Kain ZN, Caldwell-Andrews AA, Maranets I, Nelson W, Mayes LC.
Predicting which child-parent pair will benefit from parental presence during induction of anesthesia : a decision-making approach
Anesth Analg 2006 ; 102 ; 81-4

Traduction et synthèse d’Odile PERRIN (CNRD)

À partir des données issues de plusieurs études prospectives randomisées réalisées par Centre d’études pédiatriques de l’université de Yale dans les 7 années précédentes, un groupe de parents et d’enfants a pu être sélectionné pour une analyse de cohorte appariée multiple. Ont été identifiés 568 enfants et parents pour cette analyse. Les auteurs ont examiné si la présence parentale lors de l’induction de l’anesthésie réduit l’anxiété de l’enfant, en fonction de l’interaction entre l’anxiété initiale de l’enfant et des parents. Ces deux éléments ont été évalués avant l’opération, puis l’anxiété des enfants a été mesurée à nouveau au moment de l’induction de l’anesthésie. Les auteurs ont découvert parmi les enfants anxieux ceux qui bénéficiaient de la présence d’un parent calme lors de l’induction étaient beaucoup moins anxieux lors de l’induction par comparaison avec ceux qui n’avaient pas la présence parentale (p = 0,03). En revanche, les enfants calmes qui bénéficiaient de la présence d’un parent trop anxieux étaient beaucoup plus anxieux que les enfants calmes non accompagnés d’un parent (p = 0,002). Il a été constaté l’absence d’effet de la présence des parents sur l’anxiété des enfants lors de l’induction de l’anesthésie lorsque c’étaient des parents calmes qui accompagnaient des enfants calmes dans la salle d’opération (p = 0,15) ou lorsque des parents trop anxieux accompagnaient des enfants anxieux (p = 0,49). Les auteurs concluent que la présence d’un parent calme est positive sur un enfant anxieux lors de l’induction de l’anesthésie et que la présence d’un parent trop anxieux n’apporte aucun avantage.

Méthodes
Le groupe de recherche a conduit, pendant les 8 dernières années, plusieurs études prospectives randomisées faisant intervenir la présence des parents lors de l’induction de l’anesthésie. Des données de toutes ces études ont été regroupées dans une base de données centrale de plus de 1 500 patients. Les sujets étaient des parents, et des enfants de 2 à 12 ans de classification de risque anesthésique ASA-I-II subissant une chirurgie non urgente en ambulatoire, sous anesthésie générale.
Les candidats pour la présente étude ont été identifiés dans la base ci-dessus. La sélection (matching) désigne une méthode qui apparie les sujets dans des groupes « de comparaison » (absence des parents) à des sujets inclus aux groupes « index » (présence des parents). Le processus de sélection recherche des variables de confusion potentielle telles que le tempérament de base des enfants. Le groupe index incluait des enfants auxquels la présence des parents était attribuée, et le groupe de comparaison, ceux qui ne bénéficieraient pas de la présence des parents. Les deux groupes ont été appariés en fonction de l’âge, du sexe et du tempérament de base, mesurés par le niveau d’émotivité et d’activité. Aucun enfant des deux groupes n’a reçu de sédatif en préopératoire.
Les outils utilisés pour mesurer l’anxiété ont été : l’échelle d’anxiété STAI, l’échelle EASI de tempérament de l’enfant et l’échelle mYPAS (échelle modifiée de Yale) développée par le laboratoire des auteurs.

Protocole utilisé
Les affectations des enfants aux groupes présence ou non-présence des parents ont été faites dans la salle d’attente préopératoire. L’état anxieux de l’enfant (mYPAS) et l’état anxieux et le trait d’anxiété du parent (STAI) ont été évalués. Les parents ont rempli l’échelle EASI.
Dans la salle d’opération, l’état anxieux de l’enfant (mYPAS) a été évalué au moment de la pose du masque d’anesthésie. Puis un capteur SpO2 a été placé sur la main de l’enfant et un masque d’anesthésie parfumé a été posé. Une nouvelle évaluation de l’anxiété de l’enfant a été faite et l’induction anesthésique a été réalisée avec du sévoflurane O2/N2O.
La classification des enfants avec une anxiété  » élevée » ou « faible » a été faite en fonction des scores mYPAS de 1 000 patients. Les enfants ayant un score inférieur à 30 ont été définis comme « calmes », au-delà de 40, ils ont été considérés comme « anxieux ». De la même façon, l’anxiété des parents a été classifiée à l’aide de l’échelle STAI : « trop anxieux » (50 % supérieurs) ou « calmes » (50  % inférieurs). Ils ont ensuite défini 4 groupes de combinaisons enfant-parent : parent calme-enfant calme, parent anxieux-enfant calme, parent calme-enfant anxieux, parent anxieux-enfant anxieux.
Une analyse de variance univariée a été utilisée pour examiner les différences de groupe concernant les scores mYPAS lors de l’induction de l’anesthésie. Des tests t de Student on permis de comparer les scores de chaque groupe.

Résultats
Les enfants anxieux qui bénéficiaient de la présence d’un parent calme étaient beaucoup moins anxieux lors de l’induction de l’anesthésie que ceux qui n’avaient pas la présence d’un parent (p = 0,003). En revanche, les enfants calmes qui bénéficiaient de la présence d’un parent trop anxieux étaient beaucoup plus anxieux que les enfants calmes non accompagnés d’un parent (p = 0,002). Aucun effet de la présence des parents sur l’anxiété des enfants n’a été noté dans la combinaison parent calme-enfant calme en salle d’opération (p = 0,15), ni dans la combinaison parent anxieux-enfant anxieux (p = 0,49).
L’analyse de la stratification par groupes d’âge (de 2 à 6 ans et de 7 à 12 ans) a montré des résultats identiques à l’analyse de l’ensemble du groupe.

Discussion et conclusion
Les quatre scénarios examinés sont ceux auxquels l’anesthésiste est confrontée quotidiennement. Laisser un parent trop anxieux accéder à la salle d’opération ne semble pas apporter d’avantage à un enfant anxieux et augmente l’anxiété d’un enfant calme. En revanche, laisser un parent calme accéder à la salle d’opération apporte un bénéfice à un enfant anxieux et ne modifie pas le niveau d’anxiété d’un enfant qui était calme dans la salle d’attente.
Cette étude vient confirmer des travaux antérieurs (Bevan et al., Messeri et al.). Parmi ses limitations, les auteurs notent qu’elle ne répond pas à la question de l’évaluation de l’anxiété dans un cadre préoporatoire « agité ». Le jugement du praticien est essentiel dans ce cas et bien qu’il soit difficile de demander aux parents anxieux de ne pas assister, cela doit être fait, avec proposition de prémédication sédative.
Les auteurs concluent en signalant que l’anesthésiste devrait prendre en compte à la fois l’anxiété des enfants et des parents dans la salle d’attente pour juger de la présence de ceux-ci lors de l’induction. L’étude suggère que les parents trop anxieux ne devraient pas être présents lors de l’induction de l’anesthésie. De plus, la présence d’un parent calme est effectivement bénéfique à un enfant anxieux lors de l’induction.
Cependant, il faut noter que dans cette étude, l’évaluation de l’anxiété des parents a été réalisée à l’aide d’une échelle d’anxiété qui a séparé, à partir de la moitié des valeurs de l’échelle, les parents anxieux et calmes. Cela n’est pas facilement réalisable en pratique.
Il faut également noter qu’elle est issue de données sélectionnées dans une base et non pas de données collectées exclusivement pour le but de l’étude.