Visualiser le protocole d'administration du MEOPA

Le protoxyde d’azote fait partie des médicaments les plus anciens et les plus utilisés chez l’homme depuis plus de deux siècles. Pourtant, malgré les dizaines de millions de patients qui en ont bénéficié, son utilisation suscite régulièrement des questionnements…

1/ Quel est le risque à utiliser du MEOPA pour une professionnelle qui est enceinte ?
2/ Quelle est la réglementation sur l’exposition ?
3/ Peut-on parler de pollution avec le MEOPA ?
4/ Qui peut administrer le MEOPA ?
5/ Le MEOPA, à partir de quel âge ?
6/ L’oxymètre de pouls est-il nécessaire ?
7/ Le choix du débit dépend-il du poids de l’enfant ?
8/ L’enfant doit-il être à jeun ?
9/ Quel est le rôle infirmier (ou du soignant) ?
10/ L’utilisation du MEOPA peut-elle être considérée comme une anesthésie générale « sauvage » ?

Concernant les risques de toxicité pour les soignants, les patients et la planète, la conférence donnée lors du congrès Pédiadol de 2018 répond en détail à toutes vos interrogations. A écouter ici.

1/ Quel est le risque à utiliser du MEOPA pour une professionnelle qui est enceinte ?

Les données actuelles de la littérature ne peuvent aucunement conclure à l’existence d’un risque spécifique1. Mais des rumeurs apparaissent régulièrement dans certains services : le MEOPA serait responsable de fausses couches, de baisse de la fécondité, de malformations… les professionnelles enceintes ne devraient pas administrer du MEOPA… Il faut savoir que dans certains hôpitaux, les médecins du travail alimentent ces craintes, (par exemple dans une région une conférence de la CARSAT -Caisse d’Assurance Retraite et de Santé Au Travail- a largement mis en garde), après voir mis en évidence des taux d’exposition élevés (>25ppm) dans les chambres après inhalation de MEOPA par un enfant pour un soin ; leur argumentaire reposait sur ces mesures ponctuelles (quelques minutes pendant et après le soin, les taux sont très élevés mais il redescendent rapidement dans une pièce ventilée) alors que la règle est que ces taux d’exposition doivent être pondérés sur 8 heures, comme le font tous les autres pays. Le taux d’exposition des soignants reste alors dans la zone sans risque.

Aucun effet tératogène, aucun effet mutagène, carcinogène n’a pu être mis en évidence chez l’homme. L’étude de 720 000 naissances à partir du registre suédois a montré que la fréquence des malformations fœtales congénitales n’est pas plus élevée chez les femmes qui ont reçu du protoxyde d’azote à l’occasion d’une anesthésie générale pendant le premier trimestre de leur grossesse2,3 ; notons que les concentrations inhalées par ces jeunes femmes étaient 50 000 fois supérieures à celles inhalées par une infirmière se tenant à proximité d’un patient inhalant le MEOPA.
Le risque concernant la baisse de la fertilité a été évoqué en 1992 à la suite d’une étude suggérant une modeste diminution de la fertilité chez les assistantes dentaires californiennes exposées à plus de 5 heures par semaine au protoxyde d’azote dans un même lieu non ventilé ; la fiabilité de cette étude a été largement discutée en raison de la méthodologie utilisée. Depuis aucune étude n’a mis en évidence une quelconque baisse de fertilité.   

2/ Quelle est la réglementation sur l’exposition ?

Une mise au point plus complète sur les taux d’exposition au protoxyde d’azote est disponible sur PEDIADOL :
La réglementation française fixe la Valeur Moyenne d’Exposition (VME) à 25 parties par million (ppm) de protoxyde d’azote sur 8 heures d’exposition dans les lieux d’administration du gaz. Le seuil réglementaire de VME varie de 25 à 100 ppm selon les pays. Ce seuil de valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) au protoxyde d’azote est en France, le plus bas au monde : il est de 25 ppm (sans préciser la durée d’exposition), en référence à la circulaire DGS/3A/667 bis du 10 octobre 1985 qui propose de fixer à 25 ppm la valeur limite d’exposition durant la phase d’entretien de l’anesthésie. En Belgique il est de 50 ppm sur une période de 8 heures, de 100 ppm sur 8 heures en Suède et en  Suisse. Dans les blocs opératoires sécurisés, les niveaux sont de l’ordre de 12 ppm en moyenne pendant 8 heures.

En pratique, une infirmière participant à un geste d’environ 10 min une fois par semaine est soumise à une exposition 25 à 50 fois moindre que la VLEP.

En cas d’utilisation répétée dans une même pièce, la salle servant à l’administration du mélange gazeux doit être bien ventilée. Dans le cas contraire, on utilisera un tuyau (branché sur la sortie expiratoire) évacuant les gaz à l’extérieur de la pièce.
En cas d’administration ponctuelle au lit de l’enfant, ces précautions ne sont pas nécessaires.

3/ Peut-on parler de pollution avec le MEOPA ?

Le protoxyde d’azote (N2O), comme le CO2 et le méthane, est un gaz participant à l’effet de serre. La production de N2O est essentiellement liée aux forêts, à l’agriculture, aux engrais, aux déjections animales et à la production industrielle. L’usage médical représente moins de 2 % de l’ensemble de la production de N2O4,5.

4/ Qui peut administrer le MEOPA ?

