Pascale
THIBAULT

Cadre supérieur de santé, puéricultrice
(CNRD, Paris)

Bénédicte LOMBART
Cadre de santé (Unité fonctionnelle d’analgésie
pédiatrique, Hôpital d’enfants Armand Trousseau, Paris)

Définition


Utilisation d’une méthode de distraction dans un but analgésique
lors d’un soin douloureux, en agissant sur la composante émotionnelle
et cognitive de la douleur.

Objectifs



  • Permettre à l’enfant de faire face à l’évènement
    de façon positive en fonction de ses propres ressources et de l’aide
    que l’on peut lui proposer. Lui permettre de devenir acteur dans le
    soin.
  • Contribuer
    à la diminution de la douleur provoquée par les soins, en agissant
    sur l’anxiété, le stress, la peur de la douleur. Développer
    les mécanismes inhibiteurs de la perception douloureuse propre à
    chaque individu.

Aspects juridiques


Cet
acte entre dans les compétences de l’infirmière et de l’infirmière
puéricultrice annoncées à l’article R4311-2, point
5 : « participer à la prévention, à l’évaluation
et au soulagement de la douleur et de la détresse physique… »
Section 1 du code de la santé publique relative aux actes professionnels
de la profession d’infirmier.
L’utilisation de méthodes de distraction par l’infirmière
ou l’infirmière puéricultrice fait partie du rôle propre
infirmier.
Toutes ces méthodes peuvent être réalisées à
son initiative (article R4311-3 de la section 1 : actes professionnels du
code de la santé : « identifie les besoins de la personne…
met en œuvre les actions appropriées et les évalue »).
Elle peut également les faire réaliser par l’auxiliaire de
puériculture ou l’aide-soignante sous sa responsabilité.

Indications


Tous
les actes générant de l’anxiété chez l’enfant,
qu’ils soient douloureux ou non, à condition que l’acte ne
soit pas trop long : injections, vaccinations, prélèvements
sanguins, pose de perfusion, de sonde gastrique, de sonde vésicale, ponction
lombaire, myélogramme, points de suture, plâtre, mais aussi des actes
non douloureux comme une échographie ou un scanner qui peuvent être
générateurs d’anxiété, voire d’inconfort
compte tenu de l’environnement.

Contre-indications


Il n’existe aucune contre-indication à l’utilisation des méthodes
de distraction. Leur utilisation doit être adaptée à la situation,
aux besoins et aux envies de l’enfant, à ses capacités du
moment, à l’évaluation de leur efficacité.

Conditions à respecter


Il
est important de chercher à connaître les goûts de l’enfant,
ce qui l’intéresse et pourra le distraire, en fonction de son potentiel,
de son développement psychomoteur, de son état au moment du soin.
Lui permettre dans la mesure du possible de s’installer comme il le souhaite
(assis, plutôt que systématiquement couché).
S’enquérir au préalable du souhait de l’enfant vis-à-vis
de l’information sur le déroulement du soin.
De nombreuses possibilités existent : la musique et le chant, faire un
voyage imaginaire, souffler des bulles de savon, raconter un conte, lire un
livre, regarder la télévision, jouer à un jeu vidéo,
regarder dans un kaléidoscope, raconter des blagues, raconter une épreuve
sportive, l’utilisation du rire, etc. Cette liste n’est pas exhaustive
et la créativité des enfants, des parents et des soignants est
infinie.
La distraction réalisée à l’aide du récit
d’une histoire est d’autant plus efficace si l’on rend l’enfant
acteur dans celle-ci, il devient le « héros » de l’histoire.
À cette occasion l’infirmière peut proposer à l’enfant
de réaliser en même temps une action motrice en imaginaire, ce
qui participe également à la diminution de la perception de la
douleur.

Préparation du matériel


En
fonction de la méthode de distraction choisie, un matériel peut
être nécessaire : livre, instrument de musique, matériel
pour faire des bulles de savons, marionnettes à doigts, etc.
Il est important que ce matériel soit disponible dans le service pour répondre
aux besoins des enfants. Toutefois, il peut aussi s’agir d’objets
personnels de l’enfant.
Mais certaines techniques comme « le voyage », le chant ou le rire ne
requièrent pas de matériel, simplement le savoir-faire de l’accompagnant.

Déroulement
de l’acte


L’utilisation d’une méthode de distraction doit être
débutée avant le déroulement du soin afin que l’enfant
ait eu le temps d’être absorbé par la distraction. Il est souhaitable
qu’elle soit dispensée par une tierce personne qui est totalement
disponible pour occuper l’enfant et contrôler constamment qu’il
ne présente pas de signes de douleur et d’anxiété.
Cette personne peut être un autre professionnel (auxiliaire de puériculture,
éducatrice de jeunes enfants, ou un parent). Il est essentiel dans ce cas
de bien expliquer au parent le rôle qu’il va jouer auprès de
son enfant.

Critères
d’efficacité et de sécurité


La distraction n’empêche pas la douleur, elle agit sur la composante
émotionnelle, il est donc indispensable d’utiliser des moyens antalgiques
agissant sur la composante sensorielle de la douleur.
Il est nécessaire que la technique employée le soit en accord avec
l’enfant, et que l’accompagnant soit à l’aise avec la
méthode.
L’absence de signes douloureux doit être contrôlée à
l’aide d’un outil d’évaluation adapté aux capacités
d’évaluation de l’enfant.

Éléments de surveillance


Noter
l’absence de signes de douleur et d’anxiété au cours
du soin.
Noter la (ou les) méthodes de distraction utilisée et son efficacité
(ou son inefficacité) dans le dossier de soins de l’enfant.

Aspects
psychologiques


Compte
tenu des études réalisées aujourd’hui, il est mis en
évidence que l’être humain possède une mémoire
de la douleur. Des actes douloureux répétés peuvent entraîner
une baisse du seuil de tolérance à la douleur, une augmentation
de la détresse et une aggravation des réactions phobiques vis-à-vis
des situations douloureuses. Il est donc essentiel de faire en sorte que l’enfant
n’éprouve pas de douleur lors des soins.

Conseils
du professionnel


Le plus souvent le professionnel utilise une méthode qu’il maîtrise.
Il est nécessaire qu’il développe ses possibilités
d’utilisation de plusieurs méthodes afin de répondre au mieux
aux envies et aux besoins de tous les enfants. La croyance selon laquelle une
formation n’est pas nécessaire est erronée, car l’utilisation
d’une méthode de distraction dans le cadre de la prévention
de la douleur et de l’anxiété est un soin relationnel. Si
la spontanéité est de mise il reste néanmoins utile de renforcer
des stratégies de distraction à l’aide de formation spécifique
(musique, lecture de conte, etc.).
En aucun cas l’utilisation d’une méthode de distraction ne
peut dispenser de l’utilisation d’un moyen antalgique médicamenteux.
Les études montrent qu’il existe une synergie d’action lors
de l’association de la distraction à d’autres moyens d’analgésie
(crème anesthésiante, etc.).
L’utilisation d’une méthode d’analgésie ne doit
pas faire négliger : le regroupement des prélèvements,
la question de leur intérêt (éviter des prélèvements
répétés), l’utilisation d’autres méthodes
de mesure chaque fois que cela est possible.