in Douleurs des soins chez le nouveau-né, La Biblio, Les 29èmes journées Pédiadol.

Les enfants extrêmes prématurés reçoivent fréquemment des opioïdes et/ou des benzodiazépines mais les conséquences de l’utilisation de ces molécules sur le neuro-développement sont encore peu évaluées. Voici 2 études récentes.

La 1ère étude évaluait l’association entre l’usage de ces molécules en période néonatale et le neuro-développement à 2 ans d’âge corrigé dans une cohorte d’enfants anciens très grands prématurés (entre 24 SA et 27 SA+6 jours dans 19 sites aux Etats-Unis).

Design de l’étude : analyse secondaire de la cohorte PENUT trial, étude sur l’effet neuro-protecteur de l’érythropoïétine. Les données étaient collectées entre Décembre 2013 et Septembre 2016. Les analyses pour cette étude ont été menées entre Mars et Décembre 2020.

L’exposition était définie par la durée cumulée sous ces traitements : une exposition courte était définie par une durée totale d’exposition ≤ 7 jours, et une exposition longue par une durée cumulée > 7 jours. Les molécules étudiées étaient : les opioïdes (fentanyl et morphine) et les benzodiazépines (midazolam et lorazepam), seuls ou en association.

Le neuro-développement était évalué à 2 ans d’âge corrigé par le score de Bayley III : score moteur, cognitif et langage.

Résultats : 936 nouveau-nés grands prématurés étaient inclus dont 692 (74%) avaient des données sur le neuro-développement. 158 (17%) étaient non exposés, 297 (32%) recevaient des opioïdes ou des benzodiazépines et 481 (51%) recevaient les deux.

Par rapport aux enfants ne recevant aucune de ces molécules, les enfants exposés aux 2 types de molécules avaient de façon significative plus d’entérocolite ulcéronécrosante (odds ratio ajusté (aOR) [intervalle de confiance à 95%] : 9.7 [2.9-32]) et plus de bronchodysplasie pulmonaire (aOR : 1.7 [1.1-2.7]). Leur différence de durée moyenne de séjour était aussi significativement importante : 34.2 [26.2-42.2] jours de plus d’hospitalisation en moyenne.

L’utilisation de benzodiazépines seules était peu fréquente (20 enfants soit 2%). Les enfants exposés aux 2 classes de molécules avaient une tendance à être nés plus tôt que les non exposés ou ceux exposés à une seule des deux classes et à avoir plus de comorbidités (entérocolite, bronchodysplasie, rétinopathie).

Après ajustement au groupe de traitement du protocole PENUT (érythropoïétine ou non), du site de prise en charge et des facteurs de confusion potentiels à l’aide de 2 scores de propension, les résultats montrent que :

–           Les enfants exposés aux opioïdes et aux benzodiazépines avaient un score de Bayley plus bas que les enfants non exposés ou exposés à une seule des 2 molécules.

–           Les enfants avec une exposition courte (≤ 7 jours) aux opioïdes et/ou aux benzodiazépines avaient un neuro-développement comparable aux enfants non exposés.

–           En revanche, les enfants exposés plus de 7 jours cumulés à quelque molécule que ce soit (morphine, fentanyl, midazolam, lorazepam), seule ou en association, avaient de façon significative un score de Bayley global plus bas que les enfants non exposés, avec une baisse plus importante au niveau du score moteur.

Cette étude a plusieurs limites : les doses ne sont pas connues ; pas de différence analysée entre les administrations ponctuelles (bolus) ou continues ; gestes douloureux et douleur prolongée et/ou provoquée pas non plus analysés ; des facteurs de confusion potentiels n’ont peut-être pas été pris en compte et ces résultats ne doivent pas faire conclure à une association causale.

 

La 2ème étude récente évaluait l’association entre une exposition à la morphine en période néonatale et le neuro-développement à 2 et 5 ans. Il s’agissait d’une étude rétrospective monocentrique portant sur 106 enfants nés à moins de 28 SA (âge gestationnel moyen 26 SA±1).

L’administration de morphine était exprimée en quantité cumulée en mg/kg entre la première exposition et l’âge théorique du terme. Le neuro-développement était évalué à 2 ans par le score de Bayley-III (scores cognitif, moteur et de langage) et à 5 ans par le score de WPPSI-III (QI global, QI verbal, QI de performance et vitesse de traitement). Le statut socio-économique de chaque enfant était déterminé par le niveau d’étude maternel. Le niveau de stress et de sédation était mesuré par l’échelle Comfort-neo.

Résultats : sur 106 enfants étaient inclus, 64 (60.4%) recevaient de la morphine.

Un niveau d’éducation maternel plus élevé était associé à un score cognitif plus élevé à 2 et 5 ans.

A 2 ans, la régression linéaire multiple montrait qu’il n’y avait pas de différence du score de Bayley entre les enfants exposés et les enfants non exposés, après ajustement aux facteurs de confusion.

A 5 ans, avant ajustement, le QI global et par catégorie était normal et comparable entre les exposés et les non exposés ; après ajustement au nombre de gestes douloureux et aux comorbidités néonatales, les enfants exposés à la morphine avaient un QI global, bien que dans la norme, significativement plus bas que les non exposés (B= -9.3, IC 95% : -15.6 à -3.1 ; p=0.008) et un QI de performance également plus bas (B= -17.5, IC 95% : -27.9 à -7 ; p=0.005).

Cette étude rétrospective a des limites mais met en exergue la nécessité d’une administration individualisée de morphine chez les enfants grands prématurés. Un développement normal à 2 ans n’est pas la garantie d’un développement normal à 5 ans ou après, notamment en raison de la poursuite de la maturation cérébrale et du développement des acquisitions. Le suivi à long terme et la poursuite de la recherche est primordial.

. Luzzati M et al. Morphine exposure and neurodevelopmental outcome in infants born extremely preterm.

Dev Med Child Neurol. 2023 Jan 17. doi: 10.1111/dmcn.15510

. Puia-Dimitrescu M et al. Assessment of 2-Year Neurodevelopmental Outcomes in Extremely Preterm Infants Receiving Opioids and Benzodiazepines. JAMA Network Open 2021; 4(7):e2115998

Commentaire Pédiadol 

Ces études s’inscrivent dans les recherches qui s’accumulent sur le devenir à long terme des prématurés ayant été traités en réanimation néonatale avec ventilation mécanique et sédation. Ici le développement à 2 ou 5 ans est moins bon chez les enfants qui ont été les plus malades et/ou ont reçu plus d’une semaine de sédation.

Pour des raisons éthiques et déontologiques évidentes, le stress et la douleur des nouveau-nés en USI doivent être prévenus et traités, mais à la dose minimale efficace et avec la durée la plus courte possible. Les enfants exposés, a fortiori ceux présentant des comorbidités associées, doivent avoir un suivi à long terme afin d’adapter leur prise en charge précocement en cas de décalage dans les acquisitions psychomotrices. A suivre…

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MàJ mars 2023