois de ces gestes est indiqué dans le tableau suivant :

Étude Soin Nombre de tentatives pour
terminer le geste (%)
Maximum de
tentatives
1 2 3 ≥ 4
E Aspiration trachéale E E E E E
IDF n = 9 883 75,3 21,2 2,8 0,8 10
Canada n = 2 812 62,6 25,2 9,1 3,1 9
Martinique n = 324 36,1 42,3 16 5,2 6
E Pose de voie veineuse périphérique E E E E E
IDF n = 576 45,9 22,5 13,1 18,5 14
Canada n = 453 66,6 17,7 8 7,7 9
Martinique n = 24 58,3 25 12,5 4,2 4
E Intubation trachéale E E E E E
IDF n = 101 72,3 17,8 7,9 2 15
Canada n = 119 75,6 12,6 6,7 5 5
Martinique n = 11 78,6 7,1 14,3 0 3


Jusqu’à 10, voire 14 ou 15 tentatives !
Et le plus souvent
sans analgésie efficace.


La moitié environ
des poses de voie veineuse périphérique
requiert au moins 2 tentatives 
!

Afin de limiter au mieux la douleur provoquée par les gestes, les recommandations émises par les experts de néonatologie préconisent
de réfléchir à la nécessité des gestes (notion d’urgence, possibilité ou non de différer le soin), d’associer des moyens
médicamenteux et non pharmacologiques, d’organiser les soins, de savoir arrêter ou différer un geste et enfin de penser
"passer la main" à un collègue4.

1 Carbajal R et al. JAMA 2008 – 2 Campbell-Yeo CC et al. ; EPIPPAIN Canada Team, poster ISPP Mexique, 2010

3 Pignol J. Mémoire de DESC de Néonatologie, Fort-de-France, 2010 –
4 Batton DG et al. Pediatrics 2006

Qu’est-ce que…

… la spectroscopie proche infrarouge
?
La NIRS (Near-Infrared Spectroscopy) est une méthode non invasive expérimentale
mesurant l’oxygénation du sang et des tissus. Elle mesure
les modifications régionales de la concentration de chromophores naturels
comme l’oxyhémoglobine (HbO2) et la dé-oxyhémoglobine (HHb).
L’absorption de la lumière proche infrarouge dépend du taux tissulaire
de ces deux états de l’hémoglobine. Une source et un détecteur sont placés
à la surface de la tête, la variation d’intensité entre la lumière émise
et celle absorbée permet de mesurer un changement dans l’oxygénation
tissulaire.
Cette approche hémodynamique repose sur l’hypothèse
qu’une augmentation de l’oxygénation tissulaire (HbO2) traduit une
élévation du débit sanguin cérébral local, et donc de l’activité corticale
sous-jacente au niveau cérébral1.
Plusieurs études2,3 ont mis en évidence grâce à la NIRS des réponses corticales à une stimulation nociceptive
(ponction au talon) chez le nouveau-né, y compris grand prématuré dès 25 semaines d’aménorrhée. Les auteurs
de ces études concluent que cet enregistrement témoigne d’une réaction consciente à un stimulus douloureux et
non pas d’un simple phénomène réflexe.