Actuellement, toute utilisation du mélange gazeux se pratique sur prescription médicale.
La prescription peut être anticipée dans le cadre d’une politique de service : le protocole peut clairement expliciter que tout enfant devant subir tel soin devra bénéficier de MEOPA.
La très grande sécurité de ce produit rend possible son utilisation par un personnel paramédical en dehors de la présence d’un médecin moyennant :

  • une délégation précise donnée à une personne compétente formée à l’utilisation du mélange ;
  • la vérification préalable que l’enfant peut bénéficier de l’inhalation (contre-indications, médicaments associés, etc.).

Le texte de l’AMM précise : « L’administration doit être faite dans des locaux adaptés, par un personnel médical ou paramédical spécifiquement formé et dont les connaissances sont périodiquement réévaluées… »

5/ Le MEOPA, à partir de quel âge ?

L’utilisation est possible chez l’enfant à partir de l’âge d’un mois selon les RCP. Dès l’âge de 4 ans, l’auto administration est conseillée (âge permettant une coopération active). Chez l’enfant plus jeune, l’administration devra être faite par un soignant familier de la méthode d’autant que le taux de succès chez les enfants de moins de 3 ans est plus faible car la concentration alvéolaire minimum efficace est supérieure à celle des enfants plus grands, et le refus du masque sur le visage est assez fréquent, rendant la méthode parfois impossible.

6/ L’oxymètre de pouls est-il nécessaire ?

Le MEOPA contenant 50 % d’oxygène, il est inutile de surveiller la saturation sauf dans les conditions suivantes :

  • Enfant prémédiqué ou recevant un morphinique et/ou un psychotrope (benzodiazépine, etc.).
  • Enfant présentant une pathologie respiratoire sévère.
  • Enfant présentant un trouble de conscience.

7/ Le choix du débit dépend-il du poids de l’enfant ?

Non.

Le débit est déterminé par la ventilation spontanée du patient. L’enfant respire dans le masque à son rythme, le ballon sur le circuit sert de témoin, il ne doit jamais être ni collabé ni trop gonflé. Le débit doit être adapté à la respiration de l’enfant au cours du soin, en général entre 4 et 10L /minutes.
Quel que soit le débit administré, la concentration de protoxyde d’azote reste bien sûr fixe (50 %).

8/ L’enfant doit-il être à jeun ?

Non.
Néanmoins, si l’enfant reçoit des médicaments émétisants, si la durée du soin est particulièrement longue ou si l’enfant a déjà vomi lors d’administrations précédentes de MEOPA, il est préférable de planifier le soin à distance d’un repas.

9/ Quel est le rôle infirmier (ou du soignant) ?

L’infirmière ou le soignant informe, explique, présente la méthode, décrit le matériel puis, sur prescription médicale, favorise l’auto-administration (ou, si nécessaire, applique elle-même le masque) et surveille l’enfant.  Il est indispensable de vérifier que la bouteille n’est pas vide avant le soin ! Le masque est appliqué sans fuite, pendant 3 min au minimum avant le soin et pendant toute la durée du soin. Pendant l’administration il est judicieux de converser tranquillement avec l’enfant, en racontant une histoire, en faisant des blagues ou utilisant un script hypnotique. Une fois l’acte terminé, l’infirmière interroge enfant et parents sur leur ressenti, évalue la douleur, et vérifie le matériel pour la prochaine administration (sauf si le matériel est à usage unique).

10/ L’utilisation du MEOPA peut-elle être considérée comme une anesthésie générale « sauvage » ?

Les précisions du texte de l’AMM sont parfaitement explicites. L’administration du médicament se fait par un personnel médical ou paramédical spécifiquement formé. L’administration de MEOPA ne rentre pas dans le cadre de l’anesthésie générale car il ne possède pas à lui seul la puissance suffisante pour pratiquer une intervention chirurgicale. Les contraintes de l’anesthésie générale ne sont donc pas applicables : consultation d’anesthésie, jeûne, monitoring, salle de réveil ne sont pas nécessaires. L’enfant reste conscient, le plus souvent comme dans un rêve.

Références

1. Rosen M. Nitrous oxide for relief of labour pain: a systematic review. Am J Obstet Gynecol 2002 ; 186 (5) :S110-S12.
2. Mazze RI, Kallen B. Appendectomy during pregnancy : a Swedish registry study of 778 cases. Obstet Gynecol 1991 ; 77 (6) : 835-40.
3. Mazze RI, Kallen B. Reproductive outcome after anesthesia and operation during pregnancy : a registry study of 5405 cases. Am J Obstet Gynecol 1989 ; 161 (5) : 1178-85.
4. Dale O, Dale T. [Anesthetic gases, the ozone layer and the greenhouse effect. How harmful are the anesthetic emissions for the global environment?]. Tidsskr Nor Laegeforen 1991 ; 111 (17) : 2115-7.
5. Radke J, Fabian P. [The ozone layer and its modification by N2O and inhalation anesthetics]. Anaesthesist 1991 ; 40 (8) : 429-33.

Mises au point disponibles

Annequin D. Protoxyde d’azote et traitement de la douleur. Presse Med Form (2021), 10.1016/j. lpmfor.2021.09.005

Annequin D. Nitrous oxide (N2O) angel or devil? Paediatr Anaesth 2020;30(4):388–9

Boulland P, Favier JC, VilleAvieille T, et al. Mélange équimolaire oxygène – protoxyde d’azote (MEOPA) Rappels théoriques et modalités pratiques d’utilisation. Premixed 50% nitrous oxide and oxygen: theoretical recalls and practical modalities. Ann Fr Anesth Reanim 2005 ; 24 (10) : 1305-12.

MAJ mars 2022