1 Owen-Reece H et al. Br J Anaesth 1999 – 2 Bartocci M et al. Pain 2006 –
3 Slater R et al. J Neurosci 2006
Et si la perception
de la douleur
n’était pas que corticale ?
Les régions corticales sont généralement admises comme
étant le site de l’intégration et de la conscience de la douleur.
Le Pr Anand a exposé en conférence plénière (lors du dernier
congrès mondial de la douleur de l’enfant en 2010) le rôle clé
des régions sous-corticales centrencéphaliques dans l’intégration
de la douleur et donc probablement d’une conscience de
la douleur, qui ne devrait plus être considérée comme siégeant
exclusivement dans les zones corticales.
Or ces régions se développent de manière précoce chez le fœtus.
Les limites de l’analgésie fœtale pour les interruptions
médicales de grossesse sont habituellement fixées à la
22e semaine, basées sur celles de la viabilité. Cette réflexion
sur une perception consciente plus précoce de la douleur chez
le foetus de quelques semaines pourrait faire discuter la nécessité
d’une analgésie fœtale pour les interruptions de grossesse
réalisées avant 22 semaines.
À lire ou relire
Livret très complet permettant de découvrir
l’accueil et l’évolution d’un enfant prématuré
dans un service de néonatologie.
Par la voix du bébé, le guide explique
en détail le fonctionnement d’un service de néonatalogie, présente le bébé né prématuré, ses difficultés et ses compétences, décrit le matériel
qui l’entoure et les principaux soins qui lui sont prodigués. Il aide et encourage les parents à prendre soin de leur bébé en fonction de son évolution.
Grâce aux nombreuses photographies, les parents visualisent l’environnement du service de néonatalogie, les équipements, les
installations, les traitements.
Évaluer la douleur du nouveau-né
pour mieux la prévenir, mieux la traiter
Parmi les échelles d’évaluation de la douleur du nouveau-né validées, le choix s’effectue selon le service d’hospitalisation de
l’enfant et le type de douleur que l’on recherche (douleur aiguë, chronique…). En maternité, en néonatalogie ou encore en pédiatrie
on utilisera l’échelle EDIN (5/15)*. Pour évaluer la douleur lors d’un soin, on préfèrera l’échelle DAN (3/10)*. Si le
nouveau-né est intubé ventilé, l’évaluation est possible avec l’échelle COMFORT-B (23/30)*. Selon les habitudes de service, la
FLACC (3/10)* peut être utilisée en postopératoire et EVENDOL aux urgences (5/15)*.
*Seuils de prescription
EDIN : Échelle douleur et inconfort du nouveau-né ; DAN : Douleur aiguë du nouveau-né ; COMFORT-B : Comfort Behavior ; FLACC : Face Legs Activity Cry Consolability ; EVENDOL : Évaluation
enfant douleur
Conséquences à long terme de la douleur
en période néonatale
La douleur en période néonatale survient sur un cerveau en développement et peut modifier le développement normal des circuits
somatosensoriels et des voies de la douleur1. Plusieurs facteurs contribuent à l’importance et au type des effets à long terme
de la douleur : le stade de développement de l’enfant au moment de l’épisode douloureux (l’âge gestationnel et l’âge postnatal),
la sévérité de la pathologie sous-jacente, la durée et la sévérité de l’agression douloureuse, les facteurs environnementaux
(bruits, lumière…) au moment et après l’épisode douloureux2.
La répétition des gestes douloureux mais aussi un seul geste douloureux peuvent entraîner des conséquences à long terme, et
ceci aussi bien chez le nouveau-né prématuré que chez l’enfant à terme. Quelques études réalisées sur des cohortes d’enfants
hospitalisés en soins intensifs en période néonatale ont montré qu’il pouvait y avoir des modifications de la sensibilité à la douleur
et du comportement ultérieur :
il existe une hypersensibilité à la douleur dans les zones ayant subi des gestes douloureux répétés et ce pendant au moins
un an. Cette hypersensibilité aux stimuli nociceptifs s’accompagne d’une hyposensibilité à un stimulus sensoriel normal
(tact par exemple)3 ;
des parents d’enfants nés prématurément rapportent une sensibilité diminuée aux chutes et "bobos" à l’âge de 18 mois
mais une somatisation élevée à l’âge de 4 ans. Ces enfants auraient une réaction plus exagérée à la douleur que des enfants
non hospitalisés en période néonatale, sur un mode "catastrophiste" pour certains. Les mères de ces enfants leur manifesteraient
aussi plus de sollicitude, ce qui pourrait promouvoir chez eux un comportement inadapté face à la douleur4.
1 Walker SM et al. Pain 2009 – 2 Carbajal R et al. Expert Rev Neurother 2008 – 3 Fitzgerald M & Walker SM. Nat Clin Pract Neurol 2009 – 4 Hohmeister J et al. Eur J Pain 2009.
Agenda
Prochaines journées "La douleur de l’enfant. Quelles réponses ?"

8-9 décembre 2011
Paris

Appel à communications

Vous avez effectué des travaux sur la douleur de l’enfant,
vous avez réalisé un projet original
et vous souhaitez en communiquer les résultats ?
Envoyez-nous un résumé d’une dizaine de lignes expliquant la démarche, la méthodologie
et les résultats du projet
à [email protected]
pour le 1er mars 2011 au plus tard.


SFETD
Société française d’étude et de traitement de la douleur
Douleurs de l’enfant :
du nouveau-né à l’adolescent

Paris Espace St-Martin
25 mars 2011

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